Terralaboris asbl

L’entreprise d’assurances peut-elle contester l’accident plusieurs années après les faits, ainsi après avoir suivi une expertise judiciaire ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 26 novembre 2007, R.G. 49.304

Mis en ligne le vendredi 22 février 2008


Cour du travail de Bruxelles, 26 novembre 2007, R.G. n° 49.304

TERRA LABORIS ASBL – Pascal Hubain

Les faits

Dans un arrêt du 26 novembre 2007, la Cour du travail de Bruxelles a été saisie d’une contestation relative à l’événement soudain, contestation émise près de 8 ans après l’accident, et bien après le dépôt du rapport d’expertise.

La position du tribunal

Un ouvrier est victime d’un accident le 8 octobre 1997. Il preste comme manœuvre pour une société de produits de boucherie et est occupé à la salle de découpe. Prenant une panse de vache remplie d’eau, et dans le mouvement pour la jeter dans un sac situé en hauteur, il ressent une douleur et un craquement dans son poignet droit.

Il doit arrêter le travail et est immobilisé par plâtre. Il est mis en incapacité de travail. Celle-ci durera plusieurs semaines.

Il introduit une procédure devant le tribunal du travail de Bruxelles et celui-ci rend un jugement le 25 septembre 2001, par lequel il reconnaît l’accident et ordonne une expertise judiciaire. L’expertise suit son cours et le rapport est déposé le 11 octobre 2004.

À ce moment, l’entreprise d’assurances, qui n’a pas contesté l’accident précédemment et qui a suivi sans aucune réserve les opérations d’expertise, signale qu’elle entend contester le jugement (non signifié) du 25 septembre 2001.

Le demandeur procède alors à la signification du jugement, qui a admis l’accident. L’entreprise d’assurances interjette alors appel, le 12 décembre 2006, afin de contester l’événement soudain.

La position des parties en appel

Le demandeur fait essentiellement valoir devant la Cour que, c’est près de 8 ans après les faits que l’appelante remet en cause la preuve du fait accidentel et qu’aucune contestation n’a été émise auparavant. La tardiveté des critiques émises par l’entreprise d’assurances rend, à cet égard, beaucoup plus difficile pour lui de prouver un fait ancien, à propos duquel tous les éléments de preuve ont été communiqués en leur temps. Il fait valoir la difficulté – voire l’impossibilité – d’apporter, plus de 8 ans après les faits, d’autres éléments permettant d’asseoir la conviction du juge.

Il demande, sur le plan de la procédure, que, si la Cour confirme le jugement du 25 septembre 2001, elle renvoie l’affaire au tribunal.

Quant à l’entreprise d’assurances, elle signale s’être référée à justice quant à la demande de désignation d’un expert mais avoir découvert « au cours des travaux » de l’expertise des informations contradictoires, étant un aménagement par le demandeur de sa version des faits. Elle va ainsi retenir des contradictions dans les explications données par l’intéressé. En conséquence, elle demande de dire pour droit qu’il n’y a pas d’accident du travail et introduit une demande reconventionnelle étant la répétition d’un indu, dans la mesure où elle avait admis un taux (faible) d’I.P.P. et avait indemnisé sur cette base.

La position de la Cour

La Cour va constater qu’avant le dépôt du rapport, l’entreprise d’assurances n’a jamais contesté la réalité de l’accident et qu’elle a proposé une indemnisation, sur les conditions de laquelle la victime ne fut pas d’accord, raison – précisément – pour laquelle il introduisit une action judiciaire. Dans son projet d’indemnisation, l’entreprise d’assurances faisait d’ailleurs référence à un accident du travail. Jamais dans le cours de la procédure, devant le premier juge, l’entreprise d’assurances ne contesta encore les éléments du dossier.

S’agissant d’un faux mouvement, la Cour admet que celui-ci peut constituer un événement soudain, dans la mesure où il survient dans le cours de l’exécution du contrat de travail. En l’occurrence, la manipulation d’une panse de vache constitue bien ce faux mouvement. Par ailleurs, elle va balayer les objections de l’entreprise d’assurances relatives à des versions contradictoires et aménagées au fil du temps, constatant que l’intéressé n’avait fait que donner des explications complémentaires et nullement incompatibles.

Sur le plan de la procédure, la Cour renvoie l’affaire en application de l’article 1068 du Code judiciaire au tribunal même si la mesure d’instruction a été exécutée.

Intérêt de la décision

S’il n’est pas, formellement, exclu de contester l’événement soudain même plusieurs années après les faits, la Cour a, en l’espèce, relevé que de l’attitude de l’entreprise d’assurances (absence de refus ou de formulation de doutes dans le délai de 30 jours, proposition d’un taux d’incapacité permanente, suivi sous réserve d’une mesure d’instruction, …) il découlait que la contestation était peu sérieuse, celle-ci ne reposant, d’ailleurs, que sur des variations peu significatives dans la description du faux mouvement en cause.


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