Terralaboris asbl

Imputation des cotisations : rappel des règles applicables

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 11 avril 2008, R.G. 49.766

Mis en ligne le jeudi 13 juin 2013


Cour du travail de Bruxelles, 11 avril 2008, R.G. n° 49.766

Terra Laboris Asbl

Par arrêt du 11 avril 2008, la Cour du travail de Bruxelles a rappelé les règles en matière d’imputation de paiement sur des dettes de cotisations sociales.

Les faits

Citation est lancée en 2005 par l’INASTI contre une Sprl et l’administrateur de celle-ci, aux fins d’obtenir le paiement de la cotisation unique à charge des sociétés destinée au statut social des travailleurs indépendants. Il s’agit d’un montant de l’ordre de 2.000€.

Citation est alors lancée par les défendeurs, en intervention et garantie à l’encontre d’une ancienne administratrice, la Sprl demandant à être garantie de toute condamnation qui serait prononcée contre elle et l’administrateur en place demandant sa mise hors cause.

Position du tribunal

Le tribunal a condamné, solidairement, l’ancienne administratrice et la société au paiement de la cotisation litigieuse, la demande telle que dirigée à l’égard de l’administrateur en place étant considérée non fondée.

L’ancienne administratrice interjette appel.

Position des parties

L’appelante va considérer que, dans le décompte annexé à la sommation de payer, figuraient des sommes manifestement prescrites et que l’INASTI avait à tort imputé des paiements sur celles-ci. Elle demandait rectification du décompte de l’INASTI, considérant que les paiements effectués ne pouvaient avoir été imputés sur ces cotisations mais qu’ils devaient l’être sur des cotisations plus récentes, ce qui laissait subsister un reliquat de l’ordre de 400€, montant dont elle se reconnaissait redevable.

Les deux autres parties (intimées au principal) faisaient essentiellement valoir des clauses de garantie figurant dans l’acte de cession des parts.

L’INASTI concluait pour sa part que deux années étaient certes prescrites mais que les cotisations réclamées étaient dues pour les années ultérieures, seules concernées par la présente procédure en recouvrement. Pour lui, la seule question pertinente était celle de l’imputation correcte de montants versés sur les cotisations de 1994 et 1995 alors que celles-ci étaient prescrites au moment du paiement.

L’INASTI rappelait que la prescription rend la créance du créancier inexigible en l’empêchant d’agir mais qu’elle n’éteint pas la dette du débiteur, qui subsiste au titre d’obligation naturelle.

Il concluait également sur la solidarité, rappelant qu’en vertu de l’article 81 de la loi du 29 juin 1992, les associés ou administrateurs ou gérants sont tenus, solidairement avec la société, aux paiements dont cette dernière est redevable. Si ce libellé est général, il n’est pas contestable que cette disposition doit s’appliquer aux cotisations réclamées, l’ancien et le nouvel administrateur étant solidairement responsables du paiement de ces cotisations en leur qualité de gérant. La démission n’est pas opposable à l’INASTI et il y a lieu, en conséquence, de condamner les trois parties solidairement.

Position de la cour

La Cour rappelle les principes réglant tout d’abord la question de l’identité du débiteur des cotisations. En vertu de la loi du 26 juin 1992 portant des dispositions sociales et diverses (articles 78 et 81) ainsi que de celle du 30 décembre 1992 (article 98), ce sont les sociétés qui sont les débitrices principales de la cotisation. Les gérants sont tenus au paiement de cette cotisation uniquement en leur qualité de débiteur solidaire. La Cour conclut dès lors à la condamnation solidaire de la Sprl et de ses deux gérants.

Sur le montant des cotisations dues, elle relève que les parties sont d’accord pour considérer que les cotisations de 1994 et 1995 étaient prescrites au moment où elles ont été payées. L’INASTI a imputé les paiements intervenus sur les cotisations relatives à ces deux années et relève que l’ancienne administratrice n’établit pas qu’elle aurait précisé, lors des paiements effectués, que ceux-ci devaient être imputés sur d’autres années que celles-ci.

Pour la Cour, il ressort de l’article 1256, alinéa 2 du Code civil que l’INASTI a à raison imputé ces paiements sur la dette la plus ancienne.

Elle rappelle également la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle la prescription extinctive n’affecte pas l’existence de la dEtte mais seulement son exigibilité : l’obligation prescrite subsiste comme obligation naturelle (Cass., 14 mai 1992, Pas., 1992, I, p.798). En outre, en vertu de l’article 1235, alinéa 2 du même code, la répétition n’est pas admise à l’égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées. Quiconque paie volontairement une dette prescrite ne peut répéter ce qu’il a payé, l’obligation étant devenue une obligation naturelle (Cass., 6 mars 2006, R.G. S050026N).

Enfin, sur les relations entre les parties, la Cour retiendra que l’ancienne administratrice ne dispose d’aucun moyen juridique pour réclamer à l’administrateur en place un quelconque remboursement que ce soit. La solidarité instaurée par les lois des 26 juin 1992 et 30 décembre 1992 n’existe qu’en faveur de l’INASTI entre la société et son mandataire. Ces dispositions ne prévoient pas de solidarité interne dans l’hypothèse où plusieurs gérants ont été en exercice au cours d’une même année. L’administrateur en place devait dès lors à juste titre, être mis hors cause.

Intérêt de la décision

L’intérêt essentiel de la décision est certes de rappeler les règles en matière d’imputation de paiements, ainsi que les effets de la prescription en cas de paiement volontaire. Il réside également dans le rappel de l’étendue de la solidarité des dettes de cotisations.


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