Terralaboris asbl

Travail effectué pendant une période de chômage temporaire : sanctions prévues par la réglementation

Commentaire de C. trav. Mons, 10 novembre 2011, R.G. 2010/AM/223

Mis en ligne le mardi 26 juin 2012


Cour du travail de Mons, 10 novembre 2011, R.G. n° 2010/AM/223

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 10 novembre 2011, la Cour du travail de Mons rappelle le contour des obligations contenues à l’article 71 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, celui-ci contenant des sanctions distinctes en fonction des obligations non-respectées.

Les faits

Une société de construction notifie à l’ONEm une période de chômage économique de deux mois. Pendant celle-ci, un manœuvre reprend sur sa carte de chômage quatre journées de travail. Suite à un contrôle de l’ONEm il s’avère cependant que du travail a été effectué pendant des périodes de chômage économique. Ceci est confirmé par l’enquête de police, l’intéressé précisant ne pas avoir noirci sa carte de contrôle et ayant par ailleurs signé la demande d’allocations complétée par l’employeur. Il conteste avoir effectué les prestations telles que reprises sur le planning et maintient qu’il n’a pas personnellement et intentionnellement commis une fraude, imputant l’état de choses au chef d’équipe ou au responsable du chantier.

Une décision est prise, prévoyant l’exclusion et la récupération pour une période d’un mois. Trois exclusions sont décidées, vu l’omission de déclaration requise (trois semaines), l’absence de mention d’une activité sur la carte de contrôle (trois semaines) et l’usage de documents inexacts aux fins de se faire octroyer de mauvaise foi des allocations (six semaines). Ces sanctions sont prises respectivement sur pied des articles 153, 154 et 155 de l’arrêté royal.

Suite à un recours introduit par l’intéressé, le tribunal du travail de Mons rend un jugement le 28 avril 2010, confirmant la décision de l’ONEm.

Décision de la cour du travail

La cour est essentiellement saisie des sanctions contenues à l’article 71 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991. En effet, la cour part de la constatation qu’un travail a été effectué (le Tribunal correctionnel de Charleroi ayant par ailleurs reconnu l’intéressé coupable d’infractions sur pied de l’article 71, alinéa 1er, 3° et 71, alinéa 1er, 4° de l’arrêté royal).

La cour rappelle qu’en vertu de l’alinéa 1er, 1°, le chômeur doit, pour pouvoir bénéficier des allocations de chômage, être en possession d’une carte de contrôle, et ce du premier au dernier jour du mois. Cette carte doit être conservée par devers lui. En vertu du 5e du même alinéa il doit la présenter immédiatement à chaque réquisition d’une personne autorisée. Le 3° lui impose de compléter à l’encre indélébile la carte de contrôle conformément aux directives données par l’ONEm et le 4° prévoit qu’avant le début d’une activité au sens de l’article 45 (étant l’activité effectuée pour un tiers) il est tenu d’en faire mention sur sa carte de contrôle (également à l’encre indélébile).

La cour combine, ensuite, les diverses dispositions ci-dessus étant que, en vertu du 1° et du 5°, le chômeur doit être en possession de la carte de contrôle chaque jour du mois et que s’il ne peut présenter celle-ci pendant un tel jour il ne peut bénéficier d’allocations de chômage au cours du mois. C’est l’enseignement de la Cour de cassation (la cour citant notamment Cass., 11 mars 2002, J.T.T., 2002, 441). La cour précise cependant que cette jurisprudence ne peut être étendue aux autres obligations prévues par l’article 71, c’est-à-dire que l’on ne peut considérer que le chômeur qui a exercé une activité frauduleusement, c’est-à-dire sans biffer sa carte de contrôle (alors qu’il avait celle-ci sur lui) devrait être privé des allocations pour l’ensemble du mois, qui est la sanction du non-respect des deux obligations précédemment rappelées (1° et 5°).

La cour du travail renvoie également à un autre arrêt de a Cour de cassation (Cass., 23 décembre 2002, J.T.T., 2003, p.186), qui a rappelé que les diverses obligations contenues à l’article 71 sont distinctes. La Cour y était saisie d’une question de discrimination pouvant résulter d’une différence de traitement entre les chômeurs qui auraient contrevenu à certaines obligations ou à d’autres. La Cour suprême y a jugé que, vu la distinction opérée par le Roi entre les sanctions attachées au non-respect des diverses obligations reprises à l’article 71, alinéa 1er, les chômeurs qui y contreviennent ne sauraient constituer une catégorie de personnes se trouvant dans la même situation et pouvant prétendre au même traitement.

La cour du travail reprend encore le fondement des obligations prévues par la disposition, celles visées au 1° et 5° visant à permettre un contrôle efficace et permanent de l’état de chômage et celle du 4° qui poursuit un objectif plus particulier, étant d’éviter le cumul d’allocations et le bénéfice produit par une activité au sens de l’article 45. Il est en conséquence logique selon la cour de limiter l’exclusion du droit aux allocations pour les journées pendant lesquelles une activité a été exercée, et ce qu’elle ait été préalablement ou non mentionnée sur la carte de contrôle, situation dans laquelle l’article 154 trouvera à s’appliquer. Elle renvoie ici à la jurisprudence de la Cour du travail de Liège (C. trav. Liège, 15 janvier 2003, RG 30348/01).

En l’espèce, dans la mesure où il est établi que l’intéressé aurait travaillé un jour mais qu’aucune preuve n’est apportée de prestations pour un autre jour de chômage temporaire, la cour réforme dès lors le jugement du tribunal et limite l’exclusion et la récupération à ladite journée.

En ce qui concerne les sanctions des articles 153 à 155 la cour analyse les faits comme suit : l’absence de mention sur la carte de contrôle avant le début de l’activité emporte l’application de l’article 154. Par contre, l’intéressé ne devait pas faire de déclaration particulière. L’infraction a été commise par le fait de la remise du document C3.2 (dont le chômeur connaît l’inexactitude) mais il n’y a pas lieu de considérer qu’il y a, en sus, déclaration inexacte. S’il fallait, pour le même fait (production de documents sciemment inexacts en vue de percevoir indûment les allocations de chômage) appliquer à la fois l’article 153 et l’article 155, il serait puni deux fois.

Examinant enfin si les faits matériels sont reliés entre eux par une seule intention délictueuse (délit collectif ou continué), la cour retient qu’il y a deux comportements infractionnels distincts unis par une seule et même intention et que, en application de l’article 65 du Code pénal applicable aux sanctions administratives lorsqu’elles visent des faits matériels multiples unis par une même intention délictueuse, il faut appliquer la sanction la plus forte. Il s’agit des six semaines d’exclusion.

La cour va, dès lors, réformer le jugement sauf en ce qu’il a prononcé l’exclusion et la récupération des allocations de chômage perçues pendant la journée où l’activité a été constatée et en ce qui concerne la sanction de six semaines.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Mons dégage, de manière synthétique, les règles combinées contenues à l’article 71, alinéa 1er de l’arrêté royal et reprend, avec références à la jurisprudence de la Cour de cassation, les sanctions afférentes à chacune des obligations y visées.


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