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Chômage : nature de la décision d’appréciation des efforts fournis préalablement à un premier contrat d’activation

Commentaire de C. trav. Mons, 1er février 2012, R.G. 2010/AM/370

Mis en ligne le mardi 26 juin 2012


Cour du travail de Mons, 1er février 2012, R.G. n° 2010/AM/370

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 1er février 2012, la Cour du travail de Mons rappelle que la signature d’un contrat d’activation implique que les efforts suffisants en vue de l’insertion sur le marché de l’emploi n’ont pas été fournis et que l’appréciation (préalable) de ces efforts est une décision administrative pouvant donner lieu à un recours judiciaire.

Les faits

Une dame H., au chômage et vivant avec deux jeunes enfants, est entendue lors d’un premier entretien (article 59quater, § 3, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991) en date du 4 juillet 2006 et les efforts fournis sont à ce moment jugés suffisants. Elle est convoquée ultérieurement (en application de l’article 59quater, § 4) en 2009, afin que soient examinés les efforts fournis au cours des douze mois précédant l’entretien. À l’issue de cet entretien, ceux-ci sont jugés insuffisants. L’évaluation de l’entretien est ainsi négative. Elle est informée du fait qu’elle est tenue de respecter le contrat signé lors de celui-ci aux fins d’éviter une sanction d’exclusion en application de l’article 59quater, § 5, étant d’une durée de quatre mois.

Un recours est introduit par l’intéressée devant le Tribunal du travail de Charleroi.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 10 septembre 2010, le jugement considère que le recours est irrecevable, et ce au motif de défaut d’intérêt né et actuel. Pour le tribunal, le courrier adressé à l’issue de l’entretien, informant l’intéressée du caractère négatif de son évaluation, ne constitue pas un acte juridique unilatéral au sens de l’article 2, 8° de la Charte de l’assuré social, dans la mesure où il ne produit aucun effet juridique à l’égard du chômeur. Il ne s’agit pas davantage d’une décision portant sur une condition d’octroi des allocations et le tribunal rappelle la procédure d’activation, considérant que la lettre en cause constitue le point de départ d’une procédure interne et administrative sur laquelle il ne peut exercer de contrôle.

Position de parties en appel

L’intéressée interjette appel de la décision, considérant que celle-ci est susceptible de modifier la situation juridique du demandeur d’emploi, puisqu’elle a pour conséquence que le maintien des allocations de chômage est subordonné à la signature du contrat d’activation et au respect des engagements qui y sont contenus. Elle fait également valoir des arguments sur le fond, étant que, si elle n’a pas apporté de preuves de recherche d’emploi pour une période de quatre mois, elle a suivi différentes formations pendant celle-ci et même au-delà, formations pouvant l’amener dans un avenir proche à exercer une profession indépendante.

Quant à l’ONEm, il conteste essentiellement les arguments exposés par l’intéressée sur le fond. Il ne fait valoir aucun argument en ce qui concerne la recevabilité du recours originaire.

Décision de la cour du travail

La cour procède essentiellement à une analyse juridique de la nature de l’appréciation (positive ou négative) des efforts fournis par le demandeur d’emploi, au moment où le facilitateur peut envisager la conclusion d’un premier contrat d’activation. Il s’agit, pour la cour, d’un acte administratif, dès lors qu’il émane d’une personne à qui la loi a attribué des compétences spécifiques et qui est susceptible de produire par lui-même et unilatéralement des effets de droit et est exécutoire. En effet, en cas d’appréciation négative, le chômeur est tenu de signer un contrat d’activation s’il entend conserver le bénéfice des allocations de chômage : il implique dès lors une modification de sa situation juridique. Cet acte ne peut avoir le caractère de simple acte préparatoire.

E ce qui concerne l’intérêt à agir, la cour rappelle qu’il s’apprécie au moment où la demande est formée, quand bien même la reconnaissance du droit ne devrait être établie qu’au moment où la décision de justice interviendra et, en l’espèce, dès lors qu’il s’agit de contester la décision d’appréciation négative, un tel intérêt, légitime, concret et personnel existe.

La cour rappelle que, dans un arrêt du 9 juin 2008 (Cass., 9 juin 2008, Pas., 2008, n° 357), la Cour de cassation a interdit au juge de remettre en cause le fait que le chômeur aurait ou non fourni des efforts suffisants pour s’insérer sur le marché du travail. De la seule signature du contrat, il se déduit en effet que de tels efforts n’ont pas été effectués. Il n’y a plus en conséquence de possibilité de critiquer la mesure préalable à l’activation d’un contrat.

La Cour de cassation ayant retenu l’approche contractuelle de l’octroi d’allocations de chômage dans le cadre d’un contrat d’activation, la cour précise qu’il est possible d’imaginer que ce contrat soit assorti d’une condition résolutoire. L’introduction d’un recours ne dispense dès lors pas de la signature du premier contrat d’activation qui sortirait ses pleins et entiers effets sous la condition résolutoire de la décision à intervenir. Si celle-ci confirme que le facilitateur a fait une appréciation erronée des efforts, le contrat d’activation et les actes qui en sont la conséquence directe seraient caducs.

La cour rappelle également que l’on se trouve ici dans une matière où le chômeur (dans le cadre d’un contrat d’activation ou non) doit nécessairement accomplir et justifier d’efforts pour s’insérer sur le marché de l’emploi.

Elle va dès lors examiner les éléments de fond et conclut, sur la base des attestations produites, que celles-ci ne sont pas convaincantes, étant des attestations stéréotypées, ne permettant pas de retenir une réelle motivation et venant des quelques petits commerces sans aucun rapport avec le projet professionnel décrit au début de l’entretien avec le facilitateur. La cour confirme en conclusion l’appréciation de celui-ci.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Mons admet, contrairement au jugement du Tribunal du travail de Charleroi, qu’un recours peut être introduit contre l’appréciation contenue dans la lettre visée à l’article 59quater de l’arrêté royal du 25 novembre 1991. Il s’agit d’un acte administratif susceptible de modifier la situation du chômeur.


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