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Renonciation à une indemnité pour non concurrence : conditions

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 21 juin 2012, R.G. 2011/AB/314

Mis en ligne le mercredi 10 octobre 2012


Cour du travail de Bruxelles, 21 juin 2012, R.G. n° 2011/AB/314

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 21 juin 2012, la cour du travail de Bruxelles, statuant sur renvoi après l’arrêt de cassation du 13 décembre 2010, rappelle que l’on ne peut renoncer à un droit que si celui-ci est né.

Les faits

Une société engage un administrateur-délégué et fait figurer dans le contrat de travail une clause de non concurrence. Deux ans plus tard, l’intéressé démissionne le 10 juillet 2006 avec effet au 30 septembre 2006. Il signale dans sa lettre n’avoir après la date effective de sa démission aucune prétention à une indemnité ultérieure quelconque en relation avec celle-ci.

Quelques semaines après la rupture, il adresse un courrier à la société, demandant l’accord de celle-ci pour travailler en tant que consultant dans une autre société. Il signale qu’à son estime il n’y aura pas de réelle concurrence avec l’employeur précédent au cours de la période de non concurrence restante. La réponse de l’employeur est négative, celui-ci considérant que la société pour compte de laquelle l’employé compte prester est un concurrent sérieux. Le conseil de l’employé réclame dès lors en application de la clause de non concurrence le paiement d’une indemnité de l’ordre de 120.000€. La société refuse d’y faire droit, au motif d’une renonciation générale qui figurait dans la lettre de démission.

Une procédure est introduite devant le Tribunal du travail de Liège, qui a fait droit à la demande. Cette décision a été réformée par Cour du travail de Liège, dans un arrêt du 21 janvier 2010.

L’arrêt de la Cour de cassation du 13 décembre 2010

L’intéressé s’est pourvu en cassation et celle-ci a cassé l’arrêt de la cour du travail de Liège, au motif que, en application des articles 65, § 2, alinéa 5, 4° et 86, § 1er de la loi du 3 juillet 1978, la validité de la clause de non concurrence est subordonnée à la condition qu’elle prévoie le paiement d’une indemnité compensatoire unique et forfaitaire sauf si l’employeur renonce dans un délai de quinze jours à partir du moment de la cessation du contrat à l’application effective de la clause. La Cour de cassation rappelle qu’il s’agit de dispositions impératives en faveur du travailleur et que le droit pour celui-ci au paiement de l’indemnité ne nait en l’absence de renonciation de l’employeur à ladite clause qu’à l’expiration du délai de quinze jours qui suit la fin du contrat. Ce n’est dès lors qu’à ce moment que le travailleur pourrait valablement renoncer à l’indemnité en cause.

La cour suprême reprend la chronologie des faits et constate que l’employé a démissionné avec effet au 30 septembre 2006 par une lettre du 10 juillet 2006, lettre par laquelle il a précise n’avoir aucune prétention à une indemnité ultérieure quelconque en relation avec sa démission et que l’employeur n’a, ensuite, pas renoncé à l’application de ladite clause. L’employé ne pouvait dès lors renoncer valablement au droit à l’indemnité en juillet 2006 alors que ce droit n’était pas encore né. La Cour suprême considère dès lors qu’il y a violation des dispositions légales citées.

L’affaire a ainsi été renvoyée devant la Cour du travail de Bruxelles.

Décision de la cour du travail

La cour reprend très longuement les conditions de la renonciation, rappelant qu’elle doit être certaine et non équivoque. Elle précise également que l’indemnité de non concurrence n’est pas en rapport avec la démission, étant la contre partie d’une interdiction faite à l’employé d’exercer une activité concurrente après la fin des relations professionnelles.

Elle conclut qu’il n’y a pas eu de renonciation à la clause dans le délai légal et que l’intéressé a été effectivement empêché d’exercer une activité concurrente.

La clause étant légale, dans la mesure où elle respecte les articles 65 et 86 de la loi, la cour du travail reprend la conclusion de l’arrêt de la Cour de cassation du 13 décembre 2010, réaffirmant que le travailleur ne peut valablement renoncer à l’indemnité pour non concurrence qu’à partir du moment où le droit est né.

La société est dès lors tenue de payer celle-ci.

Reste, pour la cour, à examiner le montant de cette indemnité, l’employé ayant porté celui-ci à 130.000€. La société ayant fait faillite, entre-temps, le curateur défend la position selon laquelle le montant de l’indemnité ne peut comprendre les avantages acquis en vertu du contrat. La cour reprend, sur cette discussion, les termes de l’article 65, § 2, 6e alinéa de la loi du 3 juillet 1978, selon lesquels le montant minimal de l’indemnité est égal à la moitié de la rémunération brute de l’ouvrier correspondant à la durée d’application effective de la clause. La base du montant ainsi obtenu est constituée par la rémunération brute payée au cours du mois qui précède le jour de la cessation du contrat. En l’espèce, la cour constate que la disposition contractuelle se réfère à une indemnité forfaitaire d’un montant égal à six mois de rémunération. Se pose dès lors la question de la base de calcul.

La cour reprend le débat en jurisprudence sur la notion de rémunération brute visée à l’article 65, § 2, alinéa 5 de la loi et elle conclut que cette notion intègre tous les éléments de la rémunération, y compris le double pécule de vacances et les avantages acquis en vertu du contrat. Elle renvoie notamment à un arrêt de la Cour de cassation du 3 novembre 1997 (Cass., 3 novembre 1997, Bull., 1997, 1117) qui a considéré que l’indemnité forfaitaire due en application d’une clause de non concurrence faisant partie du contrat de travail constitue une indemnité octroyée en raison ou à l’occasion de la cessation de travail ou de la rupture du contrat, au sens de l’article 31, alinéa 1er et alinéa 2, 3° du Code des impôts sur les revenus.

La cour suit dès lors le raisonnement de l’employé et fixe le montant global à la rémunération brute majorée des avantages.

Intérêt de la décision

Cet arrêt, rendu sur renvoi après l’arrêt de cassation du 13 juillet 2010, dont il reproduit l’enseignement, rappelle que, à l’occasion d’une clause de non concurrence contractuelle, l’employé ne peut valablement renoncer au droit issu de celle-ci avant qu’il ne soit né. La Cour de cassation a, dans son arrêt du 13 décembre 2010, relevé que la disposition est impérative en faveur de l’employé.


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