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Assurance Maladie Invalidité : recours de l’organisme assureur en cas de doubles versements suite à une réparation en droit commun

Commentaire de C. trav. Mons, 11 avril 2013, R.G. 2011/AM/419

Mis en ligne le lundi 23 juin 2014


Cour du travail de Mons, 11 avril 2013, R.G. n° 2011/AM/419

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 11 avril 2013, la Cour du travail de Mons rappelle les conditions dans lesquelles, lorsqu’intervient une réparation en droit commun, l’organisme assureur peut tenter de récupérer des prestations versées indument pour la période postérieure à la décision judiciaire accordant celle-ci.

Les faits

Un assuré social résidant en France perçoit des indemnités d’incapacité de travail dans le cadre du secteur AMI. Ayant été victime d’une erreur médicale, à la base de son incapacité de travail, il obtient en janvier 2005 une condamnation en France d’un médecin, et ce pour le dommage subi. La décision définitive date du 14 juin 2007 et l’organisme assureur réclame, ultérieurement, remboursement des indemnités versées après cette décision, soit pendant une période de 15 jours.

Le Tribunal du travail de Charleroi, saisi par les deux parties, statue par jugement du 3 octobre 2011 et met la décision de récupération d’indu à néant. Il considère que l’organisme ne pouvait plus exercer son droit de subrogation après la date de prononcé de la décision.

Position des parties devant la cour

L’organisme assureur, appelant, conteste qu’il ne pouvait plus exercer son droit de subrogation après la date du prononcé, estimant en tout état de cause que, lorsqu’il a payé les indemnités litigieuses, le tiers responsable n’avait pas encore, pour sa part, effectué le paiement correspondant à la réparation du préjudice.

Décision de la cour

La cour reprend in extenso les termes de l’article 136 § 2 de la loi coordonnée le 14 juillet 1994, qui fixe les conditions dans lesquelles les prestations sont refusées, en cas de réparation en vertu d’une autre législation belge ou étrangère ou du droit commun. Il ressort de cet article que, s’il existe un jugement condamnant le débiteur d’une réparation à indemniser le bénéficiaire, ceci n’exonère pas l’organisme assureur de sa propre obligation d’octroyer les prestations dans l’attente de l’exécution effective du jugement. Pour la cour, ceci vaut à tout le moins jusqu’à ce qu’il ait manifesté l’intention d’exécuter la décision judiciaire. Par ailleurs, ceci ne prive pas l’organisme assureur du droit de réclamer par le retour subrogatoire le remboursement des prestations qui auraient été versées dans l’attente de cet avertissement. La cour renvoie à l’arrêt de la Cour de cassation du 29 mai 2006 (Cass., 29 mai 2006, R.G. n° C.05.0253.N.).

En conséquence, l’existence de l’arrêt de la Cour d’appel ne dispense pas l’organisme assureur de son obligation de payer dans l’attente de l’exécution effective de celui-ci, à tout le moins de son intention d’exécuter la décision. Par ailleurs, le fait que l’organisme assureur ait été partie à la cause dans la procédure mue devant les juridictions françaises est sans incidence sur l’obligation d’avertir dans le chef du débiteur de la réparation. Cette circonstance a une seule conséquence, étant que celui-ci n’est pas tenu de communiquer la copie de l’arrêt lorsqu’il annonce son intention d’indemniser (la cour renvoyant ici à l’arrêt de la Cour de cassation du 15 mars 2010, R.G. n° C.09.0320.N).

En cas de non respect de l’obligation d’information de l’organisme assureur de la part du débiteur de la réparation, il y a inopposabilité des paiements faits par ce dernier et la cour renvoie ici à l’arrêt de la Cour de cassation du 8 février 1990 (Cass., 8 février 1990, R.G. n° 8522) selon lequel ce qui est acquis à la victime par les deux versements l’est définitivement.

Dans l’éventualité d’un paiement par le débiteur postérieurement au versement des prestations par l’organisme assureur et à défaut d’information de cette dernière de son intention de règlement, l’assuré social ne peut plus être poursuivi, seule l’action subrogatoire étant légalement possible. La cour du travail renvoie ici à la doctrine de M. Gosseries (Ph. Gosseries, « Difficultés d’interprétation et d’application de la règle d’interdiction du cumul de la réparation du même dommage par la législation sur l’assurance obligatoire contre la maladie et l’invalidité et une autre législation nationale ou étrangère (L. 14 juillet 1994, art. 136 § 2 », J.T.T., 2000, p. 274).

La cour examine, dès lors, en l’espèce, les éléments de la chronologie des faits, étant que, après le prononcé, les indemnités ont encore été versées pendant une quinzaine de jours et que le tiers responsable n’a effectué le paiement de la réparation que plusieurs semaines plus tard. Il n’a, par ailleurs, pas informé l’organisme assureur de son intention d’exécuter la décision. Pour la cour, si l’organisme assureur entend récupérer les indemnités payées, seule l’action subrogatoire est légalement possible et les versements effectués au profit de l’assuré social lui sont définitivement acquis.

Elle confirme dès lors le jugement du tribunal.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Mons vise l’hypothèse d’un cumul des réparations, en l’occurrence avec une indemnisation de droit commun. La cour rappelle les obligations du débiteur de la réparation, eu égard à l’existence de versements concomitants de la part de l’organisme assureur. En cas de doubles versements, ceux-ci restent, ainsi que l’a rappelé la cour, dans les conditions ci-dessus, acquis à l’assuré social et l’organisme assureur doit exercer l’action subrogatoire.


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