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La Charte de l’assuré social est-elle applicable à l’assurance complémentaire à l’assurance obligatoire soins de santé ?

Commentaire de C. trav. Liège, sect. Namur, 17 avril 2012, R.G. 2011/AN/173

Mis en ligne le jeudi 29 novembre 2012


Cour du travail de Liège, section Namur, 17 avril 2012, R.G. 2011/AN/173

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 17 avril 2012, la Cour du travail de Liège, section Namur, pose plusieurs questions à la Cour constitutionnelle en ce qui concerne l’application de la Charte de l’assuré social à une assurance complémentaire à l’assurance obligatoire soins de santé.

Les faits

Un père de famille bénéficie, en sus de son assurance obligatoire soins de santé, d’une assurance complémentaire. Des séances de logopédie destinées à ses enfants sont prises en charge par l’organisme assureur, non dans le cadre de l’assurance obligatoire mais par l’assurance complémentaire. Celui-ci va ultérieurement admettre le remboursement dans le cadre de l’assurance obligatoire. D’autres demandes de remboursement interviennent ultérieurement et – étant rentrées par des voies différentes - sont traitées par des services distincts, indépendamment.

En fin de compte, un indu est réclamé et une demande de remboursement est envoyée par courrier recommandé du 29 juillet 2009. Il s’agit de sommes versées dans le cadre de l’assurance complémentaire depuis le 1er février 2007. L’organisme assureur se fonde sur l’article 164 des lois coordonnées. La notification ne mentionne cependant pas auprès de quel organisme et de quelle manière une demande de renonciation peut être faite.

Un recours est introduit devant le tribunal par l’assuré social et l’organisme assureur demande également récupération d’un indu.

L’assuré social plaide qu’il y a une faute dans le chef de l’organisme assureur, liée à la mauvaise organisation de ses services. Il signale ne pas avoir été informé qu’il ne pouvait cumuler le tiers payant dans le cadre de l’assurance obligatoire et un remboursement dans le cadre de l’assurance complémentaire. Il fait également valoir la prescription partielle de la demande.

Décision de la Cour

La cour du travail rappelle que les soins donnés par des logopèdes sont prévus à l’article 34 de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités.

La cour reprend ensuite les statuts de l’organisme assureur concernant les interventions pour les soins de logopédie, service qui intervient dans le cadre de l’assurance complémentaire. La cour relève, en conséquence, qu’il ne s’agit pas en l’espèce d’un litige trouvant son fondement dans la loi du 14 juillet 1994 mais bien dans celle du 6 août 1990 relative aux mutualités et aux unions nationales de mutualités, ainsi que dans les statuts de l’organisme assureur.

Elle constate aussitôt que la Charte ne vise pas directement la loi du 6 août 1990 et relève que, depuis que l’assurance complémentaire est devenue obligatoire, étant un complément à l’assurance obligatoire soins de santé, la question se pose avec une actualité certaine.

Après avoir, ensuite, examiné la question de la prescription (étant que l’action en récupération est prescrite dans un délai de deux ans et que celui-ci prend cours de la même manière que dans le cas de l’assurance obligatoire au moment du paiement des prestations indues et non au jour où elles ont été effectuées), la cour constate qu’il y a lieu de déclarer prescrite la demande relative aux sommes réclamées avant le 28 juillet 2007, la prescription ayant été interrompue par un courrier recommandé du 28 juillet 2009.

Sur l’indu, la cour relève que l’intervention pour des soins de logopédie n’est accordée qu’à défaut de couverture dans le cadre de l’assurance obligatoire, ayant ainsi un caractère supplétif. En conséquence, ceci ayant été le cas en l’espèce, le complément ne devait plus être versé. L’assuré social est cependant resté dans l’ignorance de la chose, qu’il n’a apprise qu’à l’occasion du litige et la cour rappelle qu’en début de dossier, la prestation a été refusée dans le cadre de l’assurance obligatoire. Dûment informé, l’assuré social aurait pu réagir en conséquence.

La cour examine dès lors la régularité de la décision eu égard aux dispositions de la Charte de l’assuré social.

L’organisme assureur plaidant qu’elle ne s’applique pas à l’assurance complémentaire, la cour passe à l’examen de cette question. S’il a été traditionnellement admis que la Charte ne s’appliquait pas aux régimes autres que ceux repris en son article 2, ainsi aux assurances complémentaires, la cour relève l’évolution législative intervenue, notamment en intégrant dans le champ d’application la matière de l’aide sociale ainsi que les avantages complémentaires aux prestations de sécurité sociale fournies par les fonds de sécurité d’existence. En ce qui concerne l’assurance complémentaire en assurance soins de santé, la cour signale ne pas apercevoir la justification d’une distinction, dans la mesure où il s’agit d’avantages complémentaires à la sécurité sociale octroyés grâce à l’appui de fonds qui ne proviennent pas de l’ONSS ou de la redistribution de fonds d’origine publique, la cour soulignant également que l’organisme assureur est une institution coopérante de sécurité sociale.

En outre, elle rappelle que l’assurance complémentaire est devenue obligatoire et que peut dès lors se poser la justification de son exclusion du champ d’application de la Charte.

Elle aborde, ensuite, les garanties perdues par l’assuré social dès lors que la Charte ne lui est pas applicable et décide, en conclusion, de poser à la Cour constitutionnelle une triple question, relative

  • à la situation des assurances complémentaires en soins de santé devenues obligatoires, par rapport aux avantages complémentaires assurés par les fonds de sécurité d’existence,
  • à une discrimination entre bénéficiaires d’une assurance obligatoire et bénéficiaires d’une assurance complémentaire et
  • en cas de réponse négative aux deux questions précédentes, à la discrimination, sur le plan de l’obligation d’information et de conseil, entre les bénéficiaires des différentes prestations, la violation étant ici également rattachée à l’article 14 de la C.E.D.H.

Intérêt de la décision

Cet important arrêt de la Cour du travail de Liège, section Namur, demande à la Cour constitutionnelle d’exercer son contrôle sur la matière de l’assurance complémentaire à l’assurance obligatoire en soins de santé. La cour du travail a particulièrement constaté qu’il n’existe pas dans la loi du 6 août 1990 de dispositions spécifiques en matière d’indu, de récupération ou de renonciation au remboursement de l’indu, lacune qu’il conviendrait de corriger.


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