Terralaboris asbl

Convocation à se rendre au service de l’emploi : effets de la lettre adressée par voie recommandée

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 3 mai 2012, R.G. 2011/AB/11

Mis en ligne le mardi 2 octobre 2012


Cour du travail de Bruxelles, 3 mai 2012, R.G. n° 2011/AB/11

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 3 mai 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que l’envoi d’un courrier recommandé entraîne une présomption de réception par son destinataire.

Les faits

Une personne au chômage se voit notifier une décision d’ACTIRIS, en date du 10 septembre 2009. Il lui est reproché de ne pas avoir répondu à des convocations et ACTIRIS décide en conséquence que l’intéressé n’est plus inscrit comme demandeur d’emploi.

Les convocations précédentes lui ont été adressées, pour les deux premières, par pli simple et pour la dernière, par courrier recommandé non réclamé.

Une convocation lui est alors envoyée par l’ONEm en vue de vérifier sa disponibilité sur le marché de l’emploi.

Lors de cet entretien, l’intéressé conteste avoir réceptionné les courriers d’ACTIRIS, faisant valoir des problèmes postaux, suite auxquels il a déposé plainte (sans toutefois pouvoir établir la réalité de celle-ci).

Quelques jours avant l’audition, il s’est réinscrit comme demandeur d’emploi.

Il se voit alors notifier une décision d’exclusion pour treize semaines, au motif de non présentation auprès du service de l’emploi ainsi que d’une autre exclusion, au motif de non-inscription comme demandeur d’emploi.

C’est cette décision qui est l’objet du recours introduit.

Position du tribunal du travail

Par jugement du 7 décembre 2010, le tribunal du travail annule la décision administrative, considérant que la preuve est apportée par l’intéressé de ce qu’il n’a pas reçu la convocation d’ACTIRIS.

Appel est interjeté par l’ONEm.

Position de parties en appel

Pour l’ONEm, les dispositions applicables au litige sont les articles 51, 52bis, § 1er, 2° et 58 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 et, en exécution de ceux-ci, il constate que l’intéressé a été convoqué (deux convocations par pli simple et une par pli recommandé), qu’aucune suite n’a été donnée à celles-ci et que l’Office a été informé par ACTIRIS de la radiation comme demandeur d’emploi. Sur la question de la réception de l’envoi recommandé, il considère qu’il y présomption de présentation du pli à son destinataire et qu’il appartient à celui-ci d’apporter la preuve du contraire.

L’intimé considère pour sa part qu’il y carence de la Poste, au motif qu’il n’aurait reçu ni les plis simples ni l’avis de présentation du recommandé. Il signale que la Poste a présenté des excuses.

Position de la cour du travail

La cour statue sur le double volet de la décision administrative comme suit.

Reprenant l’article 58, § 1er de l’arrêté royal, elle rappelle que le chômeur doit être inscrit comme demandeur d’emploi et doit le rester. S’il est radié de la liste, il perd le bénéfice des allocations de chômage à dater de la radiation.

Dès lors qu’ACTIRIS l’a radié d’office de la liste des demandeurs d’emploi, il ne pouvait dès lors plus percevoir les allocations. En vertu de la même disposition, en son alinéa 4, l’exclusion ne prend cours qu’à une date ultérieure, dans la mesure où elle a été notifiée en-dehors du délai d’un mois et dix jours prenant cours le jour où l’ONEm a été informé de la radiation.

La cour relève cependant qu’entre-temps l’intéressé s’était réinscrit comme demandeur d’emploi et que la demande de l’ONEm est dès lors fondée, en ce qu’elle l’exclut à partir d’une date ultérieure au motif de la radiation intervenue précédemment.

Sur la deuxième question, étant la non réponse aux convocations, la cour rappelle l’article 51 de l’arrêté royal, selon lequel en ne se présentant pas au service de l’emploi après convocation, le chômeur est considéré comme étant au chômage par suite de circonstances dépendant de sa volonté et qu’il encourt une sanction de quatre à cinquante-deux semaines (article 52bis, § 1er, 3°).

La cour poursuit en rappelant que l’envoi recommandé présente certaines garanties que n’a pas le pli simple, et ce tant en ce qui concerne le cheminement du pli que sa présentation au domicile. La preuve de l’envoi recommandé à l’adresse du destinataire a pour effet que le pli est supposé lui avoir été remis ou, en cas d’absence, qu’un avis écrit a été déposé dans sa boite aux lettres, l’invitant à retirer le pli recommandé au guichet du bureau de poste.

La cour précise qu’il appartient au destinataire d’apporter la preuve que le pli n’a pas été présenté ou qu’aucun avis n’a été déposé, tout en précisant qu’il s’agit certes d’une preuve négative et dès lors malaisée à rapporter.

En conséquence, la cour constate que le juge doit avoir égard à toutes les circonstances propres à l’espèce. Elle examine le courrier de la Poste et constate qu’il s’agit d’un courrier du service clientèle, étant une lettre courtoise par laquelle la Poste annonce qu’elle va vérifier la plainte déposée par l’intéressé et la cour relève que ce n’est qu’après la décision de sanction que cette plainte a été déposée. Elle ne peut permettre de fonder les explications de l’intéressé en ce qui concerne les trois courriers précédents, émanant d’ACTIRIS. La présomption n’est dès lors pas renversée.

Reste, pour la cour, à examiner si la sanction de treize semaines d’exclusion est justifiée et la cour décide de la ramener à quatre semaines, aux motifs que la durée de l’indemnisation du chômeur ne justifie pas nécessairement un allongement de la sanction, et ce dans la mesure où ce n’est que de manière occasionnelle qu’il est amené à devoir répondre à une convocation et la cour renvoie ici à sa propre jurisprudence (C. trav. Bruxelles, 14 avril 2010, R.G. n° 51.757). Les éléments à prendre en compte pour déterminer la hauteur de la sanction sont les éléments propres à l’espèce et la cour retient que si la bonne foi n’est pas établie, la mauvaise foi ne l’est pas davantage.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles, rendu dans un cas d’espèce, rappelle la présomption liée à l’envoi d’un courrier recommandé et l’obligation pour le destinataire d’établir à suffisance de droit la non réception de ce pli.

L’arrêt annule, en outre, la décision administrative dans la mesure où elle fait suite à une décision d’ACTIRIS notifiée au chômeur et lui signalant qu’il n’était plus inscrit comme demandeur d’emploi, au motif qu’il y a eu réinscription entre-temps. La décision de l’ONEm sur cette question n’a dès lors plus de fondement.


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