Terralaboris asbl

Honoraires de l’expert judiciaire : nouvelle expertise ou complément d’expertise

Commentaire de C. trav. Mons, 15 février 2012, R.G. 2010/AM/440

Mis en ligne le mardi 26 juin 2012


Cour du travail de Mons, 15 février 2012, R.G. n° 2010/AM/440

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 15 février 2012, la Cour du travail de Mons reprend quelques règles en matière de taxation d’honoraires d’expert, dans le cadre de l’assurance maladie-invalidité.

Rétroactes

Un expert, désigné dans le cadre de l’assurance maladie-invalidité, conteste le jugement rendu par le Tribunal du travail de Charleroi, qui a fixé son état de frais et honoraires. Dans ce jugement, le tribunal considère que l’expert, qui avait été précédemment désigné, avait ultérieurement reçu un complément d’expertise, de telle sorte que le montant des frais et honoraires admissible dans le cadre de celui-ci devait se limiter aux honoraires des sapiteurs et aux frais administratifs.

Position de parties en appel

L’expert interjette appel du jugement considérant qu’il devait se voir accorder les frais et honoraires conformes au barème établi par l’arrêté royal du 14 novembre 2003, s’élevant en l’espèce à un total de l’ordre de 650€. Il considère avoir été chargé, par ce 2e jugement du tribunal, d’une nouvelle mission, puisqu’il lui avait été demandé d’examiner la demanderesse. Ceci avait impliqué de procéder à l’examen clinique (examen somatique, neurolocomoteur et mental).

Quant à l’UNMS et l’INAMI, ils sollicitent que seul soit mis à leur charge le coût des examens de sapiteurs ainsi que des frais administratifs.

Décision de la cour du travail

La cour examine les jugements du tribunal. Un premier jugement confiait à l’expert la mission d’examiner l’intéressée et de rechercher tous éléments susceptibles de déterminer si les troubles ou lésions fonctionnelles qu’elle présentait entraînaient à partir d’une date déterminée et postérieurement une réduction de sa capacité de gain. Suite à l’accomplissement de sa mission, l’expert déposa son rapport au greffe et présenta un état de frais et honoraires de 450€. Ultérieurement, dans le cadre de débats suite au dépôt du rapport d’expertise, le tribunal a rendu un second jugement, dans lequel il constatait que se posait la question de la cessation de toute activité à une date déterminée (antérieure à celle figurant dans le premier jugement), cessation en conséquence directe de l’aggravation de lésions ou de troubles fonctionnels. En conséquence, il confia dans ce jugement à l’expert précédemment désigné un « complément d’expertise » sur la question de l’aggravation de l’état de l’intéressée en se positionnant à la date de la cessation de l’activité. Il prévoyait, dans son dispositif, que l’expert devait examiner la partie demanderesse et rechercher tous éléments permettant de répondre à la question ci-dessus. L’expert déposa alors son rapport après avoir procédé à un examen clinique complet de l’intéressée et après avoir fait faire un bilan psychopathologique par un sapiteur.

A partir de ces éléments, la cour du travail constate que manifestement le premier juge a méconnu la distinction à opérer entre une nouvelle expertise et un complément d’expertise.

La cour rappelle que la mesure d’expertise a pour objet de demander à l’expert de procéder à des constatations ou de donner un avis d’ordre technique sur un objet ou sur un point particulier défini par le tribunal. Par contre, un complément d’expertise porte sur un point ou sur l’objet de la mission d’expertise qui a été confiée à l’expert afin d’appréhender adéquatement une question particulière, en levant tout doute ou tout malentendu. La cour rappelle la jurisprudence de la Cour du travail de Liège (C. trav. Liège, 15 mars 2005, J.L.M.B., 2006, p. 221), selon laquelle il ne peut être question de complément d’expertise lorsque les constatations ou les avis techniques demandés portent sur un autre point ou encore sur un autre objet, et ce même si ceci va viser la même personne ou la même situation. En outre, la doctrine (CHh.-E. CLESSE, « L’expertise en droit social », Kluwer, 2010, p. 237) précise qu’une demande nouvelle ne vise pas à obtenir des éclaircissements ou des renseignements complémentaires sur un point ou sur une question ayant fait l’objet d’une expertise mais qu’elle concerne un autre objet ou une autre question, qui va obliger l’expert à procéder à un nouvel examen complet.

La cour constate que tel est bien le cas en l’espèce, et ce eu égard à la question de date contenue dans le premier jugement, qui prévoyait une mission classique en assurance invalidité. Par contre, dans son deuxième jugement avant dire droit, la mission est improprement qualifiée de « complément d’expertise », puisque l’objet est totalement distinct de celui repris dans le premier jugement. En l’occurrence, l’intéressée avait cessé son activité salariée précédemment et il convenait de déterminer si cette cessation constituait ou non la conséquence directe du début ou de l’aggravation de troubles fonctionnels ou si par contre elle pouvait être la conséquence directe d’un état pathologique antérieur à son entrée sur le marché du travail.

Après avoir encore constaté que l’expert s’est correctement acquitté de sa mission, la cour fait droit à l’appel et alloue le montant sollicité au titre de frais et honoraires pour les travaux correspondant à la mission confiée par le second jugement.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle très utilement les distinctions à retenir en cas de nouvelle expertise confiée au même expert et, particulièrement, les conditions du complément d’expertise, qui doit permettre d’éclairer sur un point ou sur l’objet de l’expertise initiale.


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