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Reprise d’une activité sans autorisation du médecin-conseil de la mutuelle : conséquences

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 5 avril 2012, R.G. 2011/AB/690

Mis en ligne le vendredi 11 janvier 2013


Cour du travail de Bruxelles, 5 avril 2012, R.G. n° 2011/AB/690

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 5 avril 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les effets des articles 100 et 101 de la loi coordonnée le 14 juillet 1994 en cas de reprise d’une activité sans l’autorisation du médecin-conseil de la mutuelle : celle-ci ne met pas nécessairement fin au droit de l’affilié aux indemnités.

Les faits

Un bénéficiaire d’indemnités d’incapacité de travail sollicite et obtient en janvier 1976 une autorisation de reprise d’activité à mi-temps. Il s’agit d’une activité salariée.

Huit ans plus tard, soit en 1984, le médecin-conseil de la mutuelle l’autorise à exercer une activité à temps partiel. Il s’agit cette fois d’une activité d’indépendant (négociant en véhicules d’occasion).

L’intéressé y met fin par lettre du 31 décembre 2005, précisant qu’il n’enverra plus d’attestations de revenus mensuels à partir de cette date.

A partir du 4e trimestre 2007, des bons de cotisation sont cependant introduits et, suite à une enquête auprès de l’employeur, l’organisme assureur est informé du fait que l’intéressé a été employé comme assistant technique à raison de deux demi-jours par semaine.

L’intéressé, interrogé, se réfère à l’autorisation qui lui a été accordée en 1984 pour justifier cette activité.

Après avoir suspendu le paiement des indemnités, l’organisme assureur lui notifie une décision considérant qu’il n’est plus incapable de travailler depuis le 3 décembre 2007. Il réclame le remboursement de la totalité des indemnités perçues depuis cette date, montant de l’ordre de 30.000€.

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Nivelles.

Décision du tribunal

Par jugement du 28 juin 2011, celui-ci considère le recours partiellement fondé, considérant que, s’il y a exercice d’une activité non autorisée entre le 3 décembre 2007 et le 31 janvier 2009 – et donc obligation de rembourser les indemnités indûment perçues -, l’intéressé a de nouveau droit aux indemnités pour la période postérieure. Le tribunal ordonne une réouverture des débats sur la question des montants.

Appel est interjeté par l’organisme assureur.

Position des parties en appel

Se fondant sur les articles 100 et 101 de la loi, la mutuelle considère que le comportement de l’intéressé, ainsi que l’activité exercée ne pouvaient justifier une réduction de la capacité de gain de 50% pendant cette période et que, à supposer l’article 101 applicable, l’on ne peut conclure à une incapacité d’au moins 50% pendant la période concernée à défaut de mesure d’expertise.

Quant à l’intéressé, il réclame le paiement des indemnités pour la période postérieure à celle faisant l’objet de preuves de travail. Il conteste en outre avoir repris une activité sans autorisation préalable, considérant qu’il a respecté la réglementation en tous points, la mutuelle ayant quant à elle manqué aux obligations d’information résultant de la Charte de l’assuré social. Il reproche à celle-ci de ne pas l’avoir convoqué pour une visite de contrôle, et ce notamment lors de la réception des bons de cotisation émis par son employeur.

Décision de la Cour

Il s’agit, pour la cour, d’appliquer l’article 101 de la loi coordonnée le 14 juillet 1994, étant de savoir s’il y a lieu de limiter la récupération aux seuls jours d’activité, ainsi que de rejeter la récupération pour la période postérieure et la suspension du paiement des indemnités à partir de cette date.

La cour rappelle qu’en vertu de l’article 100, est incapable de travailler au sens de cette loi le travailleur qui a cessé toute activité (article 100, § 1er) ou celui qui par dérogation à cette règle a repris le travail dans les conditions légales (article 100, § 2). L’autorisation préalable du médecin-conseil est obligatoire et elle doit préciser la nature, le volume ainsi que les conditions d’exercice de cette activité. Elle doit figurer dans le dossier médical et administratif de l’intéressé au siège de l’organisme assureur (arrêté royal d’exécution, article 230). En cas de reprise du travail, il appartient à l’assuré social d’informer la mutuelle (ou l’INAMI).

