Terralaboris asbl

Quelles sont les conséquences, sur l’existence de contrat de travail, d’une annulation par l’autorité de tutelle de la décision de l’autorité soumise à la tutelle de le conclure ?

Commentaire de Cass., 5 mars 2012, n° S.09.0096.F

Mis en ligne le lundi 30 juin 2014


Cour de cassation, 5 mars 2012, n° S.09.0096.F

Les faits de la cause

Par une délibération du collège des bourgmestre et échevins, la commune d’Anderlecht a décidé de conclure un contrat de travail avec un sieur B. Un contrat de travail à durée déterminée a été signé. La délibération a été annulée par le ministère de la Région de Bruxelles-Capitale.

La commune a alors notifié l’arrêté d’annulation à M. B. en l’informant que son engagement était nul et non avenu.

Celui-ci l’a citée à comparaître devant le tribunal du travail de Bruxelles en vue de la voir condamner au paiement d’une indemnité compensatoire de préavis.

Par un jugement du 5 novembre 2007, le tribunal a débouté le sieur B. de son action en tant qu’elle était fondée sur le contrat de travail, celui étant nul et de nul effet. Il a ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de s’expliquer sur la responsabilité éventuelle de de la commune.

Par un arrêt du 25 mars 2009 (J.T.T., 2009, p. 268), la cour du travail a réformé ce jugement : l’annulation postérieure de la délibération du collège n’a pas affecté le consentement valablement donné au moment de la formation du contrat de travail et, partant, annulé rétroactivement ce consentement. Comme telle, la décision de l’autorité de tutelle qui annule l’acte administratif détachable n’implique pas que le contrat de travail conclut entretemps doit être considéré comme n’ayant jamais existé. La cour du travail cite à cet égard l’arrêt de la douzième chambre du Conseil d’Etat n° 176.750 du 13 novembre 2007 (T. Gem., 2008, livre IV, p. 278). Il ne suffisait dès lors pas que la commune prenne acte de l’arrêté d’annulation, il fallait encore qu’elle établisse que l’annulation de sa délibération a entraîné la nullité du contrat de travail. Or le contrat de travail conclu relève du champ contractuel et il ne ressort pas des dispositions de l’ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 14 mai 1998 organisant la tutelle administrative sur les communes de la Région de Bruxelles-Capitale que l’annulation de l’acte administratif détachable entraîne la nullité du contrat de travail. La cour du travail condamne en conséquence la commune au paiement d’une indemnité compensatoire de préavis.

La procédure devant la Cour de cassation

La première branche du moyen de cassation soutenait qu’en vertu du l’article 10 de l’ordonnance du 14 mai 1998, lorsqu’un acte administratif communal a été annulé par l’autorité de tutelle, cette annulation opérant avec effet rétroactif, l’acte administratif annulé est censé n’avoir jamais existé et le contrat de travail est nul pour défaut de consentement en vertu de l’article 1108 du Code civil.

La Cour de cassation accueille cette branche du moyen : l’annulation opère avec effet rétroactif avec la conséquence que le consentement disparaît lui aussi avec effet rétroactif. Les motifs de l’arrêt attaqué ne justifient donc pas légalement la décision que la commune invoque à tort la nullité du contrat résultant de l’arrêté d’annulation.

Intérêt de la décision commentée

La Cour de cassation tranche la question, controversée, des conséquences de l’annulation par l’autorité de tutelle d’une délibération portant sur la conclusion d’un contrat de travail, sur le contrat de travail conclu en exécution de cette décision.

L’arrêt du Conseil d’Etat cité par l’arrêt analysé dégage la règle que la décision de l’autorité de tutelle annulant la délibération décidant d’engager un travailleur n’implique pas que le contrat de travail doive être réputé n’avoir jamais existé. Seul le juge du travail peut constater la nullité du contrat.

C’est essentiellement dans le cadre des marchés publics que s’est développée la thèse de la disparition rétroactive du consentement. Ainsi P. Goffaut et L. Lucas (« Des effets de l’annulation par le Conseil d’Etat de la décision d’attribuer un marché public », APT., 1998, p. 63) ont défendu la thèse de la disparition rétroactive du consentement au contrat. P. Lewalle a également soutenu que l’« annulation pourrait servir de base à une action portée devant le tribunal visant à faire anéantir le contrat lui-même » (Contentieux administratif, Bruxelles, Larcier, 2002, n° 562).

C’est cette thèse qui a été retenue par la Cour de cassation.

Comme l’avait décidé le tribunal du travail dans le jugement a quo, après que les juridictions du travail, seules compétentes à cet égard, aient annulé le contrat, il ne semble plus rester au travailleur que la voie de l’action en responsabilité de l’administration qui n’a pas la même portée, les dommages et intérêts ayant un sort différent de l’ indemnité de préavis dans les différents secteurs de la sécurité sociale et plus particulièrement dans le domaine du chômage, de l’assurance maladie-invalidité, des pensions. La pratique révèle qu’il est généralement difficile de prouver, dans le cadre d’une action en dommages et intérêts, les conséquences réelles de la disparition rétroactive du contrat de travail.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be