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L’absence de preuve de l’envoi au chômeur de l’avertissement préalable prévu par l’article 59ter de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 vicie la suite de la procédure de suivi du comportement de recherche active d’emploi et peut être invoquée pour voir annuler la sanction d’exclusion prise après le troisième entretien

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 2 mars 2011, R.G. 2009/AB/52.258

Mis en ligne le lundi 17 octobre 2011


Cour du travail de Bruxelles, 2 mars 2011, R.G. n° 2009/AB/52.258

Les faits de la cause

Le 4 décembre 2006, Mme A. est convoquée pour un premier entretien dans le cadre de la procédure d’activation. L’évaluation de son comportement ayant été négative, elle souscrit un contrat d’activation.

Lors du second entretien, l’évaluation est également négative et Mme A. signe un nouveau contrat. Elle est, par décision du 30 mai 2007, informée qu’elle est exclue pour une période de quatre mois mais que la durée de l’exclusion pourrait être limitée à deux mois si elle démontre que le revenu annuel net de son ménage ne dépasse pas le montant prévu par la réglementation.

Mme A. est invitée à produire le cas échéant la preuve que les revenus de son ménage justifient la réduction de la sanction à deux mois. Elle communique par lettre du 3 août 2007 un document qui ne paraît pas pertinent à l’O.N.Em.. Le 16 août 2007, le directeur du bureau de chômage confirme la suspension pour quatre mois.

Mme A. ne se présente pas pour le troisième entretien nonobstant une convocation par lettre ordinaire puis par lettre recommandée. Elle prouvera l’hospitalisation de son enfant mais pas qu’elle en a communiqué la preuve à l’O.N.Em. Elle est, par décision du 20 novembre 2007, exclue sur la base de l’article 59sexies.

Elle introduit par requête du 20 février 2008 un recours devant le tribunal du travail dont le dispositif demande la condamnation de l’O.N.Em. au paiement d’allocations durant les périodes de suspension et d’exclusion.

Recours devant le tribunal du travail de Bruxelles

Mme A. soulève notamment l’illégalité de la sanction pour non-respect de la formalité substantielle d’envoi de la lettre d’avertissement prévue à l’article 59ter de l’arrêté royal.

Par jugement du 15 mai 2009, R.G. n° 3026/08, le tribunal :

  • décide que le recours est recevable non seulement contre la seconde décision mais également contre la première, qui ne reprenait pas les mentions obligatoires visées par l’article 14 de la Charte de l’assuré social ;
  • écarte les moyens de Mme A. quant à l’absence d’envoi de l’avertissement préalable, relevant en substance que : le chômeur à l’obligation de rechercher activement un emploi ; l’avertissement n’a pas à modifier un comportement qui est en toute hypothèse imposé au chômeur par l’article 58 de l’arrêté royal ; en outre, l’absence d’avertissement ne peut surprendre le chômeur dans la preuve des recherches si elles ont été effectuées dès lors qu’il peut les établir au cours du premier entretien par de simples déclarations ; l’article 59ter n’est pas d’ordre public ; il ne s’agit pas d’une formalité substantielle ; les dispositions en matière de suivi du comportement actif n’ont pas un caractère répressif ou disciplinaire, en sorte que les droits de la défense de Mme A. n’ont pas été violés par l’absence d’avertissement, celle-ci a eu le temps de se préparer à l’entretien et si elle avait cherché un emploi comme elle en avait l’obligation, elle aurait donc pu éviter de devoir signer le premier contrat.

La cour du travail confirme dès lors les sanctions dans leur principe, ordonnant la réouverture des débats pour permettre à Mme A. de produire les documents fiscaux susceptibles de justifier une sanction atténuée (article 59quinquies AR) ou retardée (article 59sexies).

Mme A. interjette appel de ce jugement.

Elle soutient en degré d’appel que l’omission de la formalité substantielle d’envoi de la lettre d’avertissement viciait toute la procédure. Elle invoque également un manquement de l’O.N.Em. à ses obligations d’information : compte tenu de sa situation familiale extrêmement difficile, l’O.N.Em. aurait dû lui conseiller de demander un dispense pour raisons familiales. Elle soutient également que les ressources du ménage ne permettaient pas l’application de la procédure.

