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La Charte de l’assuré social est-elle applicable à Fedasil ?

Commentaire de Cass., 16 décembre 2013, n° S.13.0056.F

Mis en ligne le lundi 19 mai 2014


Cour de cassation, 16 décembre 2013, n° S.13.0056.F

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 16 décembre 2013, la Cour de cassation se prononce sur la question de savoir si l’Agence fédérale d’accueil des demandeurs d’asile, chargée de leur assurer l’aide matérielle directement ou à l’intervention d’un partenaire, est une institution de sécurité sociale au sens de la charte de l’assuré social.

Les faits de la cause

Le 26 juillet 2011, Fedasil notifie à Mme G. M. M. une décision qui supprime le lieu obligatoire d’inscription. La notification mentionne que cette décision peut faire l’objet d’un recours devant le tribunal du travail compétent, soit le tribunal du travail de Bruxelles ou le juge du lieu du domicile de l’intéressée et que ce recours doit être introduit dans les trois mois à compter de la notification de la décision sous peine de déchéance du recours.

Le 7 novembre 2011, Mme G. M. M. introduit un recours devant le tribunal du travail de Verviers, mettant à la cause tant Fedasil que le C.P.A.S. de Verviers.

Fedasil conteste la recevabilité de ce recours, introduit au-delà du délai de trois mois.

La cour du travail de Liège, par un arrêt rendu le 6 février 2013, dit recevable la demande de la dame G. M. M. introduite à l’encontre de Fedasil. Selon cet arrêt, Fedasil ne fait pas partie des institutions de sécurité sociale définies à l’article 2, 2°, de la loi du 11 avril 1995 visant à instituer la charte de l’assuré social, n’étant pas chargée d’accorder des prestations de sécurité sociale au sens de l’article 2, 1°, de cette loi. La cour du travail indique à cet égard que la loi du 12 janvier 2007 sur l’accueil des demandeurs d’asile et de certaines autres catégories d’étrangers distingue clairement l’aide sociale assurée par les C.P.A.S. et l’aide matérielle octroyée par la structure d’accueil ou le C.P.A.S. désignés comme lieu obligatoire d’inscription. La cour du travail indique que l’on peut également douter que le candidat à l’asile, bénéficiaire de l’accueil sous la forme d’une aide matérielle, soit un assuré social au sens de la charte. Elle décide également que ni cette loi du 12 janvier 2007 ni aucune autre disposition légale ne détermine un délai de recours fixé à peine de déchéance à l’encontre d’une décision supprimant un lieu obligatoire d’inscription.

Fedasil s’est pourvu en cassation contre cet arrêt, en invoquant la violation des articles 1, 2 et 23 du la loi du 11 avril 1995, des articles 57 et 57ter de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d’action sociale et des articles 2, 3, 13 et 55 de la loi du 12 janvier 2007 sur l’accueil des demandeurs d’asile et de certaines autres catégories d’étrangers.

L’arrêt de la Cour de cassation

La Cour casse l’arrêt attaqué.

Elle rappelle qu’en vertu de l’article 1er, alinéa 1er, de la loi du 8 juillet 1976, toute personne a droit à l’aide sociale ; qu’en vertu de l’article 57, § 1er, alinéa 1er, de cette loi, c’est en règle le C.P.A.S. qui doit assurer cette aide ; que, par dérogation, l’article 57ter, alinéa 2, prévoit que le demandeur d’asile auquel a été désignée comme lieu obligatoire d’inscription une structure d’accueil gérée par Fedasil ou un partenaire de cette agence, ne peut obtenir l’aide que dans cette structure.

Elle indique qu’il ressort des articles 2, 6°, 2, 9°, 3, alinéa 1er, 9, 10, 11, 56, § 2, 1° et 62, de la loi du 12 janvier 2007 que l’aide sociale visée à l’article 57ter, alinéa 2, de la loi du 8 juillet 1976, qui est assurée aux demandeurs d’asile dans une structure d’accueil conformément à la loi du 12 janvier 2007, est l’aide matérielle octroyée par Fedasil, directement ou à l’intervention de partenaires.

Elle examine alors les dispositions de la charte de l’assuré social et relève que la loi du 11 avril 1195 est, en vertu de son article 1er, applicable à toute personne et à toute institution de sécurité sociale ; qu’en vertu de son article 2, 2°, a), pour l’application de cette loi, constitue une institution de sécurité sociale tout organisme, autorité ou personne morale de droit public qui accorde des prestations de sécurité sociale et qu’en vertu de l’article 2, 1°, e), la sécurité sociale comprend l’aide sociale.

Fedasil est une institution de sécurité sociale qui accorde, directement ou à l’intervention de partenaires, une prestation de sécurité sociale consistant en l’aide matérielle, c’est-à-dire l’une des formes de l’aide sociale prévues à l’article 1er, alinéa 1er, de la loi du 8 juillet 1976.

Dès lors, l’article 23, alinéa 1er, de la charte de l’assuré social s’applique au délai de recours du bénéficiaire de l’aide matérielle contre les décisions de Fedasil.

En disant le recours recevable, l’arrêt viole les articles 2, 1°, e) et 2°, a), ainsi que l’article 23, alinéa 1er, de la charte de l’assuré sociale.

Intérêt de la décision

Ainsi que le soulignait l’arrêt de la cour du travail de Liège, l’aide sociale octroyée par les C.P.A.S. n’était pas initialement prise en compte par la charte. Elle ne l’est que depuis la loi du 10 mars 2005.

L’intérêt de cet arrêt est de confirmer expressément que cette inclusion comprend non seulement l’aide sociale due par le Centre public d’action sociale mais également l’aide matérielle au sein d’une structure d’accueil chargée d’assurer aux demandeurs d’asile l’aide nécessaire pour mener une vie conforme à la dignité humaine.


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