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Un organisme de paiement d’allocations de chômage est-il responsable d’une faute commise par un délégué d’entreprise ?

Commentaire de C. trav. Liège, Sect. Namur, 7 novembre 2013, R.G. n° 2013/AN/37

Mis en ligne le vendredi 7 mars 2014


Cour du travail de Liège, Section Namur, 7 novembre 2013, R.G. n° 2013/AN/37

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Dans un arrêt du 7 novembre, la Cour du travail de Liège, Section de Namur, admet que, dans l’hypothèse où un délégué d’entreprise est chargé de démarches administratives (compléter des formulaires chômage), une faute commise à l’occasion de celles-ci peut entraîner la responsabilité de l’organisme de paiement.

Les faits

Un ouvrier entame, en cours d’exécution de son contrat, une activité accessoire. Il se retrouve au chômage ultérieurement. Les documents C1 sont complétés via un délégué d’entreprise, qui se limite à poser certaines questions d’usage relatives à la composition de ménage. La case concernant l’activité accessoire éventuelle est pré-biffée.

En août 2011, le travailleur fait l’objet d’une décision de l’ONEm, l’excluant des allocations de chômage pendant 14 mois, récupérant un indu de l’ordre de 2.700€ et prévoyant une sanction de 4 semaines au motif de l’absence de biffure de la carte de contrôle.

L’intéressé introduit un recours devant le Tribunal du travail de Liège, qui confirme la décision, accordant cependant le sursis pour la sanction de 4 semaines.

Appel est interjeté.

Décision de la cour du travail

La cour du travail passe en revue les principes applicables concernant la compatibilité d’une activité avec la perception d’allocations de chômage. Ce sont les articles 44, 45, 48 et 71 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991. La cour commente ces dispositions, précisant l’obligation pour le chômeur de faire la déclaration de l’activité accessoire lors de la demande, qui est la première des conditions de l’article 48 de l’arrêté royal. L’objectif de la mesure est de permettre au chômeur de prouver qu’il est effectivement disponible sur le marché du travail, bien qu’il poursuive cette activité.

Une activité non déclarée ne peut dès lors être considérée comme activité accessoire, pour la cour, les conditions réglementaires n’étant pas respectées. Elle peut tout au plus être considérée comme activité occasionnelle. Pour celle-ci, il y a lieu de biffer préalablement la carte de contrôle, impliquant l’absence de perception d’allocations pour la journée considérée.

La cour identifie ensuite l’origine du manquement et considère que, si le chômeur met à la cause son organisme de paiement, l’ONEm est cependant en droit de le sanctionner du fait du non respect de la réglementation.

Elle reprend, ensuite, les principes en matière de limitation de la récupération, étant que celle-ci doit porter sur les jours prestés, être limitée au montant brut des revenus perçus et qu’il y encore lieu de tenir compte de la bonne foi. Celle-ci n’est en l’occurrence pas établie, la cour rappelant que c’est au chômeur de prouver celle-ci.

La cour en vient, ensuite, à l’examen plus spécifique de la responsabilité de l’organisme de paiement, dans la situation. Examinant celle-ci en cas de faute commise par un délégué d’entreprise, elle précise d’emblée que, ce délégué n’étant pas un préposé de l’organisme de paiement, il y a lieu de se référer aux règles en matière de mandat apparent, tels qu’énoncés aux articles 1997 et 1998 du Code civil.

C’est dans un arrêt du 20 juin 1988 (Cass., 20 juin 1988, R.G. n° 7851 ;7934) que la Cour de cassation a fixé la règle de la responsabilité du mandant en cas de mandat apparent, non seulement dans le cas où il y a eu apparence créée fautivement mais également absence de faute susceptible de lui être reprochée dès lors que la croyance du tiers quant à l’étendue des pouvoirs du mandataire est légitime.

La cour du travail rappelle alors qu’il y a cinq conditions, dans sa propre jurisprudence, à l’application de la théorie du mandat apparent, étant (i) une situation apparente, (ii) une erreur dans le chef de la victime de l’apparence, (iii) une erreur légitime, c’est-à-dire excusable, (iv) une situation imputable soit à une faute soit à un comportement non fautif du titulaire du droit et (v) un préjudice justifiant la mise en cause du mandant.

Appliquant ces principes à l’espèce, la cour conclut que l’organisme de paiement est le mandant du délégué et qu’il ne peut se dédouaner au seul motif que celui-ci n’est pas son préposé. Le travailleur a donc en l’espèce un intérêt évident à se prévaloir de l’apparence. La faute ayant été commise et étant à l’origine de la décision de récupération prise par l’ONEm, le préjudice peut également être fixé.

La cour l’évalue en se référant à l’article 130 de l’arrêté royal, qui fixe le montant des revenus perçus sur la base journalière et devant venir en déduction de l’allocation. Il faut diviser le revenu d’indépendant (en l’occurrence) imposable par 312. Le montant journalier excédant 10,18€ est déduit de l’allocation. La cour constate en l’espèce que le revenu imposable est inférieur à ce montant pour l’année en cause. La fixation du dommage se fait, dès lors, en considérant que si le dossier de l’intéressé avait été traité par un préposé normalement diligent et compétent, l’intéressé aurait pu percevoir ses allocations complètes. Le dommage subi correspond dès lors au montant dont l’ONEm demande le remboursement.

La cour va dès lors confirmer le jugement en ce qu’il porte sur l’obligation de rembourser mais admet que l’appel est fondé, eu égard à la responsabilité de l’organisme de paiement dans la situation. Celui-ci est condamné à garantir le travailleur à concurrence du remboursement réclamé par l’ONEm.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la cour du travail de Liège, section de Namur, rappelle les règles du mandat apparent, considérant qu’il y a un tel mandat, même si, comme en l’espèce, l’auteur de la faute n’est pas un préposé direct du mandant, s’agissant d’un délégué d’entreprise.

L’intérêt de la décision est également de rappeler les limitations de la récupération en cas d’exercice d’une activité non autorisée.


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