Terralaboris asbl

Prestations pour plusieurs associations appartenant à la même mouvance : notion d’ancienneté

Commentaire de Trib. trav. Charleroi, sect. Charleroi, 17 juin 2013, R.G. 12/1.104/A

Mis en ligne le mardi 10 septembre 2013


Tribunal du travail de Charleroi, sect. Charleroi, 17 juin 2013, R.G. n° 12/1.104/A

Terra Laboris asbl

Dans un jugement (non définitif) du 17 juin 2013, le Tribunal du travail de Charleroi examine longuement la notion d’ancienneté de service au sens de l’article 82 de la loi du 3 juillet 1978, s’agissant de contrats signés par une employée et plusieurs organisations syndicales appartenant au même mouvement.

Les faits

Une employée travaille depuis 2006 au sein du monde syndical, passant successivement d’une association de fait à une ASBL, à une centrale professionnelle et à une fédération locale ensuite.

Ayant répondu à une offre d’emploi interne, elle passe ultérieurement à une section locale de la centrale nationale.

L’année suivante, l’intéressée se trouve en incapacité de travail.

Elle se verra licenciée, un peu de deux mois plus tard, la lettre de licenciement faisant état de plusieurs motifs d’insatisfaction. Une indemnité de trois mois lui est annoncée.

L’intéressée réagit faisant valoir, en ce qui concerne les problèmes rencontrés dans l’exécution de son contrat de travail, une charge trop lourde et une absence de renfort supplémentaire alors que la nécessité en avait été constatée.

En fin de compte, elle introduit un recours devant le Tribunal du travail de Charleroi, demandant une indemnité complémentaire de préavis, sur la base de l’ensemble de ses prestations depuis 2006 (et une indemnité de stabilité d’emploi).

Position des parties devant le tribunal

La demanderesse plaide qu’il y a « même employeur », se fondant sur la notion d’unité économique d’exploitation. Elle fait valoir la similarité des activités de l’ensemble des organisations pour lesquelles elle a presté, étant à la fois le pilier professionnel et le pilier interprofessionnel. En outre, la politique du personnel au sein de l’organisation est intégrée.

Quant à la défenderesse, elle conteste qu’il y ait même employeur, les différentes entités n’ayant qu’un point commun, étant celle d’appartenir au même mouvement syndical. Elle estime que les organisations sont autonomes et indépendantes, leurs actions n’étant pas similaires. Elle fait valoir par ailleurs divers éléments dont il ressortirait qu’il y a différents employeurs (autonomie structurelle, organique et décisionnelle, peu de services mis en commun, absence d’une réelle communauté de travail).

Décision du tribunal du travail

Dans une longue motivation, le tribunal du travail reprend les critères du préavis convenable, parmi lesquels les éléments propres à la cause. Il rappelle que cette notion se rapporte exclusivement aux critères énoncés par la Cour de cassation, étant l’âge, l’ancienneté, la fonction et la rémunération.

Il se penche longuement sur la notion d’ancienneté, qui doit être comprise comme le nombre ininterrompu d’années et de mois qu’un travailleur a passés au service d’un même employeur. Il faut dès lors définir cette notion de même employeur, ainsi que celle d’unité économique d’exploitation.

Le tribunal va dès lors longuement reprendre les explications données par la demanderesse, concernant le fonctionnement de l’organisation syndicale, qui s’appuie sur deux piliers, le pilier professionnel (qui regroupe les centrales professionnelles, avec pour mission spécifique de mener l’action syndicale au sein des entreprises) et le pilier interprofessionnel (qui regroupe les fédérations régionales, avec pour mission spécifique de mener l’action syndicale sur le plan local, notamment par l’organisation de services aux affiliés).

Le tribunal conclut qu’est démontré à suffisance l’exercice d’activités similaires ou complémentaires, activités qui se regroupent. La démonstration du tribunal passe par l’organisation des élections sociales de 2008, l’existence d’une politique intégrée de mobilité du personnel, la gestion au niveau national des rémunérations et avantages du personnel ainsi que le caractère tout à fait informel des transferts ou détachements temporaires entre les différentes organisations.

Examinant de manière très détaillée les conditions d’engagement, de réengagement et de rémunération appliquées aux contrats de l’intéressée, où il est expressément fait référence à la convention collective de travail pour le personnel de l’organisation, le tribunal conclut à l’existence d’une réelle communauté de travail et, par conséquent, à une ancienneté continue pendant toute la période d’occupation. Il accorde ainsi un complément d’indemnité compensatoire de préavis.

Un deuxième point de la réclamation de l’intéressée porte sur l’indemnité de stabilité d’emploi en cas de licenciement, prévue par convention collective. Le tribunal va constater que la procédure n’a pas été respectée en l’espèce, l’intéressée n’ayant pas été avisée de l’intention de licencier (non plus que son organisation syndicale). Les modalités du licenciement n’ont par ailleurs pas été discutées ainsi que ceci devait être le cas. L’indemnité est dès lors due.

Intérêt de la décision

Ce jugement du Tribunal du travail de Charleroi présente un intérêt tout particulier, sur le plan de la notion de l’ancienneté en cas de prestations au sein de diverses associations agissant dans la même mouvance, ici la mouvance syndicale, ayant conclu divers contrats de travail, au nom d’associations de fait ou de droit différentes. Le critère retenu par le tribunal, au-delà du formalisme du contrat, est la communauté de travail, dégagée par un ensemble d’éléments tirés de l’unité technique d’exploitation. L’on notera l’importance du critère de la communauté de travail en elle-même, exprimée par l’uniformité de conditions de travail applicables à l’ensemble du personnel.


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