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Recevabilité de l’action en paiement contre la Communauté française, mission de l’expert et évaluation de l’incapacité permanente lorsque la victime a poursuivi son activité professionnelle

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 25 juin 2007, R.G. 39.541W

Mis en ligne le vendredi 22 février 2008


Cour du travail de Bruxelles, 25 juin 2007, R.G. 39.541W

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 25 juin 2007, la Cour du travail de Bruxelles tranche différentes questions dans le cadre d’un litige concernant un accident du travail survenu dans le secteur public. Outre la question de la recevabilité de l’action dirigée contre la Communauté française, la Cour rappelle également le rôle de l’expert et l’évaluation de l’incapacité dans le cadre d’une relation de travail caractérisée par la stabilité d’emploi

Les faits

Mme D.B., surveillante éducatrice dans un établissement scolaire organisé par la Communauté française, est victime d’un accident sur le chemin de travail en date du 24 mai 1991. Il s’agit d’un accident de la circulation ayant provoquée une entorse cervicale.

Après une période d’ITT, Mme D.B. reprend le travail le 24 juin 1991 et est, le 21 octobre 1992, nommée à titre définitif.

Les conséquences de cet accident sur le plan du droit commun ont été réglées par un accord (expertise médicale amiable), concluant à un taux d’IPP de 6%, sans répercussion économique vu que l’intéressée a pu reprendre le travail.

Sur le plan loi, l’intéressée introduisit une demande de réparation des conséquences de l’accident du travail. Le Tribunal saisi désigna un médecin expert, qui fixa l’IPP à 6%.

La décision du Tribunal

Par jugement du 8 septembre 1995, le tribunal fit droit à la demande et fixa les conséquences de l’accident conformément aux conclusions de l’expert, limitant cependant le taux d’IPP à 4%. Le Tribunal estima en effet le taux de 6% trop élevé par rapport à une pénibilité jugée relative et non continue.

Position des parties

La Communauté française interjeta appel de cette décision, faisant grief au premier Juge d’avoir estimé l’action recevable, eu égard au fait qu’elle n’est pas le débiteur des indemnités et rentes (mises à charge du Trésor public). Elle critiquait également le taux d’IPP, adressant différentes critiques au rapport d’expertise (remise en cause de l’avis radiologique, non prise en compte de la stabilité d’emploi de l’intéressée, reconnaissance d’une incapacité de travail sur la base d’éléments subjectifs, tels que gêne, stress, fatigue.

Mme D.B. introduisit également un appel, demandant que la Cour fixe le taux d’IPP à 6%.

La décision de la Cour

Sur la recevabilité, la Cour reconnaît que la Communauté française n’est pas le débiteur légal des indemnités et rentes. Se fondant cependant sur les dispositions réglementaires applicables (loi du 3 juillet 1967 et A.R. du 24 janvier 1969), elle estime que l’action en paiement de la rente ne doit pas être dirigée contre l’Etat belge, dès lors que c’est la Communauté qui doit se prononcer sur les conséquences de l’accident et qui fixe, par arrêté ministériel, l’indemnisation. La Cour estime en conséquence l’action recevable en ce qu’elle tend à condamner celle-ci au calcul de la rente.

Sur l’indemnisation (taux d’IPP), la Cour commence par rappeler que l’expert est libre d’interpréter les données recueillies, dont les rapports spécialisés, celui-ci devant accomplir sa mission personnellement, sans pouvoir déléguer ses pouvoirs à un sapiteur. Elle rejette ainsi les griefs de la Communauté française, relevant par ailleurs que l’expert a déjà répondu à ceux-ci.

La Cour rappelle en outre que l’évaluation en droit commun ne s’impose pas, d’autant qu’elle tient compte, pour conclure à l’absence de répercussion économique des lésions, de la reprise du travail. Or, en matière d’accident du travail, les répercussions économiques s’apprécient eu égard au marché général du travail.

La Cour considère par ailleurs que l’expert a motivé le taux proposé, qui repose sur l’apparition, de manière itérative, de cervicalgies, de céphalées et de vertiges, entrainant une pénibilité, renforcée par la fatigue et le stress.

Enfin, le taux a été motivé eu égard à une pénibilité au travail dans le cadre de la profession exercée au moment de l’accident mais aussi eu égard à l’ensemble des professions accessibles. La Cour relève ainsi que les règles d’évaluation de l’incapacité permanente sont identiques dans le secteur privé que dans le secteur public, de sorte qu’il n’y a pas lieu de tenir compte de la stabilité d’emploi, d’autant que cette circonstance intervient déjà au niveau de la rémunération de base, moins élevée que dans le secteur privé.

La Cour fixe donc l’incapacité à 6%.

Intérêt de la décision

L’arrêt annoté rappelle opportunément d’une part que la victime d’un accident dépendant de la Communauté française peut introduire son action à l’encontre de cette seule dernière et d’autre part, sur le fond, que la stabilité d’emploi dans le secteur public n’est pas un facteur limitant la réduction ou la perte de capacité concurrentielle.


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