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Indemnité de démission pour un employé supérieur : fixation par le juge

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 30 avril 2013, R.G. 2011/AB/1.002

Mis en ligne le lundi 22 juillet 2013


Cour du travail de Bruxelles, 30 avril 2013, R.G. n° 2011/AB/1.002

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 30 avril 2013, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les règles en matière de durée du préavis de démission pour les employés supérieurs, et ce eu égard à l’article 82, § 3 de la loi du 3 juillet 1978.

Les faits

Un employé, engagé en février 2004, démissionne en mai 2005. La société qui l’emploie prend acte le même jour de la démission et signale que, aucun préavis n’ayant été notifié, elle se réserve de réclamer une indemnité compensatoire de préavis.

L’employé fait alors savoir (après la rupture) qu’il entend prester son préavis légal, soit six semaines. Il informe dès lors son employeur qu’il sera présent à son poste à cette fin.

La société considère pour sa part qu’il y a rupture du contrat et qu’il n’est plus autorisé à fréquenter l’entreprise. Elle propose une compensation entre le pécule de départ et une indemnité compensatoire correspondante. Aucun accord n’intervenant, une procédure est lancée par l’intéressé en paiement d’une prime de fin d’année, desdits pécules, ainsi que d’un reliquat de rémunération. Une demande reconventionnelle est introduite dans le délai légal par la société, portant sur le paiement d’une indemnité compensatoire de préavis de 1,5 mois de rémunération.

Décisions du tribunal du travail

Le tribunal du travail rend deux jugements, par lesquels il considère que la rupture est imputable au travailleur, condamne celui-ci à une indemnité compensatoire de préavis égale à 15 mois de rémunération et fait droit à sa demande en ce qui concerne les pécules de vacances et la prime de fin d’année.

Une compensation judiciaire est ordonnée à concurrence des montants respectivement dus et à hauteur de ceux-ci.

La société interjette appel.

Décision de la Cour

La cour rappelle les principes relatifs aux deux questions de droit posées, étant d’une part l’imputabilité de la rupture et d’autre part le montant de l’indemnité de démission.

Le congé a un caractère irrévocable et n’est soumis à aucune forme. Le congé avec préavis donné par le travailleur doit être notifié à peine de nullité par la remise d’un écrit à l’employeur, la notification pouvant également être faite par lettre recommandée à la poste. Si le congé ne contient pas de notification valable d’un préavis, il subsiste dès lors et le contrat prend fin de manière immédiate, entraînant la débition d’une indemnité de rupture dans le chef de la partie qui a rompu sans préavis.

Examinant les éléments de fait, la cour rejoint la conclusion du premier juge, selon laquelle la société s’est opposée à juste titre à ce que le préavis soit presté, vu le caractère définitif de la rupture. Ce refus ne peut impliquer que l’employeur serait l’auteur de celle-ci puisqu’elle était déjà intervenue.

Quant à l’indemnité compensatoire de préavis, la cour rappelle l’article 82, § 3 de la loi du 3 juillet 1978. Lorsque la rémunération annuelle excède le plafond légal visé à cette disposition, les délais de préavis à observer par l’employeur ou par l’employé sont fixés par convention entre parties (conclue au plus tôt au moment où le congé est donné) ou par le juge. Si la rémunération excède ledit plafond, le délai de préavis a une durée maximale fixée par la loi, étant quatre mois et demi ou six mois selon le montant de la rémunération.

Dans plusieurs arrêts, il a été admis que le juge doit déterminer la hauteur du préavis tenant compte des éléments propres à la cause et précisément du temps nécessaire à l’employeur pour retrouver un employé de même qualification. Ce sont les critères généralement dégagés en jurisprudence et la cour rappelle les décisions rendues en ce sens et qui ont fixé les indemnités dues à des montants variables et parfois symboliques, un arrêt (C. trav. Liège, Sect. Namur, 12 avril 2005, R.G. n° 51.593/03) ayant fixé l’indemnité due par l’employé démissionnaire à un euro.

Faisant le parallèle avec les critères d’appréciation du préavis convenable en cas de licenciement, la cour rappelle qu’il s’agit d’une appréciation in abstracto et que les éléments à prendre en compte doivent être ceux existant à la date de la démission. Ne doit pas intervenir dans cette appréciation le temps réellement écoulé entre la démission et le réengagement d’un autre employé.

La cour va dès lors apprécier les éléments du cas d’espèce, à savoir la faible ancienneté du travailleur et les fonctions exercées dont il n’est pas établi qu’elles aient été particulièrement spécialisées. En conséquence, la cour confirme qu’un délai de quinze jours est raisonnable.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rendu à l’occasion d’une démission sur le champ sans préavis annoncé dans la lettre de rupture est l’occasion de rappeler que le juge peut déterminer, pour les employés dits « supérieurs », le délai de préavis qui aurait dû être respecté par l’employé, et ce dans la fourchette laissée par le législateur, qui n’a fixé que des montants maxima. En l’occurrence, le préavis obtenu est de quinze jours, temps considéré par la cour comme raisonnable pour qu’une société retrouve un employé sans qualification particulièrement spécialisée et qui n’avait lui-même qu’un faible ancrage en son sein, son ancienneté étant à peine supérieure à un an.
La cour rappelle également que l’indemnité peut même être fixée à un montant théorique, ce qui a déjà été jugé dans un des arrêts qu’elle reprend.


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