Terralaboris asbl

Débiteur de cotisations à l’ONSS et créancier d’une administration publique

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 2 avril 2014, R.G. 2011/AB/832

Mis en ligne le vendredi 13 juin 2014


Cour du travail de Bruxelles, 2 avril 2014, R.G. n° 2011/AB/832

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 2 avril 2014, la Cour du travail de Bruxelles met un terme à une longue procédure ayant opposé une société à l’ONSS, société travaillant pour l’Etat belge, débitrice de cotisations mais créancière des pouvoirs publics.

Rétroactes

De nombreuses décisions ont été rendues, en cette affaire, depuis un jugement du Tribunal du travail de Namur du 14 septembre 2006. L’affaire a ensuite connu des développements devant la Cour du travail de Liège (section de Namur) qui a rendu deux arrêts. Suite à un arrêt de la Cour de cassation du 22 février 2010, l’affaire a été renvoyée à Bruxelles, qui a précédemment rendu deux arrêts, en date des 15 juillet 2013 et 27 novembre 2013.

Dans son arrêt du 22 février 2010, la Cour de cassation a considéré que le délai de 45 jours dans lequel doit réagir le débiteur (du débiteur des cotisations) est un simple délai d’ordre. Ce délai n’est en effet assorti d’aucune sanction et son dépassement n’a pas pour conséquence de faire naître un droit à la suspension de l’exigibilité de la créance de l’ONSS.

L’affaire a ainsi été réexaminée par la Cour du travail de Bruxelles, tenant compte de l’absence de sanction de non respect du délai qui aurait pu être interprété comme emportant le droit à la suspension, interprétation qui ne pouvait plus dès lors être retenue.

L’arrêt du 15 juillet 2013 a fait l’objet d’un précédent commentaire. Il examine, eu égard aux conditions de l’arrêté royal du 11 décembre 1985, les critères permettant de déclarer une créance certaine, exigible et libre de tout engagement à l’égard des tiers. La cour y précise que la créance doit porter sur des prestations acceptées par le débiteur, qu’elle ne peut faire l’objet, au moment de l’introduction de la demande, d’un terme ou d’une condition suspensive et qu’elle ne peut pas faire l’objet d’une saisie, d’une cession ou d’une mise en gage dûment notifiée.

Eu égard aux lenteurs constatées au niveau des administrations cocontractantes de la société, la cour ordonne une production de documents. Cette demande est faite vis-à-vis du SPF de l’Intérieur.

Suite à cette demande, le SPF Intérieur s’est borné à répondre qu’il n’était pas directement concerné par le litige, les factures en cause concernant une police locale, la police des chemins de fers et la police fédérale. La cour a, en conséquence, rendu un arrêt de réouverture des débats, en date du 27 novembre 2013.

Elle est ainsi amenée à statuer, en l’état, après avoir invité la société à justifier pour quelles factures et à la suite de quelles notifications il y aurait lieu d’interpeler le SPF Justice, au cas où des montants seraient encore pendants vis-à-vis de cette administration.

Constatant que la société ne peut établir l’existence d’une dette vis-à-vis de ce SPF (qui semble avoir fait les paiements le concernant), la cour constate qu’il y aurait lieu de vérifier ce qu’il en est pour les autres administrations en cause, étant la police des chemins de fers, la police fédérale et une police locale. Elle rappelle que, si les prestations commandées par celles-ci devaient être honorées par le SPF Justice, ce point devrait être éclairci, de même que la question de savoir si la notification prévue à l’arrêté royal du 11 octobre 1985 a été mise en route.

Elle rappelle que la règle est la suivante : si un débiteur de cotisations demande la suspension de l’exigibilité de la créance de l’ONSS, ceci suppose l’existence d’une créance certaine, liquide et exigible. Il faut également qu’une notification ait été faite au pouvoir public débiteur. Il appartient au débiteur de cotisations d’identifier clairement celui-ci. La cour va constater en l’espèce que la société n’est pas en mesure d’apporter la preuve de l’existence d’une telle créance, non plus d’ailleurs que de l’identité du débiteur. La cour constate également que, à supposer celui-ci déterminé, la société ne prouve pas qu’il a été valablement interpellé. Une notification adressée à plusieurs SPF, qui n’identifie pas le vrai débiteur, ne permet pas d’obtenir la suspension de l’exigibilité de la dette de cotisations.

La cour va ensuite réexaminer les éléments de fait, dont il ressort que la société n’établit pas avoir valablement adressé une notification au SPF Justice et que ce fait il n’y a pas lieu d’ordonner une production de documents par cette administration.

La cour va encore, cependant, égratigner à la fois le SPF Intérieur et le SPF Justice, soulignant qu’il n’ont pas été « particulièrement transparents » en cette affaire et qu’ils ne se sont pas « véritablement inscrits dans la philosophie » du régime, qui vise à éviter de mettre des entreprises en difficulté du fait du retard de paiement des pouvoirs publics. Cependant, dans la mesure où ceux-ci ne sont pas à la cause, les éventuelles carences constatées dans leur chef ne sont pas opposables à l’ONSS.

La cour va dès lors considérer que les cotisations sont dues. Elle accorde toutefois des termes et délais. Ceux-ci vont être limités eu égard au fait que la longueur de la procédure a elle-même déjà contribué à l’étalement des paiements et que peu d’indications sont données sur la situation financière de la société.

Intérêt de la décision

Cet arrêt clôt une saga qui a débuté il y quasi dix ans (la citation à comparaître datant du 27 septembre 2004). Des principes importants ont été rappelés dans les deux arrêts de la Cour du travail de Bruxelles, principes gouvernant les conditions de la suspension de l’exigibilité des cotisations. Un mérite supplémentaire de l’affaire est qu’elle a donné lieu à un arrêt de la Cour de cassation, arrêt du 22 février 2010, concernant le délai de 45 jours dans lequel le débiteur public est tenu de réagir sur la demande de suspension.


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