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Statut social des travailleurs indépendants et perception de droits d’auteur

Commentaire de C. trav. Liège, sect. Namur, 25 juin 2013, R.G. 2012/AN/102

Mis en ligne le jeudi 7 novembre 2013


Cour du travail de Liège, section Namur, 25 juin 2013, R.G. 2012/AN/102

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 25 juin 2013, la Cour du travail de Liège, section Namur, rappelle les conditions d’assujettissement au statut social des travailleurs indépendants, dont l’exercice effectif d’une activité professionnelle.

Les faits

Une enseignante exerce, en sus de sa profession, une activité de pigiste. Elle écrit dans des revues pour enfants et perçoit des droits d’auteur.

Elle obtient une pause carrière à partir du 1er septembre 2000. Les revenus perçus sont déclarés et, en décembre 2005, l’I.N.A.S.T.I. adresse à l’intéressée une mise en demeure de s’affilier à une caisse sociale. Il considère qu’il y exercice d’une activité indépendante à titre principal à partir du 3e trimestre 2001. Pour l’I.N.A.S.T.I., il n’y a pas de profit d’une activité salariée ni d’un statut, les revenus étant donc ceux d’une activité indépendante. Il relève par ailleurs que l’article 5 de l’arrêté royal n° 38 dispense les auteurs de l’assujettissement au statut social dès lors qu’ils bénéficient d’un statut au moins équivalent ou sauvegardent leurs droits aux avantages sociaux garantis par leur statut. Ces conditions ne sont pas réunies en l’espèce.

L’intéressée prend sa pension le 1er janvier 2008. Elle se voit réclamer d’importantes cotisations pour la période allant jusqu’au 2e trimestre 2006.

Quant à l’ONEm, informé de l’exercice d’une activité indépendante, il sanctionne l’intéressée et lui réclame un indu de l’ordre de 12.500 €.

Celle-ci introduit un recours, contestant avoir exercé une activité en qualité de travailleur indépendant. Elle fait valoir par ailleurs qu’elle dispose d’un statut équivalent, le congé devant être assimilé à une période d’activité de service.

Position de la cour

La cour va dès lors reprendre les principes relatifs à l’assujettissement au statut social des travailleurs indépendants, principes repris à l’arrêté royal n° 38 du 27 juillet 1967, organisant le statut social des travailleurs indépendants, et à l’arrêté royal du 19 décembre 1967, portant règlement général d’exécution de l’arrêté royal n° 38.

Elle constate qu’il faut également tenir compte de l’arrêté royal du 14 août 1986 relatif à l’incidence de certaines positions administratives sur les pensions des agents des services publics, les droits à la pension étant en question.

Pour la cour du travail, il découle de la réglementation que le statut d’indépendant est un statut résiduaire, le travailleur indépendant étant celui qui exerce une activité professionnelle non salariée ou non statutaire. La présomption fiscale peut être renversée en l’absence d’activité et la cour rappelle que prime dans ce domaine le critère socio-économique. Le travailleur peut dès lors établir qu’il n’a pas exercé d’activité professionnelle ou qu’il n’a pas exercé d’activité avec le statut d’indépendant.

La cour aborde plus spécifiquement la situation des journalistes, correspondants de presse ou personnes qui jouissent des droits d’auteur. Ceux-ci ne sont pas assujettis à la sécurité sociale des travailleurs indépendants s’ils justifient bénéficier effectivement eux-mêmes d’un statut social au moins équivalent. La cour renvoie à diverses décisions de jurisprudence à cet égard, soulignant notamment que le statut équivalent doit être le statut de l’indépendant lui-même et non de son conjoint.

Quant aux droits d’auteur, ceux-ci ne couvrent pas tous les revenus dont bénéficie un artiste, s’agissant de droits patrimoniaux liés à l’exploitation de l’œuvre de l’artiste par des tiers.

Ainsi, si une personne bénéficie de droits d’auteur mais n’exerce pas d’activité professionnelle, elle n’est pas assujettie au statut social, le seul critère fiscal ne suffisant pas. Elle renvoie à cet égard à un arrêt de la Cour du travail de Liège du 10 mars 1998 (C. trav. Liège, 10 mars 1998, Chron. Dr. Soc., 2001, p. 203).

L’intéressée ayant versé les cotisations dont elle demande le remboursement, la cour relève sur cette question qu’il s’agit d’une matière d’ordre public et que le paiement ne peut être un aveu ni un accord sur le principe même de l’assujettissement.

Pour que la position de l’intéressée puisse être admise, la cour constate que celle-ci doit prouver avoir bénéficié d’un statut social au moins équivalent. Quand elle exerçait son activité professionnelle, la question ne se pose pas, mais à partir de la pause carrière, étant la période après la première année de celle-ci (pour laquelle il y a eu assimilation), il y a lieu de vérifier si l’intéressée pouvait valider ces années en vue de sa pension. Il est en effet constaté que les autres secteurs de la sécurité sociale sont couverts.

La cour examine dès lors ce qu’il en est du côté des pensions et elle constate, en l’espèce, que l’intéressée avait demandé à valider les années de pause carrière dès l’année 2004, mais que la question n’a pas été réglée dans les délais par l’organisme de pension. Le service des pensions n’a en effet pas réclamé à temps et heure les cotisations et la cour considère qu’il n’appartient pas à l’intéressée de calculer afin de faire respecter elle-même les délais de paiement fixés par l’arrêté royal (fin de l’année qui suit celle durant laquelle la période ou la fraction de période à valider se situe). Dès lors, la cour conclut, avec l’Avocat général, que la condition à remplir est d’apporter la preuve de la régularisation des cotisations et de la validation des périodes d’interruption de carrière dans le secteur public. Elle invite dès lors les parties à compléter leur dossier et ordonne une réouverture des débats à cette fin.

Intérêt de la décision

L’intérêt de l’arrêt de la cour du travail est de rappeler les conditions d’assujettissement au statut social des travailleurs indépendants, étant l’exercice d’une activité, notamment. La cour se penche également sur la situation des journalistes, correspondants de presse et bénéficiaires de droits d’auteur. Enfin, elle examine attentivement l’exigence d’un statut social au moins équivalent, susceptible de dispenser ceux-ci de l’assujettissement au statut social des travailleurs indépendants.


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