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Personnes handicapées hébergées dans un service résidentiel : conditions d’aide de la COCOF

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 5 novembre 2013, R.G. 2012/AB/44

Mis en ligne le mercredi 18 juin 2014


Cour du travail de Bruxelles, 5 novembre 2013, R.G. n° 2012/AB/44

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 5 novembre 2013, la Cour du travail de Bruxelles considère qu’est contraire à la Constitution l’exclusion contenue dans l’arrêté n° 99/262/A de la Commission communautaire française, qui écarte des situations autorisant une aide d’intégration sociale et professionnelle les personnes hébergées en service résidentiel.

Les faits

Une demande est introduite auprès de la Commission communautaire française aux fins d’obtenir son intervention dans l’achat d’un appareil de communication Tellus 3+. Cette demande est faite par les parents d’une personne hébergée en service résidentiel pour adultes handicapés. Le motif du refus gît dans la circonstance que pour la COCOF, l’hébergement en service résidentiel ne répond pas à la notion d’intégration sociale et professionnelle telle que prévue dans la réglementation, l’intégration sociale et professionnelle devant se réaliser au travers d’activités bien définies.

Une autre demande est alors introduite, portant sur l’achat d’un fauteuil roulant manuel. Elle est également refusée, pour les mêmes motifs.

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Bruxelles, qui, par jugement du 26 octobre 2011, fait droit aux deux demandes, la COCOF étant condamnée à intervenir dans les frais d’achat.

Un recours est introduit devant la cour du travail.

Les décisions de la cour du travail

La cour rend un premier arrêt, en date du 7 janvier 2013, demandant une production de documents, étant la réglementation invoquée par la COCOF, eu égard à l’existence d’un avis du Conseil consultatif bruxellois francophone de l’aide aux personnes et de la santé donné dans le cadre de l’évolution des textes.

Dans l’arrêt annoté, la cour examine le fond de la demande et réserve un premier examen à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, adoptée à New-York le 13 décembre 2006. Cette convention a reçu l’assentiment du législateur belge le 13 mai 2009.

Si les dispositions protectrices qu’elle contient sont sans effet direct, la cour relève que l’Etat belge s’est engagé à remplir les objectifs fixés par celle-ci et que le juge doit en tenir compte lorsqu’il applique le droit national.

Ces textes doivent dès lors être appliqués dans toute la mesure du possible de telle manière que ce droit national soit conforme au droit international liant la Belgique.

En ce qui concerne la demande d’aide individuelle, la cour constate qu’il est renvoyé à l’arrêté n° 99/262/A du Collège de la COCOF, qui définit notamment l’aide individuelle à l’intégration sociale des personnes handicapées, étant que pour que l’intervention de la COCOF puisse être obtenue, conditions et modalités précises doivent être respectées. Est notamment définie la finalité de l’aide individuelle, la cour reprenant longuement ce qu’il faut entendre par intégration sociale ou professionnelle au sens de cette réglementation (qui vise essentiellement l’exercice d’un travail, d’une formation ou le suivi d’études ou encore d’activités sociales dans le cadre du volontariat). Les finalités poursuivies étant ciblées, la cour constate que la demande ne peut correspondre aux situations visées ci-dessus.

Elle analyse, cependant, longuement la situation qui lui est présentée, eu égard à l’évolution des textes et notamment à l’intervention de la section de législation du Conseil d‘Etat, qui a invité le Collège à revoir un projet de modification élaboré en 2006 déjà. La mouture subséquente de la disposition litigieuse a permis de prévoir l’intervention de la COCOF lorsque l’aide favorise le maintien à domicile à l’exclusion de tout hébergement en institution. Cette notion renvoie à celle de centres d’hébergement, visés aux articles 65 et suivants du décret du 4 mars 1999 et la cour constate que l’intéressée est hébergée en institution au sens de ce décret. Elle est dès lors exclue du bénéfice de l’aide individuelle prévue par les textes ci-dessus.

Il faut cependant examiner le caractère discriminatoire de cette disposition et la cour constate qu’il y a une différence de traitement en fonction de la réalisation ou non d’une activité, aucune explication n’étant donnée quant au but de la mesure. Il y a dès lors une différence de traitement dépourvue de justification raisonnable, constituant une discrimination.

Mais une deuxième différence de traitement est relevée, étant que, même en l’absence d’activité exercée, une distinction est faite entre les personnes hébergées en institution ou maintenues au domicile. Elle examine dès lors longuement le but du maintien à domicile, eu égard aux limites budgétaires invoquées dans les travaux préparatoires. Elle constate cependant qu’ils sont à ce point vagues qu’elle ne peut vérifier si la mesure critiquée est raisonnablement proportionnée à l’objectif présenté, qui est celui de respecter les limites budgétaires.

Après avoir, enfin, abordé la question du cumul des interventions (l’institution d’hébergement étant déjà subsidiée par la COCOF), la cour conclut qu’il n’y a pas cumul d’aide, à proprement parler, les objectifs étant différents.

Il reste dès lors à tirer des conclusions quant à l’existence des discriminations relevées et pour la cour, conformément à l’article 159 de la Constitution, la partie de la disposition litigieuse (article 28 de l’arrêté) doit être écartée pour non-conformité aux articles 10 et 11 de la Constitution. Elle conclut dès lors que l’intéressée satisfait aux conditions requises (après écartement des termes repris dans la disposition en cause (« à l’exclusion de tout hébergement en institution »)).

Les aides demandées étant nécessaires et indispensables à l’intégration sociale de l’intéressée, elles répondent aux conditions requises, leur montant ne dépassant, en outre, pas 15.000€.

Enfin, une demande de dommages et intérêts lui étant soumise, eu égard au retard avec lequel les décisions litigieuses ont été prises (la COCOF ayant un délai de 30 jours à compter de celui où elle a les éléments nécessaires), la cour constate un retard indu, portant sur plusieurs mois. Elle fixe en équité le préjudice à réparer à 1.000€.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles contient une analyse fouillée des dispositions examinées. La cour constate l’existence de discriminations entre personnes handicapées, quant aux conditions d’intervention de la COCOF au titre de mesures d’intégration sociale ou professionnelle et insiste à plusieurs reprises sur le caractère vague ou peu explicite des objectifs de la réglementation, ne permettant pas, dès lors, un contrôle judiciaire approprié. La conséquence en est que le caractère raisonnable et proportionné de la mesure n’est pas établi.


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