Terralaboris asbl

Dettes sociales et inscription sur le site O.N.S.S. : pouvoirs du juge en référé

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 7 février 2013, R.G. 2012/CB/7

Mis en ligne le vendredi 7 juin 2013


Cour du travail de Bruxelles, 7 février 2013, R.G. 2012/CB/7

Terra Laboris A.S.B.L.

Dans un arrêt du 7 février 2013, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les conditions dans lesquelles le juge des référés peut intervenir dans le cadre de l’urgence, s’agissant en l’espèce d’une demande faite par une entreprise de ne plus figurer sur le site O.N.S.S. comme entrepreneur ayant des dettes sociales.

Les faits

Une entreprise de menuiserie fait en 2011 d’importants investissements immobiliers et se trouve de ce fait dans des circonstances particulières, l’amenant à négocier un plan d’apurement d’arriérés de cotisations avec l’O.N.S.S. Elle contracte un emprunt hypothécaire en vue du règlement. Le principal est de l’ordre de 200.000 € et les majorations et intérêts sont de 74.000 € environ.

Une demande est dès lors introduite, en juin 2011, en vue d’obtenir l’exonération totale des intérêts et majorations qui ont été payés. Les éléments utiles sont soumis, la société demandant l’imputation des sommes à récupérer sur les cotisations du deuxième trimestre.

La réponse de l’O.N.S.S. intervient le 26 septembre. Celui-ci fait partiellement droit à la demande, étant l’exonération totale d’une partie des majorations et partielle d’une autre. En ce qui concerne les intérêts de retard, une réduction de 20% (ou 40%) est admise.

La société ayant déposé, à l’appui de sa demande, diverses pièces officielles faisant état de créances détenues à l’égard d’institutions publiques, l’O.N.S.S. expose qu’il ne peut en tenir compte, les cotisations du 2e trimestre 2011 (arrivées à échéance le 31 juillet 2011) n’étant pas payées à la date de réception dudit document. Il est dès lors demandé de solder les cotisations encore dues et de réintroduire la demande ultérieurement.

Une procédure est introduite devant le tribunal du travail, aux fins d’obtenir l’annulation de la décision administrative. Vu le solde subsistant, la société est alors reprise sur le site internet de l’O.N.S.S. comme une entreprise visée par l’article 30bis de la loi du 27 juin 1969 (application de la retenue de cotisations de sécurité sociale).

L’O.N.S.S. communique à la société l’extrait de compte relatif aux cotisations impayées du 2e trimestre 2011 et, quelques jours plus tard, établit, suite à la décision de levée (partielle) des majorations et intérêts, le solde – créditeur – du compte de la société à son égard. L’O.N.S.S. assigne, ensuite, la société en paiement du solde des cotisations du 2e trimestre 2011.

Une procédure est alors introduite en référé par la société, en ce qui concerne la référence faite à elle-même, sur le site O.N.S.S., dans le cadre des entreprises pour lesquelles est applicable la retenue de cotisations de sécurité sociale.

La procédure en référé est fondée sur le provisoire et l’urgence, la société demandant, dans l’attente de la décision au fond opposant les parties, qu’il soit fait injonction à l’O.N.S.S. à faire figurer sur son site internet un bref texte relatif à l’existence d’un litige toujours en cours. Une astreinte est demandée.

La société est déboutée de sa demande par ordonnance du 14 mai 2012.

Appel est interjeté par elle et, dans le cadre de celui-ci, elle réitère sa demande initiale dans tous ses éléments.

La position des parties devant la cour

La société considère qu’il y a responsabilité extracontractuelle de l’Office. La demande d’exonération a été introduite le 24 juin 2011 et n’a été traitée que début septembre par une préposée, qui a, dans un premier temps, demandé des attestations relatives à des créances détenues en matière de subsides, alors que tous les documents auraient déjà été en sa possession. Pour la société, il y a manque de diligence et, si la demande avait été instruite dès la fin du mois de juin, la question des cotisations du second trimestre 2011 ne serait pas intervenue, l’échéance de celles-ci étant au 31 août.

Il y a manquement, pour elle, au principe général de bonne administration. Elle renvoie à plusieurs décisions, dont un arrêt de la Cour de cassation du 25 novembre 2002 (Cass., 25 novembre 2002, n° S.000036.F), selon lequel le juge peut décider, sur la base de circonstances de fait, qu’il y a, dans le chef de l’O.N.S.S., une erreur de conduite qui s’est muée en faute par négligence, au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil, et ce sans méconnaître le principe de légalité. En l’espèce, n’ayant pas imputé la totalité des sommes perçues sur les majorations et intérêts du second trimestre, mais en considérant qu’il y avait défaut de paiement et en reprenant une telle situation sur son site internet, il y a faute. Le préjudice est, pour la société, considérable en termes d’image. Elle fait également état d’imputations anarchiques et erronées des sommes retenues auprès des clients.

Quant à l’Office, il conteste que le traitement du dossier ait eu une conséquence quelconque sur l’obligation qui lui est faite de reprendre la société sur son site dans le cadre de l’article 30bis de la loi du 27 juin 1969. Il fait également valoir qu’il peut exonérer un employeur des majorations et intérêts, mais n’en a pas l’obligation. Reprenant la chronologie des faits, il considère ne pas avoir commis de faute.

La décision de la cour

La cour rappelle, avec le premier juge, que, statuant dans le cadre du référé, l’urgence est une condition de fond et doit exister pendant toute la durée de la procédure. Si le juge peut statuer sur une apparence de droit ou même dans le cadre de la balance des intérêts en présence (sans porter préjudice au fond), la société est en défaut d’établir son droit à une remise complète des majorations, qui lui eut permis d’éviter sa situation de retard de paiement.

Elle va également reprendre les termes du jugement au fond intervenus entre-temps, selon lequel la décision de l’O.N.S.S. n’était pas entachée d’irrégularité. Il n’y a dès lors, pour la cour, aucune apparence de droit permettant à la société de voir sa demande aboutir.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles, statuant dans le cadre des référés, aboutit très logiquement à la conclusion de l’absence d’apparence de droit ainsi que d’urgence, susceptible de faire droit à la demande. L’arrêt rappelle non seulement le principe général selon lequel, dans le cadre du référé, l’urgence est une condition de fond et doit subsister pendant toute la durée de la procédure, mais il est également l’occasion de revenir sur l’article 30bis de la loi du 27 juin 1969, dont le paragraphe 3 fixe le principe de la responsabilité solidaire du commettant qui fait appel à un entrepreneur qui a des dettes sociales au moment de la conclusion de la convention, à concurrence du paiement de celles-ci, la règle valant également pour le sous-traitant. La responsabilité solidaire est limitée au prix total des travaux (non compris la TVA) concédés à l’entrepreneur ou au sous-traitant.


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