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Abandon d’emploi convenable vu une promesse d’engagement non suivie d’effet : conséquences sur le droit au chômage

Commentaire de C. trav. Mons, 18 avril 2012, R.G. 2010/AM/361

Mis en ligne le vendredi 16 novembre 2012


Cour du travail de Mons, 18 avril 2012, R.G. n° 2010/AM/361

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 18 avril 2012, la Cour du travail de Mons rappelle le mécanisme des articles 51 et suivants de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage à propos d’un abandon d’emploi suite à une promesse d’engagement non suivie d’effet.

Les faits

Une dame L. est engagée dans le cadre d’un plan ACTIVA (secteur de l’Horeca) à temps partiel. Elle demande une allocation de garantie de revenus pour les heures d’inactivité. Elle démissionne, peu de temps après de son emploi.

Elle sollicite le bénéfice des allocations de chômage.

Au cours de l’audition fixée par l’ONEm, elle signale qu’elle a réclamé à son employeur ses documents sociaux à plusieurs reprises (C31A et C78 Activa) et qu’elle a quitté sans prester de préavis lorsqu’elle a eu une promesse d’embauche ailleurs. Ce second emploi ne s’est cependant pas concrétisé.

Elle a eu, beaucoup plus tard, un contrat de travail à durée indéterminée.

L’ONEm l’exclut du droit aux allocations de chômage pour dix semaines. Le motif est l’abandon d’emploi convenable, l’intéressée n’établissant pas que l’emploi quitté n’était pas convenable au vu des critères réglementaires. En ce qui concerne la durée de l’exclusion, elle est justifiée par l’abandon d’en emploi à temps partiel sans justification suffisante, le reproche lui étant fait de ne pas avoir fait de démarches sérieuses auprès de l’employeur afin d’obtenir les documents sociaux. La décision fait également référence à la présentation d’une attestation d’un nouvel employeur faisant état de son intention de l’engager à tiers temps, intention retirée peu de temps plus tard.

La décision n’est en conséquence assortie ni de sursis complet ou partiel ni limitée à un avertissement.

Après un échange de correspondance avec l’organisation syndicale à propos des démarches entreprises auprès de l’employeur en vue d’obtenir ces documents sociaux en temps voulu, une procédure est introduite, à l’issue de laquelle, le Tribunal du travail de Mons annule la décision administrative querellée.

Le tribunal constate qu’il ignore tout des circonstances relatives à la promesse d’engagement et que l’ONEm n’a pas transmis les documents demandés par l’auditorat. Le tribunal constate également que l’employeur est peu soucieux du respect de ses obligations administratives.

Position des parties en appel

L’ONEm interjette appel au motif qu’une simple promesse d’engagement dans un autre emploi n’est pas un motif légitime d’abandon d’emploi convenable. L’ONEm fait également valoir qu’il ne lui appartient pas de déposer les documents demandés, ceci étant une obligation de preuve incombant à l’assurée sociale. Il signale en outre que celle-ci reste en défaut de démontrer que l’emploi abandonné n’était pas un emploi convenable. Il ajoute un élément de fait, étant qu’un an plus tard, l’intéressée fut réengagée par le même employeur.

Il rappelle également la période de carence prévue par l’article 54 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, étant que le travailleur ne peut bénéficier d’allocations de chômage pendant quatre semaines entre l’abandon d’emploi et l’occupation effective et réelle du nouvel emploi, disposition ayant pour but d’éviter les changements d’emploi intempestifs, irréfléchis ou précipités. Vu cette disposition, il ne se concevrait pas que l’on puisse abandonner un emploi sur la base d’une simple promesse d’engagement non suivie d’effet.

Quant à l’intéressée, elle rappelle les nombreux courriers adressés par son organisation syndicale pour obtenir les documents sociaux nécessaires au paiement du complément de chômage ainsi que de l’indemnité Activa. Elle fait également valoir que la promesse d’emploi était ferme lorsqu’elle lui a été communiquée, ce qui figurait dans un document écrit remis lors de son audition mais dont elle n’avait conservé de copie.

Décision de la cour

La cour rappelle les articles 51 et 52bis de l’arrêté royal, ainsi que la définition de l’emploi convenable figurant dans l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991, dont les critères ne sont pas exhaustifs.

Elle analyse ensuite le caractère convenable de l’emploi occupé auprès de la société et conclut, notamment vu la circonstance que l’intéressée a été réengagée par celle-ci ultérieurement, qu’elle ne démontre pas le caractère non convenable de l’emploi.

Mais c’est sur le caractère légitime de l’abandon d’emploi que la cour se penche plus particulièrement, constatant qu’il découle de l’article 32 de l’arrêté ministériel du 26 novembre 1991 que le travailleur doit être réellement engagé dans un autre emploi s’il entend que sa démission soit sans influence sur le caractère convenable de l’emploi quitté. La cour renvoie à sa propre jurisprudence (C. trav. Mons, 20 février 1998, R.G. n° 14.238 inédit), dans laquelle elle a également examiné la situation d’une promesse verbale d’engagement qui ne s’est pas concrétisée pour des raisons indépendantes de la volonté du chômeur, considérant qu’il faut l’existence d’un engagement formel, ferme et inconditionnel à une date précise et que seul un événement de force majeure pourrait être invoqué aux fins de s’exonérer de cette obligation.

La cour relève encore, en ce qui concerne les éléments de fait, qu’il ressort du dossier administratif que l’intéressée a effectivement remis une attestation de l’employeur envisageant de l’engager à tiers temps à une date ultérieure mais retient que cette preuve ne suffit toutefois pas, puisque l’engagement effectif ne s’est pas concrétisé.

La cour considère qu’il y a lieu de s’interroger sur la pertinence du choix effectué par l’intéressée, qui a démissionné dans de telles conditions. Se référant aux articles 51 et 54 de l’arrêté royal, elle conclut que, pour qu’un engagement effectif – en l’occurrence à caractère incertain – puisse être considéré comme un motif légitime d’abandon d’emploi, il est exigé, en outre, que l’engagement se prolonge pendant quatre semaines au moins, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Il appartient dès lors à l’intéressée de démontrer un cas de force majeure, inexistant en l’espèce.

La cour réforme dès lors le jugement.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle, dans un cas d’espèce, que l’abandon d’emploi doit avoir un motif légitime et, particulièrement, à l’occasion d’une offre d’emploi, que le chômeur doit être particulièrement avisé, même s’il dispose d’une promesse ferme d’engagement. La réglementation impose, en outre, l’exécution de relations de travail pendant une durée minimum de quatre semaines dans le nouvel emploi.


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