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Action en revision ou en aggravation des séquelles d’un accident dans le secteur public : petit rappel

Commentaire de C. trav. Liège, 20 avril 2013, R.G. 2012/AL/424

Mis en ligne le lundi 24 juin 2013


Cour du travail de Liège, 26 avril 2013, R.G. n° 2012/AL/424

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 26 avril 2013, la Cour du travail de Liège rappelle les règles permettant, dans le secteur public, d’introduire une action en revision des séquelles d’un accident ou une allocation d’aggravation de celles-ci dans le cadre de l’incapacité permanente de travail.

Les faits

Un agent statutaire d’une entreprise de droit public a un accident du travail en 2001. Les séquelles de celui-ci sont fixées par arrêté du 19 novembre 2002. Il s’agit d’une IPP de 3% à dater du 21 mars 2002 (consolidation).

En avril 2005, l’intéressée retombe en incapacité de travail et l’autorité signale que celle-ci n’est pas imputable à l’accident du travail. Le service médical ramène par ailleurs le taux d’IPP à 0% à partir du 13 juin 2005, suite à une demande de revision introduite par l’organisme auprès de lui à cette date.

Une action est introduite devant le Tribunal du travail de Verviers en vue de faire fixer le taux à partir du 1er juillet 2005 et de déterminer l’imputabilité de la nouvelle période d’incapacité de travail.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 15 juin 2006, un expert est désigné. Il dépose son rapport en février 2008 et conclut à un taux d’IPP de 5% à partir du 1er juillet 2005 et à l’imputabilité de la période d’incapacité de travail. Une mission complémentaire lui est confiée portant essentiellement sur l’imputabilité d’autres périodes d’incapacité et l’incidence éventuelle de celles-ci sur le taux d’IPP.

Dans un complément de rapport, l’expert ajoute de nouvelles périodes d’incapacité temporaire et fixe alors un taux de 7% à dater du 23 décembre 2008, cette date étant la mise en route de l’expertise après aggravation. Une nouvelle rechute est encore admise en 2009.

En conséquence, le tribunal du travail de Verviers, entérinant le rapport d’expertise, admet les périodes d’incapacité temporaire retenues par l’expert, une incapacité permanente partielle de 5% après revision (soit le 1er juillet 2005), de nouvelles périodes d’incapacité temporaire après cette date, un taux de 7% à dater du 23 décembre 2008 et une nouvelle période de rechute en incapacité temporaire ensuite.

Appel est interjeté.

Position de parties en appel

La partie appelante fait valoir que le taux d’IPP a été augmenté successivement à 5% le 1er juillet 2005 et 7% le 23 décembre 2008. Ce taux ne pouvait cependant plus être remis en cause par voie judiciaire. En effet, la procédure a été introduite après l’expiration du délai de revision. En conséquence, sur ce point la demande doit être considérée irrecevable. La demande de l’intéressée ne pourrait s’analyser que comme une action en aggravation (au sens de l’article 5bis de l’arrêté royal du 24 janvier 1969). En l’occurrence, aucune indemnisation ne peut dans ce cas être retenue, le mécanisme légal supposant qu’un taux de 10% au moins ait été atteint après l’aggravation, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Décision de la cour du travail

La cour va, dans un premier temps, distinguer les actions pouvant être introduites : action en contestation, action en revision et action en aggravation.

En cas de contestation de l’acte juridique notifiant le montant de l’indemnisation des séquelles de l’accident, l’article 20 de la loi du 3 juillet 1967 dispose que les actions en paiement se prescrivent par trois ans à dater de la notification de l’acte juridique contesté.

Pour ce qui est de l’action en revision, la cour rappelle que la loi du 3 juillet 1967 sur la prévention ou réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies dans le secteur public ne mentionne nulle part l’hypothèse de la revision du degré d’incapacité.

C’est dans l’arrêté royal applicable à l’employeur qu’il faut chercher la règle. En l’occurrence, il s’agit de l’arrêté royal du 24 janvier 1969. Il prévoit (article 10, §1er) que l’action en revision (qu’il s’agisse d’une aggravation ou d’une atténuation de l’incapacité ou encore du décès de la victime suite aux conséquences de l’accident) est ouverte pendant trois ans, délai qui débute à la notification de l’accord prévu au même arrêté (article 9, alinéa 3 ou alinéa 4) ou de la décision judiciaire passée en force de chose jugée. La cour rappelle que la règle est ici la même que dans le secteur privé, étant qu’il s’agit d’un délai préfix.

Dans l’hypothèse où aucune action en revision n’était introduite, l’arrêté royal du 24 janvier 1969 prévoyait à l’époque l’obligation pour l’autorité, six mois avant l’expiration du délai, de faire examiner la victime par le SSA. Ce service était tenu de communiquer ses conclusions au moins trois mois avant l’expiration du délai et, sur la base de celles-ci, les deux parties pouvaient introduire une demande en revision.

Quant à l’action en demande d’une allocation en aggravation, la cour rappelle la loi du 17 mai 2007, qui a prévu la possibilité d’introduire une telle action après l’expiration du délai de revision, dans le secteur public. La condition requise est cependant que l’aggravation aboutisse dans le cadre de l’incapacité permanente, après l’expiration du délai de revision, à un taux de 10% au moins.

Appliquant ces principes au cas d’espèce, la cour constate que la décision de revision est intervenue après l’expiration du délai de revision (taux ramené à 0%) et que celui-ci n’a pas respecté la procédure prévoyant la communication des conclusions médicales dans le délai requis par l’article 10, § 4 de l’arrêté royal du 24 janvier 1969 (trois mois avant l’expiration du délai de revision). En conséquence, la cour considère que la décision prise est illégale, l’autorité étant hors délai pour introduire une demande en revision dans le cadre d’une procédure judiciaire. La décision ne peut dès lors sortir ses effets.

La cour constate, cependant, que la victime n’a pour sa part pas introduit de demande de revision dans le délai, faisant valoir un élément médical nouveau et permettant d’augmenter le taux d’incapacité permanente. Dès lors c’est le taux initial qui est maintenu.

La cour rejette, enfin, la possibilité d’une action en aggravation, les taux retenus par l’expert étant successivement de 5% et 7% après aggravation et n’atteignant dès lors pas le seuil de 10%.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rendu dans le cadre de l’article 10, § 4 de l’arrêté royal du 24 janvier 1969 rappelle à juste titre que cette procédure n’est plus applicable actuellement. En effet, il est prévu, dans la mouture actuelle du texte de l’article 10 que la demande en revision des indemnités fondée sur une aggravation ou une atténuation de l’incapacité de la victime ou sur le décès de celle-ci par suite des conséquences de l’accident ou sur une modification de la nécessité de l’aide régulière d’une autre personne est possible ou peut être effectuée pendant trois ans à dater de la notification constant l’accord prévu à l’article 9, alinéa 4 ou d’une décision passée en force de chose jugée. Le délai est dès lors toujours le même mais est ajoutée la possibilité d’une action en revision fondée sur la modification de l’aide régulière d’une aide de tiers. Quant à la procédure imposant au ministre ou à l’organe de gestion de saisir le SSA six mois avant l’expiration du délai de revision, elle a été abandonnée.

L’arrêté rappelle également à juste titre que peut être introduite une action en allocation d’aggravation, après l’expiration du délai de revision mais que les conditions de celle-ci – d’ailleurs similaires à celle dans le secteur privé – sont qu’après aggravation, le taux de l’incapacité permanente ait été porté à 10% au moins.


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