Terralaboris asbl

Indu en sécurité sociale et charge de la preuve

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 14 septembre 2012, R.G. 2011/AB/358

Mis en ligne le jeudi 27 décembre 2012


Cour du travail de Bruxelles, 14 septembre 2012, R.G. n° 2011/AB/358

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 14 septembre 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle qu’en matière d’indu (en l’occurrence d’allocations familiales dans le secteur des travailleurs indépendants), la charge de la preuve incombe à celui qui poursuit en recouvrement.

Les faits

Un travailleur indépendant est en litige avec sa Caisse d’assurances sociales, à propos des allocations perçues pour ses trois enfants. Celles-ci ont en effet été accordées au taux majoré, prévu lorsque l’attributaire est invalide. Or, vu les revenus professionnels de son épouse, la majoration n’était selon la Caisse pas justifiée.

Le litige est ancien, des lettres recommandées envoyées en 1988 et tous les deux ans à partir de 1991 jusqu’à 1997. Une procédure judiciaire est introduite devant le Tribunal du travail de Nivelles le 25 août 1999.

Position du tribunal du travail

Suite à un avatar de procédure, le tribunal statue par défaut et, ensuite, sur opposition. Un jugement est rendu le 14 mars 2011, concluant au fondement de la demande pour l’année 1987 et ordonnant une réouverture des débats aux fins de production de décomptes. Sur les intérêts, il y a suspension jusqu’au 30 avril 2010 (date où la procédure a été relancée).

Positon de la cour du travail

La cour du travail est saisie d’un appel de la Caisse, qui demande la récupération de l’ensemble des montants constituant sa demande originaire.

La cour est ainsi saisie, dans le cadre de l’indu, des conditions d’octroi de la majoration.

Elle rappelle que, en vertu de l’article 19 de l’arrêté royal du 8 avril 1976, la majoration des allocations familiales est autorisée si l’attributaire est en incapacité de longue durée. Dans sa version applicable aux faits, était notamment visé par la disposition l’attributaire bénéficiant d’une allocation aux personnes handicapées (66% au moins). L’attributaire doit cependant avoir des personnes à charge, au sens légal. En l’occurrence, l’incapacité de travail était de 80%, cette condition n’étant pas contestée.

Le litige concerne dès lors la question de savoir si l’intéressé a la qualité d’attributaire avec personnes à charge.

Selon la réglementation en vigueur à l’époque (arrêté royal du 12 avril 1984), avait cette qualité l’attributaire qui cohabite avec un ou plusieurs enfants en faveur desquels il ouvre le droit à des allocations familiales et avec son conjoint. Celui-ci ne pouvait cependant pas exercer d’activité professionnelle. Or, selon la Caisse, l’épouse avait le statut de conjoint aidant. Les conditions légales n’étaient, pour elle, dès lors pas réunies de ce fait.

La cour va dès lors examiner si l’épouse avait cette qualité à l’époque des faits. Tout en soulignant la difficulté de vérifier la chose, vu l’ancienneté des documents, elle rappelle les règles en matière de preuve, la Cour de cassation ayant décidé dans plusieurs arrêts (dont Cass., 10 juin 1977, Pas., 1977, I, p. 1036) que celui qui répète le montant du paiement indu ne doit prouver qu’il a fait ce paiement par erreur que si un doute est possible quant à la cause dudit paiement et partant quant à son caractère indu. La preuve de l’indu incombe dès lors à la partie qui en poursuit le recouvrement.

En ce qui concerne les éléments déposés, la cour relève le caractère contradictoire des pièces, étant essentiellement des documents émanant de l’INASTI et de l’administration des contributions directes. Elle en conclut que, comme l’a d’ailleurs retenu le tribunal, l’enquête de l’INASTI n’est guère probante (documents fiscaux absents) et que, sur le caractère probant de certain documents, il y a également lieu de s’interroger quant à leur portée. Elle constate également la contradiction pour certaines années entre les éléments déposés et le répertoire général des travailleurs indépendants. Elle conclut qu’elle se trouve dans l’impossibilité d’apprécier le contexte et les circonstances dans lesquelles divers documents ont été signés (type d’activité visé, régime assimilé à une activité accessoire, …). Elle va dès lors conclure que, sauf pour l’année admise par le tribunal (1987), la preuve du statut de conjoint aidant ou celle de l’exercice d’une activité professionnelle n’est pas apportée.

Enfin, la cour va encore confirmer sa jurisprudence en ce qui concerne la sanction du manque de diligence dans l’instruction de l’affaire, étant la suspension des intérêts moratoires. Comme dans d’autres décisions, la cour conclut que réclamer ceux-ci est abusif.

Intérêt de la décision

Même si les faits de cette affaire sont anciens, celle-ci est l’occasion pour la Cour du travail de Bruxelles de rappeler les principes en matière de charge de la preuve en cas de répétition de l’indu, principe réaffirmé à diverses reprises par la Cour de cassation, à partir de l’article 1235 du Code civil.


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