Terralaboris asbl

Représentant de commerce : intervention du juge des référés en cas de modification du secteur

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 6 septembre 2012, R.G. 2012/CB/9

Mis en ligne le jeudi 29 novembre 2012


Cour du travail de Bruxelles, 6 septembre 2012, R.G. n° 2012/CB/9

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 6 septembre 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les pouvoirs du juge en référé en matière d’injonction à une partie à un contrat de travail. En l’occurrence, elle ordonne la suspension des effets d’une décision modifiant le secteur géographique d’une représentante de commerce.

Les faits

Une représentante de commerce, engagée en 1997, est chargée de vendre des espaces publicitaires dans un journal toute-boîte. Son secteur géographique est déterminé dans son contrat de travail et aménagé dans des avenants successifs. Des modifications interviennent également, au fil du temps, en ce qui concerne le taux des commissions auxquelles elle a droit.

En avril 2012, la société invoque une réorganisation de ses activités, qui va entraîner une modification des secteurs des représentants. La zone correspondant à l’intéressée est ainsi modifiée. Celle-ci fait des observations et reçoit, en réponse, une lettre d’avertissement. Elle charge immédiatement son conseil de contester les modifications apportées à son secteur et une mise en demeure est adressée à la société de restaurer la représentante dans ses conditions d’occupation telles qu’elles existaient avant l’annonce de la réorganisation. Pour toute réponse, le supérieur hiérarchique demande à l’intéressée de transférer une partie de ses dossiers (correspondant à son « ancienne zone ») à une collègue. Un échange de correspondance est poursuivi, la société faisant valoir par voie de son conseil que la clause de modification de secteur est prévue par le contrat de travail, que la société connaît une situation difficile, etc. Le caractère définitif de la modification du secteur géographique est également confirmé et elle se voit sommée de suivre les nouvelles instructions, sous peine de se voir reprocher une insubordination.

Une procédure en référé est aussitôt introduite et celle-ci fait l’objet d’une ordonnance concluant à son irrecevabilité au motif du défaut d’urgence vu que l’intéressée a entretemps entrepris de prospecter la zone nouvelle et qu’il n’y aurait aucune situation de « blocage » à laquelle il conviendrait de remédier rapidement.

Appel est interjeté.

Objet de l’appel

Dans sa demande formée devant la cour, la représentante demande que soient suspendus les effets de la décision prise relative à la modification unilatérale de son secteur d’activité géographique (des détails étant précisés quant aux communes à prospecter), et ce jusqu’à ce qu’un accord soit trouvé entre parties sur les modifications litigieuses, jusqu’au moment où le contrat de travail serait rompu, soit par les parties, soit par l’une d’entre elles ou encore déclaré résolu par voie judiciaire. Elle sollicite également que la cour ordonne qu’entretemps toutes les conditions d’occupation antérieures soient maintenues ou à tout le moins que la zone géographique le soit de manière à pouvoir continuer à visiter et prospecter la clientèle comme auparavant. Elle demande également qu’il soit ordonné à la société de mettre tous moyens, documents et instruments de travail à sa disposition afin de pouvoir poursuivre normalement son activité dans son secteur.

Décision de la cour du travail

La cour rappelle, dans un premier temps, les principes utiles à la solution du litige, étant essentiellement le critère de l’urgence au sens de l’article 584 du Code judiciaire. Elle énonce également les règles relatives aux mesures provisoires à prendre en cas d’apparence de droit suffisante pour justifier la décision en cause et reprend l’article 1039 du Code judiciaire, selon lequel les ordonnances sur référé ne portent pas préjudice au principal.

Elle réexpose, force décisions et références de doctrines à l’appui, les principes permettant au juge des référés d’intervenir pour assurer la préservation et la sauvegarde de droits menacés ainsi que pour réprimer des voies de fait.

En l’espèce, elle considère que la condition d’urgence est remplie, la modification complète du secteur allant manifestement de pair avec la crainte d’inconvénients sérieux voire d’un préjudice d’une certaine gravité. Elle acte que, si l’intéressée s’est conformée aux instructions de son employeur, c’est vu la menace d’une sanction disciplinaire.

L’apparence de droit est également considérée suffisante, dans la mesure où la situation nouvelle influe sur les commissions de la représentante et la cour reprend que la clientèle a été constituée au fil des années et que la représentante jouit d’une exclusivité. Il y a dès lors crainte d’une atteinte aux capacités de gain.

Enfin, sur le caractère provisoire de la mesure, la cour rappelle que celle-ci tend à suspendre provisoirement l’essentiel de la modification décidée par la société et qu’il ne s’agit que d’aménager une situation d’attente en vue d’éviter de graves inconvénients.

La mesure est prolongée jusqu’à ce qu’un éventuel accord soit trouvé entre parties ou jusqu’à une éventuelle rupture du contrat de travail. La cour précise, par rapport à la demande sur ce point, qu’à défaut d’accord ou de rupture du contrat, la mesure ne sera prolongée que pour autant que la procédure au fond soit introduite dans un délai de deux mois à dater du prononcé de l’arrêt.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la cour du travail de Bruxelles rappelle une jurisprudence de plus de plus affirmée étant que, si les conditions du référé sont remplies (urgence, apparence de droit évident), le juge en référé peut intervenir pour assurer la préservation et la sauvegarde des droits menacés des travailleurs ainsi que pour réprimer les voies de fait. Comme dans d’autres arrêts, la mesure prise est limitée dans le temps.

Elle va consister, en l’espèce, en une injonction de suspendre les effets d’une décision prise par l’employeur.


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