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Travailleurs indépendants en incapacité de travail : conditions de l’activité autorisée (II)

Commentaire de C. trav. Liège, sect. Namur, 16 octobre 2012, R.G. 2011/AN/30

Mis en ligne le lundi 14 janvier 2013


Cour du travail de Liège, section de Namur, 16 octobre 2012, R.G. n° 2011/AN/30

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 16 octobre 2012, la Cour du travail de Liège, Sect. Namur, poursuit l’examen des conditions de reprise du travail pour les indépendants en incapacité de travail, suite à l’arrêt de réouverture des débats qu’elle avait prononcé en date du 20 mars 2012.

Rappel des faits

Un travailleur indépendant, exerçant en même temps deux activités (agriculteur et gérant d’une SPRL de construction métallique) est à charge de son organisme assureur. Il conteste une décision de remise au travail et reprend, sans informer le médecin-conseil, une partie de son activité ultérieurement, tout en recourant à la sous-traitance et en déléguant d’autres activités. Le recours introduit devant le tribunal aboutit favorablement.

Une enquête a lieu, ultérieurement, par les services du contrôle de l’INAMI. Celui-ci mettra fin à l’état d’invalidité, ce qui amène l’intéressé à introduire un nouveau recours. Celui-ci permet à l’intéressé de donner des explications sur ses conditions de reprise d’activité, qu’il décrit comme limitée (instructions, contacts avec les clients) soit des tâches de surveillance et de gestion administrative. L’intéressé n’a plus exercé de travail comme agriculteur ou même dans le cadre de sa société.

Pour le Tribunal du travail de Dinant, l’activité de gestion ainsi décrite est non négligeable et également indispensable à la survie de l’entreprise, donc incompatible avec les indemnités.

Position de la cour du travail

L’arrêt du 20 mars 2012

Suite à l’appel interjeté devant la Cour du travail de Liège, Sect. Namur, celle-ci va rendre un premier arrêt le 20 mars 2012, rappelant que le seul reproche qui pouvait être fait à l’intéressé était, lorsqu’il a repris une activité postérieurement à la décision administrative, d’informer de la reprise d’une activité partielle, mais ce après la décision judiciaire. La cour rappelle que lors de la reprise, l’activité était très secondaire et qu’il ne pouvait être sanctionné puisque ce qui lui était reproché est un manquement à une obligation qu’il n’aurait pas pu respecter. L’article 67, 2° de l’arrêté royal du 20 juillet 1971, sur la base duquel l’INAMI s’est fondé, concerne en effet le titulaire qui a négligé de faire connaître soit la reprise d’une activité professionnelle soit un élément qui viendrait modifier la feuille de renseignements et qui influerait sur son droit aux prestations.

La réouverture des débats est prononcée afin de voir si l’intéressé peut bénéficier des exceptions autorisées, la cour rappelant qu’existe une exception prévue par la législation (activité exercée avec l’autorisation du médecin-conseil) et une autre, de source jurisprudentielle, étant l’activité comportant des tâches accessoires, à caractère minime.

L’arrêt du 16 octobre 2012

La cour constate – ce qui n’est pas contesté – que l’intéressé ne se trouve pas dans le cadre de l’exception légale. Il y a dès lors lieu de vérifier s’il peut être visé par l’exception jurisprudentielle. La cour va constater à cet égard que l’activité professionnelle a dépassé l’activité de minime importance et n’était dès lors pas compatible avec les indemnités allouées dans le cadre de l’assurance obligatoire. Le critère retenu est que sans cette activité l’entreprise n’aurait pas pu fonctionner.

Reste à examiner si l’INAMI était fondé à appliquer une sanction administrative sur pied de l’article 67, 2° de l’arrêté royal du 20 juillet 1971. Celui-ci prévoit en effet une exclusion du droit aux prestations à raison de 75 jours au plus si le titulaire a négligé de faire connaître à son organisme assureur soit la reprise d’une activité professionnelle soit tout élément modifiant la feuille de renseignements et ayant une incidence sur le droit aux prestations. La cour souligne que la sanction peut faire l’objet d’un sursis, en vertu de l’article 11 de l’arrêté royal du 10 janvier 1969, rendu applicable aux travailleurs indépendants par l’article 69 de l’arrêté royal du 20 juillet 1971.

La sanction administrative prévue à l’arrêté royal du 10 janvier 1969 est de nature pénale, au sens de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (la cour citant une très abondante doctrine à cet égard, ainsi que des arrêts de la C.E.D.H.). Pour être appliquée, tous ses éléments doivent cependant être réunis.

En l’occurrence, il s’agit d’une omission d’information de la mutuelle suite à la reprise d’une activité professionnelle.

La cour relève que, pour qu’il y ait reprise, il faut qu’il y ait eu cessation et que l’information donnée au médecin-conseil porte sur son autorisation préalable à la reprise. Celle-ci va en effet en préciser les conditions. Or, dans son arrêt du 20 mars, la cour avait déjà signalé que l’on ne pouvait reprocher à l’intéressé de ne pas avoir demandé préalablement l’autorisation de travailler, puisqu’à ce moment, il n’était plus reconnu en incapacité de travail et que le médecin-conseil était sans pouvoir. Tel n’était cependant pas le cas après le jugement. Or, à ce moment, il n’y a pas eu de reprise puisque l’activité était exercée depuis plusieurs années. Il y a dès lors eu poursuite, de telle sorte que l’on ne pouvait pas, pour la cour, exiger de l’intéressé non plus qu’il demande l’autorisation de reprendre à ce moment. Il s’agit dès lors bien de sanctionner l’intéressé pour une obligation qu’il n’aurait pas pu respecter.

En conséquence, la cour décide d’annuler la sanction. Elle relève cependant que le dossier fait apparaître une faille dans la législation mais que, s’agissant d’une sanction administrative de nature pénale, il ne lui appartient pas de la pallier.

Intérêt de la décision

Cet arrêt clôture dès lors ce litige intéressant, dont nous avions déjà commenté la décision rendue le 20 mars 2012. Dans ce premier arrêt, la cour y posait déjà la question cruciale, étant l’impossibilité de demander une autorisation de reprise au médecin-conseil dès lors que l’incapacité est refusée et qu’il n’y a pas perception d’indemnités. Cette difficulté se retrouve ultérieurement, lorsque la décision judiciaire admet rétroactivement l’incapacité de travail. Si l’intéressé a repris entretemps, la législation n’est pas explicite en ce qui concerne son obligation. Comme le relève très judicieusement la cour, il n’y pas d’autorisation de reprise à demander à ce moment, dans la mesure où l’activité existe (et en l’occurrence depuis plusieurs années). La cour constate qu’il y a une faille dans la législation sur ce point.


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