Terralaboris asbl

Indu portant sur les indemnités d’incapacité temporaire (erreur sur la rémunération de base) et application de la Charte de l’assuré social (oui)

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 18 mars 2013, R.G. 2012/AB/307

Mis en ligne le mardi 1er octobre 2013


Cour du travail de Bruxelles, 18 mars 2013, R.G. n° 2012/AB/307

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 18 mars 2013, statuant après un arrêt de la Cour de cassation du 17 mai 2010, la Cour du travail de Bruxelles autorise la récupération d’arriérés d’indemnités d’incapacité temporaire payées indûment, s’agissant d’une erreur de l’entreprise d’assurances mais non imputable à celle-ci.

Les faits

Un travailleur intérimaire est victime d’un accident du travail le 19 décembre 2002. Il est indemnisé par l’entreprise d’assurances qui, un an plus tard, estime que le cas peut être consolidé avec 15% d’IPP. Les indemnités d’incapacité sont payées jusqu’à la date du 18 décembre 2003. L’assureur réclame ensuite le remboursement d’un montant de l’ordre de 9.000€, celui-ci étant expliqué par un trop perçu, tenant compte d’une rémunération de base erronée dans le cadre de l’incapacité temporaire.

Une procédure est introduite par l’intéressé devant le Tribunal du travail de Tongres. Il demande notamment, sur la question de la rémunération de base, que celle-ci soit fixée pour le calcul de la rémunération de base dans le cadre de l’incapacité temporaire sur la base d’un travailleur à temps plein et non à temps partiel.

Les décisions du tribunal du travail

Par un premier jugement du 1er février 2005, le tribunal du travail désigne un expert. Suite au dépôt du rapport d’expertise, le tribunal du travail statue par décision du 24 mai 2006 et fixe la rémunération de base à un montant de l’ordre de 21.000€.

Appel est interjeté par l’entreprise d’assurances.

Moyens des parties devant la Cour du travail d’Anvers

L’assureur interjette appel sur la rémunération de base, qu’il entend voir fixer à un montant de l’ordre de 5.000€. Il sollicite en conséquence le remboursement d’un indu, fixé alors à un montant de l’ordre de 6.800€, à majorer de l’intérêt légal.

L’arrêt de la cour du travail d’Anvers

Par arrêt du 15 juin 2009, la Cour du travail d’Anvers réforme le jugement sur le montant de la rémunération de base pour l’incapacité temporaire, accueillant les moyens de l’assureur. Elle maintient le chiffre de cette rémunération de ce qui est de l’incapacité permanente. Il y a condamnation pour la victime à rembourser le montant réclamé à majorer des intérêts légaux. Il déboute également l’intéressé d’une demande introduite en vue du remboursement des montants déjà récupérés par l’assureur, à majorer de l’intérêt légal.

L’arrêt de la Cour de cassation du 17 mai 2010

La Cour de cassation, saisi d’un pourvoi du travailleur, casse l’arrêt de la cour du travail, en ce qui concerne le remboursement des montants déjà récupérés, et ce à majorer de l’intérêt légal, de même que sur la demande d’application de ces mêmes intérêts à l’indu.

L’affaire revient ainsi devant la Cour du travail de Bruxelles.

L’arrêt de la Cour du travail de Bruxelles du 18 mars 2013

La cour examine en premier lieu l’article 17 de la Charte de l’assuré social, dont elle rappelle les termes. Pour que cet article trouve à s’appliquer, il faut qu’une première décision ait été prise par l’institution de sécurité sociale et soit entachée d’une erreur juridique ou matérielle, amenant à la prise d’une nouvelle décision. Cette nouvelle décision, qui aurait pour effet de réduire les droits de l’assuré social, ne peut avoir d’effet rétroactif si l’erreur qui a entaché la décision précédente est due exclusivement à l’institution de sécurité sociale, sauf l’hypothèse où l’intéressé ne pouvait pas raisonnablement se méprendre sur ses droits.

Dans l’hypothèse où l’erreur est due uniquement à l’institution de sécurité sociale, les effets de la nouvelle décision se produiront le premier jour du mois suivant la notification de la décision corrective, contrairement à l’hypothèse où la décision nouvelle viendrait améliorer le sort de l’assuré.

Dans le cas d’espèce, la cour du travail considère dès lors qu’il faut répondre à quatre questions, étant de savoir si (i) l’assureur a pris une nouvelle décision, (ii) si la première décision était entachée d’une erreur juridique ou matérielle, (iii) si ‘erreur est due à l’assureur et (iv) si l’intéressé savait ou devait savoir qu’il n’avait pas droit aux prestations dont il a bénéficié.

Pour la cour du travail, il y a bien une nouvelle décision notifiée à l’intéressé, celle-ci touchant à son droit aux indemnités pendant l’incapacité temporaire. Cette décision a été prise sur la base d’une rémunération calculée pour un temps plein et était dès lors, vu les circonstances de l’espèce (l’intéressé étant occupé à raison de 7hrs05 par jour, le temps plein hebdomadaire étant de 38hrs !). Cette erreur n’est pas le fait de l’assureur, qui s’est basé sur les données lui transmises par l’employeur dans la déclaration d’accident, où il était fait état d’une occupation à temps plein. Ce n’est que par la communication du contrat de travail que la situation réelle a pu être perçue.

Il n’est, par ailleurs, pas établi que l’intéressé devait ou devait savoir qu’il n’avait pas droit aux indemnités allouées sur la base d’une occupation à temps plein.

En conclusion, l’erreur matérielle n’est pas à imputer à l’assureur, de telle sorte que l’intéressé ne peut se fonder sur l’article 17, 2e alinéa de la Charte et que la demande de l’assureur doit être déclarée fondée.

Reste la question des intérêts, dont la cour rappelle que l’article 21 de la Charte dispose qu’ils ne sont dus de plein droit à partir du paiement qu’en cas de fraude, dol ou manœuvres frauduleuses. Cette situation n’étant pas le cas de l’espèce, il faut dès lors appliquer, conformément à l’article 1153 du Code civil, les intérêts à partir de la mise en demeure.

Intérêt de la décision

Cet arrêt tranche la question de l’application de l’article 17, alinéa 2, de la Charte en cas de paiements indus suite à une erreur de l’entreprise d’assurances (institution cogérante de sécurité sociale). La cour du travail a ici relevé que l’erreur n’est pas due exclusivement à celle-ci, les données du contrat de travail faisant apparaître que la durée de l’occupation était légèrement inférieure au temps plein. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit, de ce fait, d’une occupation à temps partiel au sens légal et que dans le cadre de l’incapacité temporaire, la rémunération de base est limitée à celle perçue par le travailleur, contrairement à l’incapacité permanente, où il s’agit de réparer sa perte de capacité sur le marché du travail.

Relevons encore sur la problématique de l’application de la Charte de l’assuré social (article 17, alinéa 2) à la question de l’indemnisation de l’accident du travail, l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 11 juin 2007 (S.06.0090.N), où la Cour a statué sur le principe même de l’application de l’article 17 aux indemnités versées par l’entreprise d’assurances : s’agissant d’avances provisionnelles, celles-ci peuvent faire l’objet d’un réexamen ultérieur. L’article 63, § 4 de la loi du 10 avril 1971 impose en effet à l’assureur de payer au titre d’avance l’allocation journalière ou annuelle visée aux articles 22, 23, 23bis ou 24 sur la base du taux d’incapacité permanente proposée. Le paiement de ces avances étant obligatoire et étant effectué dans l’attente de la détermination des sommes définitivement dues, il peut y avoir obligation de rembourser, dans la mesure où le paiement a excédé celles-ci.


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