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Réglementation chômage : dans quelles conditions un abandon d’emploi peut-il intervenir pour raison de santé ?

Commentaire de C. trav. Liège, sect. Namur, 21 décembre 2012, R.G. 2012/AN/58

Mis en ligne le lundi 18 mars 2013


Cour du travail de Liège, section de Namur, 21 décembre 2012, R.G. n° 2012/AN/58

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 21 décembre 2012, la Cour du travail de Liège (section de Namur) reprend les conditions de l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991 sur l’inaptitude à l’emploi au sens de la réglementation chômage, et ce à propos d’une démission.

Les faits

Après avoir presté pendant plus de 2 ans au service de la Poste (où elle démissionne), une employée travaille dans le cadre d’un contrat « Prime » à mi-temps dans le secteur des auberges de jeunesse. 5 mois plus tard, les parties marquent accord sur la démission de l’intéressée. Celle-ci explique que des motifs de santé l’ont justifiée, étant en dépression. Le médecin de l’ONEm conclut, pour sa part, à l’aptitude à exercer l’emploi que l’intéressée a quitté. Elle va être sanctionnée par décision de l’ONEm, et ce pour une période de 15 semaines. L’ONEm fonde celle-ci sur la légèreté dont l’intéressée a fait preuve et également sur le fait que, lorsqu’elle a quitté son emploi à la Poste, précédemment, il y avait déjà abandon (non sanctionné à l’époque). Un sursis partiel de 7 semaines est accordé. Il est justifié par l’absence de sanction antérieure et, également, par la situation sur le plan médical et familial.

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Namur, qui retient l’abandon d’emploi et réduit la sanction. Il se fonde essentiellement sur la situation médicale de l’intéressée, considérant qu’elle n’aurait pas eu conscience de ses actes. Le sursis est accordé pour toute la sanction.

La décision de la cour

Suite à l’appel interjeté par l’ONEm, la cour est amenée à reprendre les dispositions de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, relatif à l’abandon d’emploi convenable. Il s’agit d’une condition d’octroi que doit remplir l’intéressé : celui-ci ne peut pas être au chômage par suite de circonstances dépendantes de sa volonté et ne peut dès lors abandonner un emploi convenable sans motif légitime. La sanction est une exclusion de 4 à 52 semaines. Un avertissement peut être donné et un sursis (partiel ou complet) peut être accordé.

L’arrêté ministériel ne donne qu’une énumération de cas pouvant caractériser un emploi convenable. la cour rappelle que la notion de légitimité a ainsi été approfondie en jurisprudence et qu’ont notamment été retenus une situation familiale, l’exercice d’une autre activité, la modification des conditions de travail, l’inaptitude physique, la démission forcée,…

Après avoir rappelé que le motif légitime ne s’identifie pas à la force majeure, la cour renvoie aux articles 51, § 2 de l’arrêté royal et 33 de l’arrêté ministériel pour les critères à respecter lorsqu’il s’agit d’invoquer l’état de santé : il faut, dans ce cas, que l’inaptitude à l’emploi ait été admise par le médecin agréé. Il en résulte que, si le travailleur a, à tort, quitté un emploi convenable, l’inaptitude n’étant pas admise ultérieurement par le médecin de l’ONEm, il peut y avoir sanction. La cour rappelle cependant que le juge peut, le cas échéant, désigner un expert.

Avant d’appliquer ces règles au cas d’espèce, la cour examine brièvement le sort de la sanction, vu qu’en l’occurrence, elle statue en 2012 sur des faits survenus en 2001 et ayant donné lieu à un jugement en septembre 2003 ainsi que la question du sursis, sur laquelle elle rappelle que, hors le cas de récidive, le juge a un pouvoir de pleine juridiction, renvoyant ici à la doctrine (M. DELANGE, « Les mesures d’exclusion en matière de chômage après l’arrêté royal du 29 juin 2000 sur la réforme des sanctions administratives », Chron. Dr. Soc., 2002, p. 471, spéc. p. 487 et références citées), ainsi qu’à la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 10 mai 2004, Chron. Dr. Soc., 2004, p. 388).

Elle va dès lors constater que ne sont avérés ni des pressions qui auraient été exercées sur l’employée pour qu’elle démissionne, ni un état de santé pouvant être admis, l’intéressée prouvant uniquement avoir été sous antidépresseurs.

Sur la sanction, la cour admet que celle-ci peut être de 15 semaines. L’appel n’ayant cependant pas été diligenté, elle étend le sursis à l’intégralité de celle-ci, vu le dépassement du délai raisonnable.

Intérêt de la décision

Les questions d’abandon d’emploi sont fréquentes et la Cour du travail de Liège a ici l’occasion de rappeler que l’état de santé peut constituer une raison légitime, mais à certaines conditions, étant que celui-ci doit impliquer une inaptitude à l’emploi, dûment constatée par le médecin de l’ONEm. La cour rappelle également la possibilité pour le juge d’ordonner une expertise judiciaire aux fins de vérifier, s’il échet, l’évaluation faite par ce dernier. En l’espèce, vu la grande ancienneté des faits, une telle mesure ne pouvait nullement éclairer la cour. Il est encore intéressant de noter, dans cet arrêt, une application du mécanisme actuellement intégré en droit social (et en sécurité sociale), relatif à l’article 6 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Ici, les effets du dépassement manifeste du délai raisonnable sont un sursis total, et ce vu l’ancienneté du litige.

Une autre application très fréquente, dans les litiges impliquant une récupération de sommes, est la suspension du cours des intérêts si la carence du débiteur est avérée.


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