Si l’assuré social est autorisé à travailler, il doit communiquer le montant des ressources nées de son activité, afin de bénéficier du cumul entre son salaire et les indemnités de mutuelle, et ce dans les limites fixées par l’arrêté royal.

La cour examine les éléments de fait et conclut que, ayant à diverses reprises été amené à préciser sa situation vis-à-vis de la mutuelle, l’intéressé ne pouvait ignorer qu’une reprise de travail devait s’accompagner d’une information, et ce particulièrement pour l’activité exercée entre 2007 et 2009.

Il ne peut, dès lors, y avoir de manquement par l’organisme assureur à ses obligations découlant de la Charte de l’assuré social.

En ce qui concerne plus particulièrement les limites de la récupération, la cour examine l’appel de la mutuelle sur la conclusion du premier juge selon laquelle même en cas de fraude la limitation visée à l’article 101 doit s’appliquer. Pour l’organisme assureur en effet, les conséquences de la reprise du travail consistent dans la perte du droit aux indemnités (l’intéressé cessant d’être reconnu en état d’incapacité quel que soit son état de santé) et en cas de fin de cette activité nouvelle, les indemnités ne peuvent être à nouveau octroyées que si un nouvel état d’incapacité de travail est constaté.

La cour précise, sur cet argument, que l’exercice d’une activité non autorisée ne met pas nécessairement fin au droit d’un affilié aux indemnités de mutuelle, contrairement à ce que soutient l’organisme assureur, l’effet de l’article 101 (dans sa mouture en vigueur au moment des faits) étant de limiter le remboursement des indemnités à celles allouées les jours où le titulaire a travaillé à la condition qu’il ait conservé une réduction de sa capacité de travail de 50%. Dans cette hypothèse, il y a persistance de l’incapacité de travail.

La cour, confirmant en cela la positon du premier juge, considère que l’application de l’article 101 n’impose pas de vérifier au préalable si le travail a été ou non exercé frauduleusement, l’activité non autorisée ayant pour conséquence d’exclure le versement d’indemnités pour les jours prestés, tandis que la règle de cumul – plus favorable – contenue à l’article 100 ne trouve pas à s’appliquer.

L’intention frauduleuse a cependant comme effet d’exclure la possibilité de renoncer à la récupération. C’est le texte de l’article 101, § 2, alinéa 3.

Enfin, quant à la question de savoir si l’intéressé avait conservé une réduction de sa capacité de gain de 50%, la cour estime ne pas devoir recourir à une mesure d’expertise, l’intéressé étant invalide depuis de nombreuses années, cet état n’étant pas contesté par la mutuelle et étant par ailleurs confirmé dans un rapport médical.

En conséquence, la cour conclut que, même si l’activité exercée n’a pas été autorisée, elle ne peut aboutir à une exclusion du droit à toutes indemnités depuis la date du 3 décembre 2007. Elle confirme dès lors la décision du premier juge et va également inviter l’organisme assureur à produire un nouveau décompte.

Elle rétablit, ainsi, le droit pour l’intéressé aux indemnités d’incapacité pour la période postérieure à celle ayant fait l’objet de l’activité en cause.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles statue de manière claire sur les effets de la reprise d’une activité en dehors de l’autorisation du médecin-conseil de l’organisme assureur : dans la mesure où il peut être établi que l’assuré social a conservé une réduction de sa capacité de gain de 65% au moins, il ne peut y avoir exclusion du droit à toutes indemnités. Quant à l’intention frauduleuse, son examen doit se situer au niveau de la récupération.

Signalons que la cour statue sur la base du texte des articles 100 et 101 de la loi du 14 juillet 1994 avant leur modification par les lois du 4 juillet 2011 et du 29 mars 2012.


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