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Manquement par l’ONEm à son devoir d’information et de conseil : sanction

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 12 décembre 2012, R.G. 2011/AB/388 et 2011/AB/392

Mis en ligne le mardi 30 avril 2013


Cour du travail de Bruxelles, 12 décembre 2012, R.G. N° 2011/AB/388 et n° 2011/AB/392

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 12 décembre 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle l’obligation, dans le chef de l’ONEm, d’information et de conseil, au sens de la Charte de l’assuré social et, en cas de manquement à celle-ci, les exigences légales requises sur le plan du lien de causalité entre la faute et le dommage.

Les faits

Dans le cadre de la procédure d’évaluation du comportement de recherche d’emploi, un assuré social informe le facilitateur de l’ONEM, lors d’un premier entretien d’évaluation (positif), de son souhait de devenir indépendant. L’entretien a lieu en octobre et 2006 et le début d’activité de la société dans laquelle il projette d’être gérant non rémunéré est prévu pour novembre 2006. Il lui est annoncé qu’il sera reconvoqué 16 mois plus tard.

Lors du deuxième entretien d’évaluation, les efforts ne sont cependant pas jugés suffisants et un contrat d’activation est alors signé, prévoyant notamment de poursuivre ses démarches en vue de l’ouverture d’un commerce et - à défaut - de se présenter auprès de quatre employeurs potentiels par mois.

L’intéressé fait le mois suivant l’objet d’une convocation, vu l’exercice d’une activité indépendante, incompatible avec les allocations de chômage. Il est en effet gérant à titre gratuit d’une SPRL.

Il expose, en réponse aux questions posées, qu’il a été gérant inactif et non rémunéré et qu’il a démissionné plusieurs mois auparavant. Il déclare également avoir fait état de cette activité non seulement de la CAPAC mais également lors de l’entretien d’évaluation. Il va malgré tout faire l’objet d’une exclusion, avec récupération des allocations pendant une période de deux ans, ainsi que d’une sanction de 26 semaines.

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Bruxelles.

Dans un premier jugement, celui-ci retient le principe de l’incompatibilité entre l’exercice de la fonction de gérant et la perception d’allocations de chômage. Il constate cependant un manquement dans le chef de l’ONEm, manquement qui a conduit l’intéressé à faire un choix défavorable. Un second jugement est ensuite rendu, excluant l’intéressé des allocations pour la période considérée et ordonnant la récupération. La période est cependant limitée à la durée de l’exercice du mandat. La décision administrative est annulée pour la période ultérieure et l’exclusion du droit aux allocations pour la période de 26 semaines est également annulée.

L’ONEm interjette appel.

Décision de la Cour

La cour constate qu’appel n’a pas été interjeté du premier jugement, celui-ci étant par conséquent définitif. Il est dès lors acquis que l’intéressé a été gérant et qu’il y a incompatibilité. La décision du tribunal en ce qui concerne l’exclusion et la récupération doit dès lors être confirmée, ainsi que la période en elle-même, vu que l’intéressé a à un moment donné perdu la qualité de gérant.

La cour va également rejeter la demande de l’ONEm, qui sollicite le rétablissement de la sanction d’exclusion, et ce au motif qu’il n’exerce plus l’activité incompatible avec les allocations de chômage.

Mais c’est surtout sur les conséquences du manquement à l’obligation d’information et de conseil dans le chef du facilitateur que la cour se penche.

La cour constate dans un premier temps qu’à l’époque, soit en 2006, la position de l’ONEm se fondait sur l’arrêt de la Cour de cassation du 3 janvier 2005 (Cass., 3 janvier 2005, J.T.T., 2005, p. 233), qui avait retenu que l’exercice d’un mandat même à titre gratuit ne pouvait être cumulé avec des allocations de chômage. La cour relève que la position de l’ONEm s’est quelque peu assouplie depuis 2010 et elle renvoie à « Traitement des dossiers de cumul avec activité indépendante (listings de cumul L302) – conclusions de la concertation » (RIODOC n° 100351, 28 juin 2010, www.onemtech.be , 3). Le jugement définitif rendu par le tribunal du travail a retenu cependant un manquement à l’obligation dans le chef du facilitateur de donner à l’assuré social une information précise et complète pour lui permettre d’exercer tous ses droits et obligations, mais a limité les effets de ce manquement à la sanction, n’affectant pas la récupération. La cour rappelle dès lors les principes applicables en ce qui concerne le lien de causalité entre la faute et le dommage, étant que celui-ci exige que le dommage tel qu’il s’est réalisé ne se serait pas produit de la même manière en absence de ladite faute. Il doit en conséquence être écarté si le dommage se serait également réalisé avec certitude si la faute n’avait pas été commise.

Il faut dès lors appliquer, pour la cour, la théorie de l’alternative légitime, c’est-à-dire, remplacer le comportement fautif critiqué par le comportement que la partie aurait dû avoir si elle avait adopté une conduite licite et voir si dans ce cas le dommage se serait égalent produit : dans cette hypothèse, il y aurait absence de lien de causalité entre la faute et le dommage.

Par ailleurs, la cour rappelle qu’elle ne peut admettre une vraisemblance de causalité, celle-ci devant être certaine.

Elle va dès lors apprécier les effets de l’absence d’information adéquate sur le comportement de l’intéressé, retenant d’abord la complexité de la réglementation en matière de chômage et le besoin de l’assuré social d’être en conséquence informé sur ses droits. Pour la cour, s’il l’avait été, il aurait adapté son comportement, ainsi d’ailleurs qu’il l’a fait ultérieurement et aurait pu conserver le bénéfice des allocations pour la période concernée. Il y a dès lors lien causal.

Aussi, la cour fait-elle droit à la demande de dommages et intérêts, correspondant au montant des allocations auquel il n’a pas droit.

La cour retient cependant que pour la période précédant l’entretien avec le facilitateur, la situation litigieuse existait déjà et qu’il n’y a, pour celle-ci, pas lieu d’octroyer ceux-ci. Pour cette période antérieure, le défaut de respect par l’assuré social des formalités obligatoires justifie dès lors une sanction mais celle-ci est réduite, par la cour, à 8 semaines avec sursis, vu le comportement de l’intéressé.

Elle confirme dès lors l’exclusion et la récupération pour la période qu’elle retient mais condamne l’ONEm à des dommages et intérêts correspondant à la période se situant entre l’entretien avec le facilitateur et la démission.

Intérêt de la décision

Dans ce cas d’espèce, la cour du travail rappelle les principes relatifs au lien de causalité requis entre la faute et le dommage, lien apprécié en l’espèce. Elle fait par ailleurs une application tout à fait logique des obligations mises par la charte de l’assuré social à charge des institutions de sécurité sociale en matière d’obligation d’information et de conseil.


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