Terralaboris asbl

Un assuré social est-il tenu d’informer sa caisse d’allocations familiales de tout changement dans sa composition de ménage ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 12 septembre 2013, R.G. 2011/AB/1.171

Mis en ligne le mardi 24 juin 2014


Cour du travail de Bruxelles, 12 septembre 2013, R.G. n° 2011/AB/1.171

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 12 septembre 2013, la Cour du travail de Bruxelles fait, en matière d’allocations familiales, une intéressante application de l’article 17, alinéa 2 de la Charte de l’assuré social.

Les faits

L’assurée sociale bénéfice des allocations familiales pour ses 4 enfants. Un de ses enfants quitte le domicile familial en date du 5 mars 2009. L’ONAFTS fait grief à l’assurée sociale de ne pas l’avoir tenu informé de ce changement dans sa composition de ménage. Une décision est adoptée et un indu est fixé à la somme de 2.066,28 € soit la différence entre les rangs 1 et 3 pour la période du 1er avril 2009 au 31 mars 2010. L’assurée sociale conteste cette décision devant le Tribunal du travail. Devant le premier juge, l’ONAFTS introduit une demande reconventionnelle tendant à voir condamner l’intéressée à rembourser ce montant.

Décision du tribunal du travail

L’argument principal développé par l’assurée sociale est l’application, à l’égard de la décision adoptée par l’ONAFTS, de l’article 17, alinéa 2 de la Charte de l’Assuré social. Une décision rectificative ne peut pas avoir d’effet rétroactif en cas d’erreur due à l’institution de sécurité sociale. L’assurée sociale défend l’idée selon laquelle elle n’était pas tenue d’informer l’ONAFTS de la modification de son ménage. Toujours selon l’assurée sociale, l’ONAFTS est informé directement de toute modification concernant la résidence principale ou la composition de ménage par la Banque-carrefour de sécurité sociale (BCSS). Il appartenait donc à l’ONAFTS de traiter cette information en temps utile.

L’ONAFTS conteste toute faute dans son chef et rejette toute responsabilité dans le suivi des informations. Il précise que la BCSS ne l’a informé de cette modification que le 1er avril 2010 alors que la modification du ménage de l’intéressée intervient le 5 mars 2009.

Le Tribunal va suivre la thèse de l’ONAFTS en constatant que l’ONAFTS n’avait commis aucune erreur. Il confirme la décision adoptée par l’ONAFTS et par conséquent condamne l’assurée sociale à lui rembourser l’indu.

Position des parties en appel

Compte tenu de la motivation du premier juge, l’assurée sociale appelle à la cause la BCSS. La BCSS considère qu’en parallèle l’assurée sociale était tout de même obligée d’informer l’ONAFTS de la modification de sa composition de ménage. Elle précise par ailleurs avoir communiqué cette information à l’ONAFTS le 5 mars 2009. Vu cette information cruciale inconnue du premier juge et de l’assurée sociale, les positions des parties se modifient considérablement : l’ONAFTS renonce à réclamer un indu à charge de l’assurée sociale.

Décision de la cour du travail

La Cour du travail constate dans un premier temps, après une analyse détaillée de la réglementation, que l’assurée sociale était dispensée de signaler à l’ONAFTS la modification dans sa composition de ménage. Dès lors qu’un jeune a quitté le domicile de ses parents et a signalé son changement de domicile à la Commune, l’ONAFTS reçoit automatiquement un avis de modification et doit prendre les dispositions adéquates. La Cour du travail constate ensuite que l’ONAFTS avait en l’espèce commis une erreur de fait en ne traitant pas directement l’information sous forme de mailbox transmise par la BCSS le 5 mars 2009. La Cour en déduit que l’assurée sociale était de bonne foi et qu’elle ignorait et ne pouvait savoir que le maintien du paiement auprès d’elle des allocations de son enfant était du à une erreur de l’ONAFTS. Les conditions d’application de l’article 17 alinéa 2 de la Charte sont donc rencontrées. Aucune somme ne doit être remboursée par l’assurée sociale à titre d’indu.

Intérêt de la décision

Dans la plupart des secteurs de la sécurité sociale, l’assuré social est tenu, sous peine de sanctions et de récupération rétroactive de l’indu, d’informer immédiatement l’institution compétente de tout élément susceptible d’entraîner une modification dans l’octroi ou le paiement des prestations sociales. Il existe comme en l’espèce certaines exceptions à ce principe. Il est important de les connaître : si, en l’espèce, l’assurée sociale n’avait pas appelé la BCSS à la cause, elle n’aurait jamais pu démontrer une erreur voire une faute dans le chef de l’ONAFTS et serait condamnée à rembourser l’indu. Il convient donc de garder à l’esprit que la Banque Carrefour dans certains cas précis communique automatiquement le changement d’adresse qui lui est signalé par le Registre national. Actuellement, cette communication automatique reste seulement destinée aux institutions de sécurité sociale qui ont demandé explicitement à être averties en cas de changement d’adresse.

Malheureusement, cet outil fort utile pour les deux parties en ce qu’il protège à la fois l’assuré social (de nombreux assurés sociaux de bonne foi ne sont pas toujours conscients de ces obligations d’information immédiate) et l’institution de sécurité sociale (il évite ainsi de devoir payer des prestations indûment) reste peu usité actuellement : seules la mutualité ou la caisse d’allocations familiales de la personne en cause ont été identifiées comme étant désireuses d’être automatiquement informées d’un changement d’adresse et de composition de ménage par la BCSS.


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