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Précisions quant à l’évaluation de l’incapacité permanente de travail

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 26 juin 2006, R.G. 45.652

Mis en ligne le jeudi 21 février 2008


Cour du travail de Bruxelles, 26 juin 2006, R.G. n° 45.652

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Précisions quant à l’évaluation de l’incapacité permanente de travail

Dans un arrêt du 26 juin 2006, la cour du travail de Bruxelles, amenée à statuer sur le taux d’incapacité permanente de travail proposé par l’expert judiciaire désigné, ordonne un complément d’expertise, aux fins qu’une étude ergologique puisse être effectuée, s’agissant d’une mesure d’instruction adéquate pour déterminer la proportion sur le marché général du travail que représentent les métiers exclus en raison des séquelles de l’accident du travail.

Les faits

Monsieur P. est victime d’un accident du travail alors qu’il conduisait un poids lourd.

L’expertise judiciaire ordonnée par le tribunal du travail conduit à retenir, comme conséquence de l’accident, l’expulsion d’une hernie discale au niveau L3-L4 ainsi qu’une récidive de cette hernie.

Sur la base des données médicales, l’expert avait estimé que les séquelles de l’accident empêchaient Monsieur P. d’effectuer un travail lourd comme ouvrier dans le bâtiment ainsi que les travaux sollicitant de la manutention importante.

L’expert judiciaire avait fixé la réduction de la capacité de travail à 6%.

Position des parties

Le travailleur contesta, tant devant le tribunal que devant la cour, le taux d’incapacité permanente, estimant que celle-ci avait été sous-évaluée par l’expert. Il demandait un complément d’expertise, avec le recours à un sapiteur ergologue.

L’entreprise d’assurances sollicita quant à elle l’entérinement de la proposition de l’expert judiciaire quant au taux d’incapacité permanente de travail.

Le jugement

Le tribunal du travail fixa les conséquences de l’accident selon les propositions émises par son expert judiciaire. L’incapacité permanente fut donc fixée à 6%.

La décision de la Cour

Quoique les mérites sur le plan médical du rapport d’expertise ne soient contestés par aucune des parties, ni par la cour, celle-ci estime ne pas disposer des apaisements suffisants en ce qui concerne l’évaluation du taux d’incapacité permanente de travail. Si la cour relève que le caractère limité des plaintes ainsi que l’âge (38 ans) du travailleur sont des éléments favorables, elle estime que les métiers qui sont contre-indiqués en raison des séquelles de l’accident sont susceptibles de représenter une part importante de son marché général du travail.

En conséquence, la cour ordonne un complément d’expertise auprès de l’expert précédemment désigné, qui est invité à recueillir l’avis d’un ergologue et, ensuite, à réexaminer le taux d’incapacité permanente de travail.

La cour souligne en effet qu’il est nécessaire de recueillir un avis circonstancié sur la proportion du marché général du travail que représente pour le travailleur, compte tenu des éléments propres à la cause (formation, expérience, faculté d’adaptation et de formation) les travaux lourds dans le bâtiment et le travail de chauffeur avec manutention importante. Dans la mesure où ces éléments relèvent du domaine de l’ergologie, la cour invite l’expert à recueillir l’avis d’un ergologue, désigné par le dispositif de l’arrêt.

Intérêt de la décision

L’enseignement essentiel à retirer de l’arrêt annoté réside dans l’application concrète du rôle actif du juge en matière d’évaluation de l’incapacité permanente de travail. Ce n’est ainsi pas parce que l’expert propose un taux d’incapacité permanente qu’il n’appartient pas aux juridictions du travail de vérifier si l’évaluation correspond effectivement aux données de l’espèce, et notamment si les métiers dorénavant exclus ou rendus plus difficiles en raison des séquelles de l’accident sont adéquatement représentés par le pourcentage proposé de perte de capacité de travail.

Il faut en effet avoir à l’esprit que la réparation légale porte – non pas sur l’incapacité ou l’invalidité physiologique (ce qui limiterait l’évaluation à des critères d’ordre purement médical) - mais sur les répercussions de celle-ci sur les possibilités pour la victime d’encore gagner sa vie, par rapport à un travailleur (qui présente les mêmes caractéristiques au point de vue des critères légaux : âge, formation, …) qui n’a pas subi d’accident.


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