Terralaboris asbl

Accident du travail mortel : indemnisation du conjoint survivant, bénéficiaire d’une pension

Commentaire de C. trav. Liège, sect. Namur, 2 janvier 2007, R.G. 7.235/02

Mis en ligne le vendredi 22 février 2008


Cour du travail de Liège, Section Namur, 2 janvier 2007, R.G. n° 7.235/02

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 2 janvier 2007, la Cour du travail de Liège (section de Namur) a statué, sur la question du cumul, après l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 27 février 2006 en matière de maladie professionnelle.

Les faits

La discussion porte essentiellement sur le montant de la rente d’ayant droit revenant à la veuve, celle-ci étant bénéficiaire d’une pension de survie à charge de l’Office national des pensions.

La position de la Cour

La Cour du travail rappelle les règles relatives aux rentes aux ayants droit, dues en application des articles 12 et suivants de la loi sur les accidents du travail, règles en vertu desquelles le conjoint survivant a droit, au titre de rente annuelle, à 30% de la rémunération de base. Celle-ci est plafonnée, conformément à l’article 39 de la loi, le plafond étant en principe modifié chaque année.

La victime ayant, en l’occurrence, trois enfants, la Cour rappelle que chacun a droit, tant qu’il peut prétendre à des allocations familiales et en tout en cas jusqu’à l’âge de 18 ans, à une rente d’un montant lié à l’indice des prix à la consommation et augmenté des intérêts au taux légal, la rente étant de 15% par enfant, avec un maximum (atteint en l’espèce) de 45%.

La Cour allouera également à la fois l’indemnité pour frais funéraires à la veuve, puisqu’elle a assumé la charge de ceux-ci, (cette indemnité est équivalente à 30 fois la rémunération de base divisée par 365 et est augmentée des intérêts depuis le mois qui suit le décès) et le remboursement des frais de transport de la victime, ainsi que des frais médicaux et d’hospitalisation, l’ensemble étant également majoré des intérêts, mais ici, à dater du paiement effectué par la veuve. Il n’est en effet pas inutile de rappeler que l’indemnité pour frais funéraires est indépendante du remboursement des frais de transfert de la dépouille.

Mais c’est sur la question du cumul de la rente d’ayant droit avec la pension de survie que porte l’essentiel la discussion.

La Cour du travail doit en effet répondre à la position défendue par la veuve, selon laquelle, depuis l’arrêt de la Cour de cassation du 27 février 2006 (J.T.T., 2006, p. 163), la disposition légale (art. 42bis de la loi) et son arrêté royal d’exécution (A.R. du 13 janvier 1983) sont illégaux.

Il faut en effet rappeler que la Cour suprême a considéré, dans cet arrêt, touchant un cas de cumul entre une pension et une maladie professionnelle, que l’arrêté royal du 13 janvier 1983 rendu en matière de maladies professionnelles (étant un 2e arrêté royal, distinct de celui applicable en l’espèce, mais contenant des mesures analogues) était illégal au motif que le Conseil d’Etat n’avait pas été consulté, alors que l’urgence n’était pas invoquée. La Cour de cassation y a considéré que le juge du fond devait donc écarter l’application de la règle de limitation de cumul.

En l’espèce, la veuve demandait que mutatis mutandi, cette motivation soit transposée à l’arrêté royal du 13 janvier 1983 portant exécution de l’article 42bis de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail.

La Cour ne suit pas la veuve, appelante d’ailleurs, au motif que le législateur est intervenu, très rapidement, après cet arrêt de la Cour de cassation et que, dans la loi du 20 juillet 2006 portant des dispositions diverses (M.B., 28 juillet 2006), il a pris toute une série de dispositions, intervenant avec effet rétroactif, venant ainsi corriger les effets de l’illégalité décrétée par la Cour de Cassation. Ainsi, en l’espèce, s’agissant d’un décès survenu le 13 juin 1999, la Cour retient – et l’appelante s’incline finalement sur la question – que la loi du 20 juillet 2006 a adopté avec effet au 24 septembre 1991 des dispositions nouvelles mais prises conformément à l’arrêté royal contesté et que, en conséquence, il y a lieu de réduire le montant de la rente due, à dater du 1er septembre 2001, date de prise de cours de la pension de survie. Le montant réduit doit être augmenté des intérêts au taux légal à partir de chaque date d’exigibilité.

Intérêt de la décision

L’arrêt de la Cour de cassation du 27 février 2006, rendu en matière de maladies professionnelles, avait suscité une certaine curiosité, quant aux conséquences qu’il aurait pour les victimes d’accidents ou leurs ayants droit, en situation de cumul avec une pension. Il faut en effet rappeler que le principe est le cumul total avec d’autres prestations de sécurité sociale ou de prévoyance sociale (hors exceptions ou limitations contenues dans ces règles) et que la seule exception concerne les pensions, pour lesquelles le cumul autorisé est limité.

Le législateur est intervenu rapidement afin de « couvrir » un vide juridique, déclaré par la Cour de cassation, du fait de l’illégalité du texte réglementaire qui réglait, depuis plus de vingt ans, la question. C’est ainsi que l’on a vu, dans la loi du 20 juillet 2006, une succession de dispositions à l’enchevêtrement complexe, rétroagissant à des dates différentes, en fonction des modifications qu’avait subies lui-même l’arrêté royal de base du 13 janvier 1983. Depuis le 1er janvier 2007, un nouvel arrêté royal (du 12 décembre 2006) est venu régler, pour l’avenir, les règles en matière de cumul.

L’arrêt présente également un autre intérêt, étant de préciser le droit aux intérêts : si celui-ci ne fait pas de doute en ce qui concerne les rentes, il est néanmoins rappelé que l’intérêt – au taux légal – est dû à partir de chaque date d’exigibilité de celles-ci. Par ailleurs, la Cour alloue également ceux-ci à la fois sur l’indemnité pour frais funéraires ainsi que sur les frais de transport et frais hospitaliers, intérêts dus d’office, pour la première indemnité, à partir de l’échéance du mois qui suit le décès et, pour les autres, à partir de la date à laquelle ils ont été exposés. Il s’agit dès lors de la confirmation de la thèse selon laquelle l’intérêt est légal sur les remboursements de frais, la jurisprudence n’étant pas unanime à cet égard.


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