Terralaboris asbl

Assujettissement au statut social des travailleurs indépendants et prestations à l’étranger

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 11 octobre 2013, R.G. 2012/AB/169

Mis en ligne le mardi 24 juin 2014


Cour du travail de Bruxelles, 11 octobre 2013, R.G. n° 2012/AB/169

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 11 octobre 2013, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les conditions dans lesquelles un travailleur indépendant, mandataire de société, peut être dispensé de l’assujettissement au statut social des travailleurs indépendants, s’il fait état d’une activité exercée à l’étranger.

Les faits

Un gérant de société (désigné à titre gratuit) s’affilie à une caisse sociale en octobre 2002. Il déclare l’exercice d’une activité au Royaume Uni. Trois ans plus tard, il démissionne de son mandat et cède ses parts. La caisse a, entretemps, adressé un décompte de cotisations et l’INASTI a confirmé que l’intéressé devait être assujetti au statut social depuis la création de la société.

L’INASTI précisera ultérieurement qu’il n’a pas été mis en possession ni par l’intéressé ni par l’institution anglaise compétente du formulaire E.101 attestant qu’il était soumis à la législation anglaise pour la période concernée.

Citation est en fin de compte lancée par la Caisse qui réclame un montant de l’ordre de 20.000€. Le tribunal du travail de Nivelles le condamne au paiement de cette somme par jugement du 11 septembre 2006.

Appel est interjeté.

Décision de la cour du travail

La cour reprend l’examen du Règlement européen de sécurité sociale n° 1408/71 (étant celui applicable à l’époque des faits), dont l’article 14bis, 2) dispose que la personne qui exerce normalement une activité non salariée sur le territoire de deux ou plusieurs Etats est soumise à la législation de celui sur le territoire duquel elle réside, si elle exerce une partie de son activité sur celui-ci.

À l’époque, l’exercice de l’activité dans un autre Etat pouvait être établi par le formulaire E.101, complété par l’institution de sécurité sociale de celui-ci.

La cour rappelle la force probante de ce formulaire, telle qu’admise par la Cour de justice dans sa jurisprudence : celui-ci lie l’institution compétente de l’Etat dans lequel le travailleur non salarié se rend pour effectuer un travail ainsi que la personne qui fait appel à ses services, tant que ce formulaire n’est pas retiré ou déclaré invalide. L’exercice de l’activité dans un autre Etat ne peut dès lors être prouvé que via celui-ci.

La cour constate que l’intéressé n’a jamais produit ce formulaire et que c’est donc à juste titre que l’INASTI et la Caisse estiment que l’exercice d’une activité dans un autre Etat membre n’est pas avéré.

Elle reprend, ensuite, les principes relatifs à l’obligation des gérants de société d’assujettissement au statut social des travailleurs indépendants.

Il s’agit ainsi d’appliquer les règles relatives aux personnes physiques exerçant en Belgique une activité professionnelle en dehors des liens d’un contrat de travail ou d’un statut. L’assujettissement est obligatoire dès lors que l’activité est professionnelle c’est-à-dire qu’elle est exercée dans un but de lucre (peu importent les revenus qu’elle produit) et qu’elle a un caractère habituel. La cour rappelle les présomptions d’assujettissement, étant celles de l’article 2 de l’arrêté royal du 19 décembre 1967 relative à l’exercice d’un mandat dans une association ou une société qui se livre à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif (présomption irréfragable d’exercice d’une activité entraînant l’assujettissement) et celle de l’article 3, § 1er de l’arrêté royal n° 38 concernant les personnes désignées comme mandataires dans une société ou association assujettie à l’impôt belge des sociétés ou à l’impôt des non résidents (présomption irréfragable d’exercice en Belgique d’une activité professionnelle en tant qu’indépendant).

Rappelant la modification de ces présomptions par la Cour constitutionnelle dans son arrêt du 3 novembre 2004 (C. const. 3 novembre 2004, arrêt n° 176/2004), la cour conclut dès lors, très normalement que le mandataire peut renverser la présomption, étant qu’il peut en l’espèce apporter la preuve de l’absence d’activité exercée dans un but de lucre et présentant un caractère habituel et continu. C’est, sur l’absence de lucre, par la gratuité du mandat en droit et en fait que cette preuve peut être apportée.

La cour constate que l’intéressé est en défaut de ce faire et, en conséquence, conclut à l’obligation d’assujettissement, la présomption légale n’étant pas renversée.

Intérêt de la décision

Cet arrêt expose clairement deux questions récurrentes, étant d’une part l’exercice par un travailleur non salarié d’une autre activité dans un autre Etat membre de l’Union européenne et d’autre part les conditions d’assujettissement au statut social des travailleurs indépendants des mandataires de société.

Sur la première question, la cour reprend la réglementation applicable à l’époque des faits, étant le Règlement européen de sécurité sociale n° 1408/71 et son mécanisme de contrôle, via le formulaire E.101. Actuellement, dans le cadre du Règlement 883/2004, le formulaire à produire est le formulaire A1, qui est délivré par l’organe compétent de l’Etat membre dont la législation est applicable. Il confirme que la législation d’un autre Etat membre auquel l’intéressé est lié ne s’applique pas. Il permet donc de déterminer s’il y a lieu de payer des cotisations de sécurité sociale.

L’on peut encore rappeler que si un travailleur indépendant exerce des activités dans un Etat membre de l’Union européenne, il continue de relever de la législation belge dans plusieurs cas, notamment s’il travaille simultanément comme salarié en Belgique et comme indépendant dans un autre pays de l’Union européenne ou s’il exerce simultanément ou successivement des activités de travailleur indépendant dans plus d’un pays de l’Union européenne et que la législation belge lui est applicable. Est encore visée l’hypothèse où le travailleur indépendant exerce normalement ses activités en Belgique tout en exerçant pendant une période de maximum 24 mois des activités de même nature dans un autre pays.


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