L’O.N.Em. introduit un appel incident quant à la recevabilité du recours de Mme A. contre la décision administrative du 30 mai 2007. Concernant la décision du 20 novembre 2007, il soutient que l’avertissement n’est pas une formalité substantielle, l’article 59ter de l’arrêté royal ne faisant que confirmer l’obligation prévue à l’article 58 du même arrêté royal. En outre, l’évaluation lors du premier entretien n’a pas de répercussion directe sur le droit aux allocations, droit dont la limitation résulte uniquement du non-respect du contrat souscrit. Il conteste un manquement aux obligations d’information, obligations qui pèsent sur l’organisme de paiement et soutient en outre que dès que la procédure d’activation est mise en route, la dispense pour raisons familiales ne peut plus être demandée.

L’arrêt de la cour du travail

La cour du travail décide que la décision du 30 mai 2007 contenait les informations requises par l’article 14 de la Charte de l’assuré social. S’il n’est pas établi que la décision a été notifiée par lettre recommandée, il est en tout cas certain que Mme A. en a effectivement pris connaissance au plus tard le 25 juillet 2007, puisqu’elle a à cette date demandé la diminution de la sanction compte tenu de ses ressources. Le recours contre la décision de suspension du 30 mai 2007 est dès lors irrecevable.

Concernant la décision du 20 novembre 2007, l’arrêt estime que l’avertissement est un élément essentiel de la première évaluation. La procédure prend en effet fin si elle est positive et, par cette omission, l’O.N.Em. prive le bénéficiaire de la possibilité de se réserver des preuves et d’organiser efficacement sa défense. La cour rappelle également que la date d’envoi de l’avertissement doit avoir lieu dans un délai déterminé qui doit également pouvoir faire l’objet d’un contrôle.

En l’espèce, l’O.N.Em. ayant la charge de la preuve de l’envoi de l’avertissement, il ne lui suffit pas d’affirmer que si l’avertissement n’avait pas été envoyé, il n’y aurait pas eu de première convocation. En outre, il n’est pas fait référence à l’avertissement dans la procédure postérieure. Mme A. n’a donc pas pu couvrir la nullité.

La question qui se pose est alors si Mme A. peut encore invoquer cette nullité alors qu’elle n’a pas contesté la première évaluation négative ni la sanction prononcée à la suite du deuxième entretien. La cour du travail répond par l’affirmative à cette question, en appliquant l’article 159 de la Constitution, qui n’est pas mis à néant par le fait que, entre l’acte administratif nul et l’acte administratif contesté, se sont insérées des décisions devenues définitives. En appliquant l’article 159 de la Constitution, la cour ne met pas en cause le caractère définitif de ces décisions mais annule seulement la troisième décision.

Sous la réserve de ce que le droit aux allocations n’ait pas été supprimé pour un autre motif légal, la cour du travail condamne dès lors l’O.N.Em. à payer les allocations à partir du 27 novembre 2007.

Intérêt de la décision

Cette décision présente l’intérêt de se prononcer sur la nature de l’obligation d’avertissement, qualifiée par la cour de formalité substantielle viciant la procédure d’évaluation, et sur les conséquences de l’absence d’avertissement lorsque, avant l’acte contre lequel un recours recevable a été introduit, des décisions d’évaluation négatives à l’issue des premier et deuxième entretien n’ont pas été contestées.

Cette affaire permet également de mettre l’accent sur les interrogations que suscite la procédure d’activation au regard de l’article 6 de la C.E.D.H.

Ainsi que le rappellent J.F. Neven et E. Dermine, si l’évaluation est négative à l’issue du premier entretien, le contrat doit être signé à l’issue de cet entretien ou dans les quinze jours. L’arrêté royal n’organise aucun recours particulier et le recours introduit n’est pas suspensif (Le contrôle de l’obligation pour le chômeur de rechercher activement un emploi, in Actualités de droit social Revenu d’intégration sociale, activation chômage et règlement collectif de dettes, vol. 116, C.U.P., 102 et ss.

On observera également que le recours à la Commission administrative nationale, qui permet de remettre en cause les sanctions prises à l’issue des deuxième et troisième entretiens, est encadré par l’article 59septies de l’arrêté royal du 25 novembre 1991. Il est prévu dans trois hypothèses dont aucune ne concerne la violation des formalités substantielles. En outre, il ne peut porter sur l’évaluation négative lors du premier entretien.


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