Terralaboris asbl

Règlement collectif de dettes et remise d’une amende pénale

Commentaire de Cass., 18 novembre 2013, n° S.12.0138.F

Mis en ligne le lundi 19 mai 2014


Cour de cassation, 18 novembre 2013, R.G. n° S.12.0138.F

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 18 novembre 2013, la Cour de cassation tranche la question de la remise d’une dette consistant en une amende pénale.

Les faits

Par un arrêt rendu le 12 septembre 2012, la cour du travail de Liège, section de Neufchâteau, a, par réformation du jugement dont appel, prononcé en application de l’article 1675/13bis du Code judiciaire la remise totale des dettes du médié, acquise dans les cinq ans à dater du prononcé de l’arrêt sauf retour à meilleure fortune et moyennant le respect de différentes mesures. Dans ces dettes figuraient des amendes pénales.

Le Procureur général près la cour d’appel de Liège s’est pourvu en cassation contre cet arrêt, invoquant la violation de l’article 110 de la Constitution, aux termes duquel le Roi a le droit de remettre ou de réduire les peines prononcées par les juges. Cette compétence exclusive interdirait au tribunal de prononcer une remise partielle ou totale des amendes pénales. La requête en cassation souligne que l’article 1675/13 du Code judiciaire énonce certes de manière limitative les dettes qui ne peuvent pas être remises mais les amendes pénales n’y sont pas mentionnées. Toutefois cette disposition ne concerne que les dettes que le juge ne peut pas remettre à l’occasion de sa compétence d’attribution. Or, l’article 110 de la Constitution exclut cette compétence pour les amendes pénales.

Le demandeur en cassation ajoutait qu’en cas de non-paiement de l’amende, l’article 40 du Code pénal prévoit l’exécution d’un emprisonnement subsidiaire.

Décision de la Cour de cassation

Après avoir rappelé le contenu des articles 1675/13bis, § 2, du Code judiciaire et 1675/13, § 3 du même Code, et relevé qu’il ne résulte pas de ces dispositions que le juge du règlement collectif de dettes ne pourrait accorder de remise pour les dettes du médié résultant de condamnations à des amendes pénales, la Cour de cassation se prononce sur la portée de l’article 110 de la Constitution. Elle décide que : « Ni cette disposition ni le principe général du droit relatif à la séparation des pouvoirs n’interdisent au juge du règlement collectif de dettes d’octroyer au médié, dans les conditions fixées par la loi, la remise de dettes résultant de condamnations à des amendes pénales lorsque cette mesure est nécessaire pour permettre à l’intéressé et à sa famille de mener une vie conforme à la dignité humaine ».

Intérêt de la décision commentée

Ainsi que le rappelent J- L. Denis, M- C. Boonen et S. Duquesnoy
(Le règlement collectif de dettes, Kluwer, 2010, p. 112 et 113), la position du Collège des Procureurs généraux est que les amendes pénales sont exclues du règlement collectif de dettes, dans la mesure où un plan de règlement amiable ou judiciaire impliquerait une remise de ces amendes. Par contre, diverses décisions de jurisprudence ont statué en sens contraire en décidant que les dettes ne pouvant pas être remises étaient limitativement énumérées dans la loi du 5 juin 1998 relative au règlement collectif de dettes et que les amendes pénales n’y figuraient pas. Ces auteurs se réfèrent à diverses décisions de jurisprudence ainsi qu’à plusieurs contributions doctrinales et soutiennent cette solution, précisant qu’« il ne peut être question, en ce cas, de poursuite de la peine subsidiaire (emprisonnement, déchéance de droit de conduire...) qui reviendrait à nier l’effet de la remise accordée sur base du droit applicable ».

On observera que le Procureur général de Liège avait déjà soumis à la Cour de cassation un arrêt rendu le 30 novembre 2009 par la cour du travail de Liège ayant décidé d’une remise totale de dettes comprenant les amendes pénales. Toutefois ce pourvoi a été dit irrecevable par un arrêt de la Cour de cassation du 10 octobre 2011 (Pas., n° 532). La requête en cassation n’avait en effet pas été signifiée dans le délai à toutes les parties défenderesses alors que le litige est indivisible. En effet, la remise des dettes est, conformément au paragraphe 3 de l’article 1675/13bis, § 2, assortie de mesures d’accompagnement, ce qui exclut la division du litige.


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