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Quel est le point de départ de l’indemnisation ?

Commentaire de C. trav. Mons, 28 mai 2013, R.G. 2012/AM/306

Mis en ligne le mardi 24 septembre 2013


Cour du travail de Mons, 28 mai 2013, R.G. n° 2012/AM/306

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 28 mai 2013, la Cour du travail de Mons estime qu’il y a lieu, sur cette question, de distinguer entre la date à laquelle le droit à l’allocation annuelle est reconnu et la date à partir de laquelle les indemnités peuvent être postulées du fait du délai de prescription applicable à la demande.

Les faits

Une demande de maladie professionnelle est introduite en avril 2007 (maladie de la liste). Elle est rejetée deux ans plus tard par le FMP et l’intéressé introduit un recours devant le tribunal du travail qui, par jugement du 10 mars 2011, ordonne une mesure d’expertise. L’expert ayant déposé son rapport le 6 janvier 2012, le tribunal statue définitivement par jugement du 14 juin 2012 (allouant 21% d’incapacité permanente). Le début de l’indemnisation est fixé au 19 avril 1999.

Appel est interjeté par le FMP, qui demande l’application de l’article 2277 du Code civil, qui entraînerait un point de départ non au 19 avril 1999 mais au 25 juin 2005.

Décision de la cour

La cour est amenée à rappeler l’article 35 des lois coordonnées le 3 juin 1970. Son alinéa 1er consacre le droit à une allocation annuelle de 100% déterminée d’après le degré de l’incapacité permanente à dater du moment où l’incapacité de travail temporaire devient permanente et remplace ainsi l’indemnité temporaire. L’alinéa 2 précise que, si l’incapacité temporaire est permanente dès le début, l’allocation annuelle est déterminée d’après le degré de celle-ci et reconnue à partir du début de l’incapacité, soit au plus tôt 120 jours avant la date d’introduction de la demande. Tel est le texte légal.

Cependant, la Cour constitutionnelle est intervenue par arrêt du 30 janvier 2007 (C. const., 30 janv. 2007, arrêt n° 25/2007) pour constater la violation des articles10 et 11 de la Constitution par cet alinéa 2, relatif au point de départ de l’allocation, et ce eu égard à la situation faite dans le secteur public, où cette restriction n’existe pas. Cette partie du texte doit dès lors être écartée, quoique figurant toujours dans la loi.

La cour examine alors le fondement de l’appel du Fonds des Maladies professionnelles, qui demande l’application de la règle de prescription de l’article 2277 du Code civil, selon lequel les arrérages de rentes perpétuelles et viagères (ainsi que d’autres montants non visés ici) se prescrivent par cinq ans.

Pour faire l’articulation entre cette règle et l’article 35, la cour rappelle également un autre arrêt de la Cour constitutionnelle du 12 mai 2011 (C. const., 12 mai 2011, arrêt n° 73/2011) où celle-ci a précisé que la date à partir de laquelle la victime d’une maladie professionnelle a droit à une allocation annuelle en réparation de son incapacité de travail, permanente depuis le début, n’est pas réglée par l’article 2277 du Code civil mais par l’alinéa 2 de l’article 35 des lois coordonnées, qui n’a pas été déclaré inconstitutionnel, étant la partie du texte qui prévoit que l’allocation annuelle est reconnue à partir du début de l’incapacité permanente de travail.

Pour la cour, ce n’est dès lors pas l’article 2277 du Code civil qui détermine la date à partir de laquelle l’allocation annuelle prend cours. Il contient cependant une règle de prescription particulière pour certaines actions en paiement.

Rappelant que la prescription, tout comme le paiement, est un mode d’extinction des obligations, la cour précise que, pour que cette règle joue, ceci suppose l’existence d’une dette mais que la prescription extinctive n’affecte pas celle-ci mais seulement son exigibilité.

En conclusion, la date à laquelle le droit à l’allocation annuelle est reconnu est fixée à l’article 35, alinéa 1er, qui ne précise pas le délai de prescription applicable à la demande. L’exigibilité de l’allocation est cependant, elle, soumise à la prescription de l’article 2277 du Code civil (la cour renvoyant ici à C. trav. Liège, 17 avril 2012, R.G. 2010/AL/646 et à C. trav. Liège, 20 décembre 2012, R.G. 2007/AL/34556).

Elle fait dès lors droit à l’appel du Fonds des Maladies Professionnelles.

Elle ne vide cependant pas complètement sa saisine, ordonnant la réouverture des débats sur la question des intérêts.

Intérêt de la décision

Cet arrêt intervient après que la question litigieuse a été soumise à deux reprises à la Cour Constitutionnelle. Il distingue le droit aux allocations de l’octroi de celles-ci pour ce qui touche aux arriérés.

Son enseignement est à cet égard double :

  • une victime d’une maladie professionnelle peut voir son droit se prescrire si elle n’a pas introduit une procédure dans le délai de 5 ans à partir de la survenance de la maladie ;
  • le droit aux arriérés d’allocations se prescrit selon les règles du Code civil, au même titre que les arrérages de rentes perpétuelles et viagères.

De la jurisprudence existe en sens contraire, considérant que le droit aux allocations existe à partir du début de l’incapacité permanente fixée par l’expert judiciaire, sans référence à une règle de prescription, qui viendrait limiter les allocations effectivement octroyées (C. trav. Liège, 21 octobre 2011, R.G. n° 26.364).


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