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La cotisation annuelle forfaitaire à charge des sociétés est-elle calculée sur la base d’un critère pertinent ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 23 mai 2013, R.G. 2012/AB/527

Mis en ligne le mardi 6 août 2013


Cour du travail de Bruxelles, 23 mai 2013, R.G. n° 2012/AB/527

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 23 mai 2013, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les arrêts de la Cour constitutionnelle sur la question : le critère choisi pour déterminer le montant de la cotisation annuelle forfaitaire à charge des sociétés, à savoir la taille de l’entreprise, n’est pas contraire aux articles 10, 11 et 172 de la Constitution.

Les faits

Une société de droit belge conteste la cotisation annuelle forfaitaire mise à sa charge. Elle est en effet considérée comme société de grande taille, et ce eu égard au bilan (avant-dernier exercice comptable).

La Caisse fait alors procéder à une contrainte, à laquelle opposition est formée par citation introduite devant le Tribunal du travail de Bruxelles. La société est déboutée de celle-ci.

Elle interjette appel.

Position des parties devant la cour du travail

La société fait essentiellement valoir l’illégalité de la cotisation, au motif que le Roi a dépassé l’habilitation légale lorsqu’il a tenu compte, pour fixer le montant de cette cotisation, de l’importance du bilan comme critère unique de distinction.

Elle se fonde également sur la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, faisant valoir le caractère discriminatoire du seul critère utilisé, étant la taille de la société.

La Caisse sollicite pour sa part la confirmation du jugement, qui a fait droit à la cotisation telle que fixée dans la contrainte.

Décision de la cour du travail

La cour va dès lors procéder à un examen de la question en trois temps : la cotisation elle-même, l’habilitation donnée au Roi et le critère de pertinence utilisé.

En ce qui concerne le premier point, elle reprend le fondement légal, étant la loi du 30 décembre 1992 portant des dispositions sociales et diverses, dont l’article 91 dispose que les sociétés assujetties à l’impôt belge (impôt des sociétés ou impôt des non-résidents) sont tenues de payer une cotisation annuelle forfaitaire, celle-ci devant compenser une importante baisse de recettes dans ce régime de la sécurité sociale. La cour relève, en reprenant les travaux préparatoires, que ce déficit est dû au passage au statut de société de nombreux indépendants.

Cette cotisation a fait l’objet, dès le départ, d’un recours en annulation devant la Cour constitutionnelle et celle-ci l’a rejeté par arrêt du 3 novembre 1993 (C. const., 3 novembre 1993, arrêt n° 77/93).

La loi ayant été revue par une loi du 22 décembre 2003 (article 279), il est actuellement prévu qu’une distinction peut être opérée sur la base de critères tenant compte de la taille de la société. C’est par arrêté royal du 31 juillet 2004 (M.B. 13 août 2004) que les mesures d’application sont intervenues. Pour l’année 2004, un montant de l’ordre de 350€ a été fixé forfaitairement et il a été porté à 840€ pour les sociétés ayant pour l’avant-dernier exercice comptable clôturé un total au bilan de plus de 520.000€. La vérification est faite auprès des données fournies à la Centrale des bilans.

Se pose, à ce stade du raisonnement, l’examen du respect d’ l’habitation donnée au Roi et la cour du travail rappelle encore que dans son arrêt ci-dessus la Cour constitutionnelle a validé le caractère forfaitaire de la cotisation au motif de l’extrême diversité de situation des sociétés et des difficultés à retenir un critère proportionnel.

La cour du travail constate que, pour la Cour constitutionnelle, le forfait est applicable eu égard au montant peu élevé de la cotisation originairement fixée et que, pour ce qui est de la majoration, elle ne peut intervenir que selon un critère de progressivité, ce qui a été reflété dans la loi-programme du 22 décembre 2003. Le Roi a, dès lors, été habilité à calculer celle-ci et la cour du travail considère avec la Cour constitutionnelle qu’il n’y a pas d’autres critères admissibles que la taille de la société. Elle rejette dès lors l’argument du non-respect de l’habilitation conférée au Roi par la loi.

Enfin, en ce qui concerne le critère utilisé, la cour renvoie à un autre arrêt de la Cour constitutionnelle, étant l’arrêt du 19 décembre 2007 (C. const., 19 décembre 2007, arrêt n° 163/2007) rendu en matière fiscale pour ce qui est des PME eu égard à la situation d’autres sociétés de taille importante. La Cour constitutionnelle a rappelé que, pour être compatible avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, le critère utilisé en cas de différence de traitement doit être objectif et pertinent par rapport à l’objet de la mesure considérée et au but poursuivi. S’agissant d’une distinction à opérer entre grandes et petites entreprises, la distinction opérée en l’espèce tenant compte de la taille de l’entreprise apparaît dès lors légitime et, par ailleurs, l’importance du total du bilan est un critère objectif. C’est uniquement la pertinence du critère qui fait l’objet de discussions. La cour retient que le seul critère de l’importance du bilan paraît adéquat, d’autres critères manquant de pertinence (bénéfice imposable par exemple), l’importance du bilan offrant l’avantage d’une certaine stabilité. C’est un élément objectif qui permet d’apprécier la taille de la société et dès lors sa capacité contributive.

La cour rappelle également que l’utilisation d’un critère unique offre l’avantage de la simplicité et qu’en fin de compte le montant maximal annuel reste faible et même dérisoire pour une grande entreprise. Il s’agit en effet d’un montant fixé à 860€ dans l’espèce jugée.

La cour conclut dès lors à l’absence de discrimination.

Intérêt de la décision

La question de la cotisation annuelle forfaitaire des sociétés est, dans cet arrêt, examinée à la lumière des arrêts rendus par la Cour constitutionnelle étant, en premier lieu, l’arrêt du 3 novembre 1993, rendu sur recours en annulation, contre le principe lui-même de la cotisation et, par ailleurs, son arrêt du 19 décembre 2007, rendu en matière fiscale (article 194quater CIR) sur la pertinence du critère retenu par le législateur dans la détermination de la progressivité de la mesure fiscale pour les PME.


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