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Un départ volontaire dans le cadre d’un plan social peut donner lieu à une sanction en matière de chômage

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 13 décembre 2012, R.G. 2012/AB/60

Mis en ligne le mardi 14 mai 2013


Cour du travail de Bruxelles, 13 décembre 2012, R.G. n° 2012/AB/60

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 13 décembre 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que, même dans le cadre d’un plan social, un départ volontaire, qui suppose un choix fait par le travailleur – parmi d’autres possibilités –, peut donner lieu à une sanction au motif d’abandon d’emploi convenable.

Les faits

Une employée d’une chaîne de magasins du secteur de la grande distribution est en service lors de l’annonce d’une importante restructuration. Les organisations syndicales concluent avec la direction une convention collective d’entreprise, dans le cadre de celle-ci. Est notamment envisagée la fermeture de 16 grandes surfaces, parmi lesquelles se trouve le lieu où l’intéressée est occupée. La convention collective prévoit, à côté de mesures en matière de prépension (à laquelle l’intéressée n’est pas éligible), deux hypothèses, d’une part la possibilité de marquer accord avec un licenciement moyennant paiement d’une indemnité de rupture et d’autre part la mutation vers une autre grande surface ou vers les services centraux de l’entreprise.

L’intéressée opte pour la première des branches de l’alternative et signe dès lors un document par lequel elle marque accord pour quitter l’entreprise dans le cadre d’un départ volontaire. Il est alors procédé à la rupture du contrat de travail avec paiement d’une indemnité compensatoire de préavis de six mois.

Celle-ci sollicite le paiement des indemnités de chômage, à l’issue de ladite période. Elle fait alors l’objet d’une exclusion pour une période de treize semaines. Celle-ci intervient sur la base des articles 51, 52bis, 53, 53bis ainsi que 142, 144 et 146 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 (et des articles 22 à 33 de l’arrêté ministériel d’exécution). Il est reproché à l’intéressée d’avoir quitté un emploi convenable sans motif légitime. Son chômage présente dès lors un caractère volontaire.

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Bruxelles, qui l’accueille, par jugement du 19 décembre 2011. Le tribunal considère pour l’essentiel qu’il ne ressort des pièces produites que l’intéressée aurait elle-même mis un terme au contrat de travail et qu’il ne résulte pas non plus que son licenciement est la conséquence raisonnable d’une conduite fautive qu’elle aurait eue.

L’ONEm interjette appel.

Position de parties en appel

L’ONEm estime que même si sur le plan formel c’est l’employeur qui a mis fin au contrat de travail avec paiement d’une indemnité, il s’agit en réalité d’une rupture intervenue d’un commun accord. Il renvoie à l’article 7, § 1er, 3e alinéa de l’arrêté loi du 28 décembre 1944, selon lequel il lui appartient d’accorder des allocations au chômeur involontaire, c’est-à-dire à celui qui se trouve, pour des raisons indépendantes de sa volonté, privé d’emploi et de rémunération. Ne peut être considéré comme tel le travailleur qui a quitté un emploi convenable sans motif légitime.

Quant à l’intéressée, qui demande la confirmation du jugement, elle rappelle la restructuration, dont l’employeur est à l’origine et considère qu’un licenciement qui intervient dans ce cadre ne peut pas être mis sur le même pied qu’un départ volontaire. Sans la restructuration, elle n’aurait jamais perdu son travail. Elle fait également référence aux autres travailleurs, nombreux, qui se trouvent dans la même situation et qui n’ont pas été exclus des allocations de chômage.

Décision de la cour du travail

La cour rappelle les dispositions ci-dessus, étant essentiellement l’article 44 ainsi que l’article 51, § 1er et l’article 52bis, § 1er, 1° de l’arrêté royal.

Elle examine ensuite le plan social conclu au niveau de l’entreprise. Suite à la fermeture de 16 magasins, le personnel avait la possibilité d’être muté sauf s’il souhaitait un départ volontaire ou le bénéfice de la prépension. Un article prévoit des mesures prises en vue de la redistribution du travail et la cour les passe en revue (rupture immédiate des contrats de travail en cas de prestation d’un préavis, dispense de l’obligation de remplacement de travailleurs âgés, possibilité pour les travailleurs de plus de 50 ans de bénéficier d’une réduction des prestations, …).

En ce qui concerne les départs volontaires, la cour relève qu’était prévue la possibilité pour les travailleurs qui opteraient pour cette formule de faire une demande écrite à la direction avant une date déterminée, suite à quoi ils seraient convoqués pour un entretien au cours duquel ils pouvaient se faire assister par un délégué syndical. La convention prévoit également, pour ceux-ci, le paiement d’une indemnité compensatoire de préavis de trois mois par tranche d’ancienneté de cinq ans commencée.

C’est en exécution de cette procédure que l’intéressée avait donc sollicité de la direction de pouvoir quitter l’entreprise moyennant paiement d’une indemnité compensatoire de préavis. La cour relève que la demande devait dès lors faite de manière expresse, ce qui avait bien été fait, en l’espèce.

Pour la cour, lorsque dans le cadre d’un plan social un travailleur opte pour un départ de l’entreprise et qu’il formule lui-même une demande en ce sens, il doit être considéré comme chômeur volontaire, puisqu’il y a abandon d’emploi - à moins qu’il ne prouve qu’il n‘avait pas d’autre choix. En l’espèce, celui-ci existait.

Elle relève encore que les travailleurs avaient reçu l’information utile afin de pouvoir prendre leur décision en connaissance de cause et qu’ils pouvaient également être assistés par un délégué syndical. L’intéressée ne pouvait dès lors s’être trompée quant au mode de rupture du contrat de travail et elle avait reçu toutes possibilités d’être informée sur les conséquences de son choix.

Surabondamment, la cour relève encore que l’absence de sanction appliquée aux autres membres du personnel dans sa situation n’est d’une part pas établie mais qu’elle n’est par ailleurs, en droit, nullement pertinente. Elle rappelle qu’elle est tenue d’appliquer la réglementation.

Intérêt de la décision

Cette décision vient rappeler la prudence qu’il faut avoir à l’esprit lors de la conclusion d’accords d’entreprise de ce type. Le départ volontaire, dans la mesure où il suppose un acte ou une initiative du travailleur et qu’il est un choix parmi d’autres, dans le cadre d’une restructuration, est, comme la cour le rappelle, assimilable à un chômage volontaire, au moment où le travailleur vient solliciter le bénéfice des allocations. Il n’y a, en l’espèce pas de motif légitime pouvant être admis.


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