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Critères de l’évaluation de l’incapacité de travail en AMI : intérêt du Répertoire Opérationnel des Métiers et des Emplois (le ROME français)

Commentaire de C. trav. Mons, 27 juin 2013, R.G. 2007/AM/20.801

Mis en ligne le mardi 13 mai 2014


Cour du travail de Mons, 27 juin 2013, R.G. n° 2007/AM/20.801

Terra Laboris ASBL

Dans un arrêt du 27 juin 2013, la Cour du travail de Mons reprécise les règles d’évaluation de l’incapacité de travail en AMI eu égard aux critères de l’article 100, § 1er de la loi coordonnée le 14 juillet 1994.

Les faits

Un travailleur est en incapacité de travail depuis 1999 (problèmes sérieux à l’oreille gauche).

En novembre 2004, le médecin-conseil de son organisme assureur notifie une décision d’aptitude, au motif que des professions (non autrement précisées) sont encore accessibles.

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Mons.

La décision du tribunal du travail

Par jugement du 31 août 2005, un expert judiciaire est désigné avec la mission habituelle. Il dépose son rapport au greffe en décembre 2005 et constate en conclusion que l’intéressé restait apte sur le marché de l’emploi, à savoir pour des travaux dans le bâtiment ou comme maçon (hors travail en hauteur).

Par jugement du 20 juin 2007, le Tribunal du travail de Mons entérine ses conclusions.

L’intéressé interjette appel.

La décision de la cour

La cour reprend les conditions de l’article 100, § 1er, alinéa 1er de la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités, qui exigent, pour apprécier le taux de la capacité de gain, de se reporter à la capacité présentée par une personne de même condition et de même formation, par un travail exercé dans le groupe de professions dans lesquelles se range l’activité qui était celle du travailleur au moment où il est devenu incapable, mais également dans les diverses professions qu’il a exercées ou qu’il aurait pu exercer du fait de sa formation professionnelle.

Après avoir repris les critères spécifiques aux 6 premiers mois d’incapacité (à savoir que le taux de réduction de la capacité de gain s’évalue par rapport à la profession habituelle de l’intéressé, pour autant que l’affection causale soit susceptible d’une évolution favorable ou d’une guérison à plus ou moins brève échéance), la cour reprend les critères applicables en l’espèce, étant qu’il faut apprécier les caractéristiques du travailleur de référence ainsi que les spécificités d’un groupe de professions de référence et les particularités du marché de l’emploi de référence.

La cour va détailler ces exigences, successivement.

Pour ce qui est du travailleur de référence, il faut renvoyer à celui qui dispose de la même condition et de la même formation professionnelle. La cour définit la condition comme étant le profil intellectuel, scolaire, professionnel, social et culturel et, pour ce qui est de la formation professionnelle, elle renvoie à un arrêt de la même cour (C. trav. Mons, 20 novembre 1991, J.T.T., 1992, p. 153), qui a précisé qu’il faut entendre l’ensemble des connaissances théoriques et pratiques dans une technique, un métier. La formation professionnelle n’est pas synonyme d’un diplôme, puisqu’elle peut être acquise par la pratique.

La cour insiste sur l’objectif de la loi, qui est d’éviter le déclassement social de l’intéressé.

Pour ce qui est du deuxième critère, à savoir le groupe de professions de référence, il s’agit de celles qui peuvent être liées entre elles eu égard aux critères de la formation et de l’expérience requise.

Enfin, le marché de l’emploi de référence est celui qui est déterminé par la formation professionnelle.

Tels sont les principes que la cour va appliquer. En l’espèce, elle s’écarte des conclusions de l’expert judiciaire, dans la mesure où celui-ci n’a pas bien déterminé le marché de l’emploi de référence de l’intéressé, puisqu’il renvoie à celui de tout ouvrier non spécialisé dans le bâtiment. Or, l’intéressé exerçait des métiers qualifiés dans ce secteur et la cour renvoie, pour cette précision, à la classification internationale des types de professions du BIT.

Elle se réfère également au Répertoire Opérationnel des Métiers et des Emplois, répertoire français édité par l’ANPE. Celui-ci détaille les conditions d’accès au métier de maçon, précisant notamment qu’il faut un diplôme particulier en construction bâtiment gros-œuvre ou une expérience professionnelle dans le secteur. La cour fait dès lors grief au tribunal d’avoir considéré que l’incapacité de travail d’un maçon ou d’un coffreur peut être évaluée en fonction de métiers qui ne requièrent aucune formation spécifique.

L’expert a dès lors apprécié la capacité de gain par rapport à des fonctions qui ne correspondent ni à la condition ni à la formation professionnelle de l’intéressé et, de ce fait, son appréciation implique un déclassement professionnel et social.

La cour renvoie encore aux fiches ROME en ce qui concerne ces métiers, eu égard aux prestations en hauteur. Elle souligne que, s’agissant particulièrement du métier de coffreur, il est même question de travaux de grande hauteur.

Par conséquent, sur la base de cette documentation autorisée, elle considère que les métiers proches de celui exercé par l’intéressé contiennent des exigences de travail en hauteur et que la référence, par exemple, au métier de carreleur faite par l’expert ne fait pas partie du groupe de référence de l’intéressé. En outre, celle-ci exige une formation spécifique, que l’intéressé ne détient pas.

La cour réforme dès lors le jugement, concluant à la persistance d’une incapacité de travail des deux tiers évaluée dans la catégorie professionnelle ou en fonction des différentes professions de référence visées à la disposition légale.

Intérêt de la décision

Les critères d’évaluation de l’incapacité de travail sont régulièrement affinés, en jurisprudence et il est intéressant, dans cette décision, de constater d’une part le renvoi aux classifications du BIT et, d’autre part, aux fiches du Répertoire Opérationnel des Métiers et des Emplois, document dûment autorisé en droit français.


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