Terralaboris asbl

Recours à des sous-traitants (chantier de construction)

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 6 mars 2013, R.G. 2011/AB/186

Mis en ligne le mercredi 4 septembre 2013


Cour du travail de Bruxelles, 6 mars 2013, R.G. 2011/AB/186

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 6 mars 2013, statuant après l’arrêt de la Cour de cassation du 15 novembre 2010, la Cour du travail de Bruxelles rappelle l’évolution de la réglementation, eu égard aux modifications de l’article 30ter de la loi du 27 juin 1969.

Les faits

Une société se voit confier la réalisation de travaux de construction, dans le courant de l’année 1993. En cours de travaux, divers services d’inspection effectuent un contrôle social et il s’avère qu’elle n’a pas respecté les obligations mises à sa charge par l’article 30ter de la loi du 27 juin 1969 (obligation de tenir sur chaque chantier une liste journalière de tous les travailleurs occupés et de communiquer à l’O.N.S.S., avant le début du chantier, les informations nécessaires permettant d’en évaluer l’importance et d’identifier les sous-traitants à quelque stade que ce soit).

Citation est en fin de compte lancée par l’O.N.S.S. devant le Tribunal du travail de Charleroi. Celui-ci va condamner la société par jugement du 25 septembre 1997 au paiement d’environ 17.000 €, à majorer des intérêts.

Suite à l’appel interjeté par la société, la Cour du travail de Mons rejette, par arrêt du 11 mai 2009, la demande de l’O.N.S.S., considérant que, entre-temps, l’article 30ter de la loi du 20 juin 1969 a été abrogé et qu’en application de l’article 2 du Code pénal, voire du principe général de droit de l’application de la loi nouvelle plus douce, il n’y a plus matière à poursuite.

Un recours est introduit par l’O.N.S.S. devant la Cour de cassation.

L’arrêt de la Cour de cassation du 15 novembre 2010

La Cour de cassation va casser l’arrêt de la Cour du travail de Mons.

Elle constate que sont en cause les obligations prévues aux §§ 4 et 5 de l’article 30ter de la loi du 27 juin 1969 (ci-dessus) et que la demande de l’O.N.S.S. est fondée sur l’article 30ter, § 6 de la même loi, contenant les sanctions en cas de non-respect de ces obligations.

La Cour de cassation constate que la Cour du travail de Mons s’est fondée soit sur l’article 2 du Code pénal si les sanctions doivent être comprises comme des peines, soit sur le principe général de droit si elles constituent des sanctions administratives.

Elle relève ensuite que, si l’article 30ter a été abrogé, un § 7 a été introduit à l’article 30bis de la même loi par l’arrêté royal du 26 décembre 1998 et que celui-ci a pour objet de régler, à partir du 1er janvier 1999, les obligations prévues à l’article 30ter, § 5 précédemment. Un paragraphe 8 reprend en outre la sanction du non-respect de ces obligations.

La Cour poursuit qu’une loi nouvelle, qui, tout en abrogeant la loi antérieure, ne renonce pas au but de celle-ci ou qui incrimine un fait dans les mêmes conditions que la loi abrogée, peut être appliquée aux faits commis sous l’empire de la loi antérieure. Si, par contre, la loi nouvelle, sans renoncer au but de la loi abrogée, incrimine le fait d’autres conditions que celle-ci, elle ne peut toutefois être appliquée au fait commis sous l’empire de la loi antérieure qu’aux conditions les plus favorables à l’assujetti.

L’arrêt de la cour du travail

La cour du travail va dès lors reprendre l’évolution des textes, étant, dans un premier temps, les §§ 4, 5 et 6 de l’article 30ter de la loi du 27 juin 1969, tels qu’existant avant la modification de cette disposition par la loi du 6 août 1993. Celle-ci a apporté une précision relative à l’avertissement pouvant être donné par l’Inspection du Travail, étant qu’il ne peut intervenir qu’à la suite des circonstances exceptionnelles ou lorsqu’il s’agit d’une première infraction aux dispositions de la loi, dans le chef du contrevenant. La notion de circonstances exceptionnelles a été laissée, pour sa définition, au Roi.

La Cour rappelle ensuite que l’obligation de tenir une liste journalière a été abrogée par un arrêté royal du 26 décembre 1998. Celui-ci a d’ailleurs supprimé l’article 30ter, § 5 (et la sanction y relative) et inséré à l’article 30bis les §§ 7 et 8 relatifs à l’obligation de l’entrepreneur principal au début des travaux (communication à l’O.N.S.S. de toutes informations nécessaires destinées à en évaluer l’importance et à en identifier le commettant et, le cas échéant, les sous-traitants, à quelque stade que ce soit). Obligation est également faite de signaler l’intervention d’autres sous-traitants s’ils étaient chargés de l’exécution de travaux en cours de route. Quant aux sanctions, résidant actuellement dans le § 8, elles sont de 5% du montant total des travaux (hors TVA) non déclarés à l’O.N.S.S. La somme réclamée à l’entrepreneur est diminuée à concurrence du montant payé à l’O.N.S.S. par le sous-traitant. Quant à ce dernier, il est redevable d’une somme de 5% du montant total des travaux hors TVA pour ce qui est de son ou de ses sous-traitant(s).

La cour relève que ces règles n’ont pas été modifiées ultérieurement et sont dès lors toujours en vigueur.

Elle va ensuite examiner si ces sanctions sont applicables eu égard à la nature des travaux effectués, la réglementation visant à des travaux de construction au sens de l’article 1er de la loi du 6 avril 1960 : la société plaidant qu’elle était à ce moment au stade de l’enlèvement de décombres et de la préparation du chantier et l’O.N.S.S. établissant qu’il y avait également des travaux de démolition et de reconstruction. Elle conclut, comme l’avait fait le Tribunal du travail de Charleroi, qu’il y a travaux de construction au sens de l’article 1er de la loi du 6 avril 1960.

En ce qui concerne les sanctions, l’obligation de tenir une liste journalière a été supprimée par l’arrêté royal du 26 décembre 1998 et la pénalité correspondant à l’absence de cette liste est dès lors abandonnée par l’Office. L’obligation de communication à l’O.N.S.S. des informations de l’ancien article 30ter, § 5 est cependant toujours en vigueur et la cour constate qu’il s’agit d’une sanction à caractère pénal : il faut dès lors appliquer la sanction en vigueur à l’époque des faits, tenant compte des allègements ayant pu intervenir depuis (principe de l’application de la loi nouvelle plus douce).

Le juge peut, ainsi que l’a relevé la Cour constitutionnelle, exercer un contrôle de pleine juridiction (C. const., 6 novembre 2002, arrêt n° 157/2002) et la sanction administrative peut en présence de circonstances atténuantes être remplacée par un avertissement ou être réduite en dessous du montant prévu par la loi (C. const., 7 décembre 1999, arrêt n° 128/99).

La cour va relever en l’espèce de larges circonstances atténuantes (travaux ayant à peine commencé, manquement s’apparentant à une simple négligence et absence d’antécédents dans le chef de la société).

Soucieuse d’assurer une juste proportion entre la gravité du manquement et sa sanction, la cour réduit celle-ci à 5.000 €, à majorer des intérêts.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles rappelle l’évolution législative en la matière, ainsi que la possibilité pour les juridictions du travail, qui exercent un contrôle de pleine juridiction, de tenir compte de circonstances atténuantes et de réduire la sanction ou de la remplacer par un avertissement.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be