Terralaboris asbl

Opposabilité à l’ONEm d’une transaction entre employeur et travailleur sur l’indemnité compensatoire de préavis

Commentaire de C. trav. Mons, 18 septembre 2013, R.G. 2006/AM/20.458

Mis en ligne le jeudi 6 mars 2014


Cour du travail de Mons, 18 septembre 2013, R.G. 2006/AM/20.458

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 18 septembre 2013, la Cour du travail de Mons rappelle les conditions dans lesquelles une transaction intervenue entre employeur et travailleur après un jugement non définitif est opposable à l’ONEm.

Les faits

Un employé comptable est licencié au motif de prestations insuffisantes, et ce après plusieurs avertissements en 2002. Une indemnité compensatoire de préavis de 18 mois, correspondant au minimum légal, lui est allouée. A l’issue de cette période, son état d’incapacité est reconnu et il est indemnisé pendant 4 mois par la mutuelle. Il sollicite ensuite le bénéfice des allocations de chômage. Après avoir signé une cession de créance dans laquelle il s’engage à rembourser les allocations après avoir réclamé une indemnité complémentaire de préavis à son employeur, il est admis par l’ONEm au bénéfice des allocations de chômage à titre provisionnel.

Dans l’action introduite contre son employeur, le Tribunal du travail de Namur lui accorde un complément d’indemnité compensatoire de 7 mois, et ce eu égard aux critères habituels.

Il fait alors l’objet d’une exclusion pour la période correspondante. Son organisation syndicale fait savoir à l’ONEm que la société envisage d’interjeter appel et signale qu’une négociation est entreprise afin de terminer le dossier sur la base d’un complément de 6 mois au lieu des 7 attribués par le tribunal, eu égard d’une part à la proposition confidentielle de l’employeur de payer 5 mois et, d’autre part, à ce que le syndicat qualifie d’« attitude restrictive des cours ».

Est également invoqué le caractère satisfaisant cet arrangement (rapidité et risque d’une décision moins favorable en appel).

L’ONEm maintient sa décision, considérant que les 7 mois constituent une indemnité complémentaire consacrée par un jugement. La position de l’intéressé, qui a accepté un règlement sur la base de 6 mois, est à assimiler à une renonciation volontaire à une partie de l’indemnité. S’étant ainsi, de son propre gré, privé d’une partie de la rémunération à laquelle il avait droit, la suspension doit intervenir pour la totalité de la période visée par le jugement.

Un recours est alors introduit devant le Tribunal du travail de Charleroi, qui y fait droit, limitant la période de non-cumul à 6 mois.

Pour le tribunal, le délai de préavis a été fixé d’un commun accord par les parties dans le respect de l’article 82, § 3 de la loi du 3 juillet 1978 après la notification du congé. Il relève en outre que la durée minimale de préavis de l’article 82, § 2 est respectée. Pour le premier juge, l’ONEm devait dès lors se satisfaire de cette conclusion et l’intéressé n’a nullement renoncé à une partie de la rémunération en cause.

Il relève encore que le jugement n’était pas définitif et coulé en force de chose jugée.

L’ONEm interjette appel du jugement.

Position des parties devant la cour

Pour l’ONEm, l’intéressé « pouvait prétendre » à une indemnité de 7 mois, au sens de l’article 46, § 1er, alinéa 1er, 5° de l’arrêté royal du 25 novembre 1991. Il y a renonciation du fait de la transaction intervenue et l’ONEm considère que sa position est conforme à la réglementation.

En ce qui concerne l’intéressé, il considère qu’il n’y a pas lieu à récupération, celle-ci ne pouvant intervenir que (i) si le travailleur s’est vu reconnaître, à l’amiable ou par décision judiciaire, le droit à une indemnité de rupture ou à des dommages et intérêts ou (ii) si ce droit n’a pas été reconnu parce que le travailleur n’a pas fait valoir ses droits. Tel n’est pas le cas en l’espèce et il souligne que la transaction s’est substituée au jugement (celui-ci n’étant pas définitif). Enfin, il insiste sur le fait que le complément d’indemnité compensatoire de préavis se situe au-delà du minimum légal et que l’ONEm ne pouvait appliquer la réglementation chômage sans tenir compte d’autres dispositions pertinentes, étant en l’occurrence l’article 82, § 3 de la loi du 3 juillet 1978. L’ONEm était dès lors tenu de respecter la convention intervenue au sens de cette disposition.

Décision de la cour

La cour rappelle les dispositions applicables, étant les articles 44, 46 et 47 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991.

Elle constate, en l’espèce, que l’employeur avait manifesté son intention d’interjeter appel et que cette éventualité était fort probable, même si elle ne s’est pas réalisée vu la suite des événements. La cour reprend la doctrine sur cette question, les auteurs considérant qu’après un jugement, les parties à la cause peuvent transiger si celui-ci est susceptible d’appel dès lors que, dans ce cas, il subsiste un doute quant à l’issue fatale du litige, situation qui serait différente dans l’hypothèse d’un jugement définitif (F. PICCININ et G. MASSART, « La transaction et la rupture du contrat de travail », in Le droit du travail dans tous ses secteurs, CUP, 2008, p. 318).

La cour poursuit que l’accord transactionnel est parfaitement opposable, et ce à deux conditions, étant que (i) la durée minimale de préavis doit avoir été respectée et que (ii) l’accord sur la durée du préavis doit avoir été conclu au plus tôt au moment où le congé a été notifié.

Elle souligne encore que l’appel qui pouvait être interjeté par l’employeur pouvait comporter un risque, étant de voir réduire l’indemnité complémentaire et qu’en conséquence, la transaction évite un risque pour l’ONEm d’être confronté en degré d’appel à un complément moins important. La cour relève encore le caractère purement indicatif de la grille Claeys, qui avait servi de repère pour la détermination du complément.

La cour rappelle encore que, s’il s’agissait d’un travailleur qui aurait négligé ou omis de diligenter une action à l’encontre de son employeur dans l’année de la fin du contrat, la récupération des allocations allouées provisionnellement est limitée à la seule période du préavis minimum, et ce en vertu de l’article 47 de l’arrêté royal. En conséquence, admettre en l’espèce qu’il y a lieu à récupérer jusqu’au 7e mois (les 6 premiers mois étant déjà supérieurs à ce minimum légal) reviendrait à traiter mieux le travailleur négligent que celui qui introduit la procédure. Elle confirme dès lors le jugement en toutes ses dispositions.

Reste à régler le montant de l’indu à recouvrer et, pour ce, la cour ordonne la réouverture des débats.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle quelques règles intéressantes eu égard à l’obligation pour le travailleur licencié, qui sollicite le bénéfice des allocations de chômage, de faire valoir ses droits en matière d’indemnité vis-à-vis de son ex-employeur.

En l’occurrence, la question se posant de savoir quel montant d’indemnité complémentaire était opposable à l’ONEm, à savoir celui alloué par un jugement non définitif au moment où une transaction est intervenue, la cour admet le bien-fondé de l’accord intervenu entre les parties, eu égard aux éléments de l’espèce. Elle rappelle encore que, s’il s’était agi d’un travailleur qui n’avait pas fait valoir ses droits, la limitation de la récupération aurait été fixée à l’équivalent du minimum légal de l’indemnité compensatoire de préavis.


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