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Requête d’appel en matière de chômage introduit par l’ONEm lui-même : conditions de recevabilité

Commentaire de C. trav. Mons, 7 décembre 2011, R.G. 2006/AM/20.208

Mis en ligne le mardi 26 juin 2012


Cour du travail de Mons, 7 décembre 2011, R.G. n° 2006/AM/20.208

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 7 décembre 2011, la Cour du travail de Mons rappelle les conditions dans lesquelles l’administrateur général de l’ONEm peut conférer une délégation de pouvoir de représentation aux fins d’agir en justice devant les juridictions du travail.

L’objet du litige

Le litige soumis à la Cour du travail de Mons, sur appel de l’ONEm d’un jugement rendu par le Tribunal du travail de Charleroi (section de Haine-Saint-Pierre), a fait l’objet d’un premier arrêt en date du 15 décembre 2010, la cour demandant à l’ONEm de verser aux débats l’acte de délégation de pouvoirs au profit d’une dame P., signataire de la requête d’appel. Cet acte doit, en effet, intervenir en exécution de l’article 10, alinéa 8 de la loi du 25 avril 1963, qui dispose que la personne autorisée par le Comité de gestion à assumer la gestion journalière peut, avec l’accord du Comité de gestion, déléguer à un ou à plusieurs membres du personnel son pouvoir de représenter l’Office devant les juridictions administratives dans les litiges relatifs aux droits résultant d’une réglementation de sécurité sociale.

L’acte d’appel a, en l’espèce, été signé par un secrétaire d’administration intervenant sur délégation de l’administration générale, qui n’est pas l’organe représentant la personne morale, seule habilitée à agir en justice.

Dans son arrêt du 7 décembre 2011, la cour du travail rappelle que les règles relatives à la recevabilité de l’appel sont d’ordre public, ce qui justifie un examen approfondi de la validité de la délégation, eu égard à la question de la recevabilité de l’appel.

Un document est produit, aux termes duquel l’administrateur général décide de conférer pouvoir à diverses personnes en vertu de l’article 10, alinéa 6 de la loi du 25 avril 1963, pour prendre toutes mesures (à l’exclusion du pourvoi en cassation) relatives aux actions judiciaires ayant pour objet des allocations de chômage ou compensatoires dans lesquelles l’Office est partie. Il s’agit notamment des contacts avec les avocats en vue d’introduire un appel.

Pour l’ONEm, ce document permettait au secrétaire d’administration (dont le nom était repris parmi les destinataires du pouvoir conféré) de signer la requête d’appel.

La cour du travail va cependant considérer que tel n’est pas le cas.

La personne morale qui agit en justice doit le faire à l’intervention de ses organes compétents. Les organes en cause ne sont cependant pas précisés dans le Code judiciaire, celui-ci habilitant le législateur à les déterminer. En matière de chômage, l’article 3 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 a confié la gestion journalière de l’Office à un administrateur général assisté d’un administrateur général adjoint. Exerçant la gestion journalière, l’administrateur général peut ainsi déléguer une partie de ses pouvoirs.

La cour fait toutefois la distinction entre l’alinéa 6 (qui vise les actes de gestion journalière destinés à faciliter l’expédition des affaires), l’alinéa 7 (qui concerne la représentation de l’organisme dans les actes judiciaires et extrajudiciaires) et l’alinéa 8 (qui vise la décision d’agir en justice). La cour rappelle que la décision d’agir en justice ne constitue pas un acte de gestion journalière courante. La délégation doit ici intervenir moyennant accord du Comité de gestion et la cour du travail rappelle que le texte vise les juridictions administratives uniquement.

Sur cette question, la Cour constitutionnelle est intervenue dans un arrêt du 18 février 2010 (arrêt n° 12/2010), où elle a examiné l’hypothèse du pouvoir d’agir en justice au nom de l’ONEm pour prendre la décision d’interjeter appel. La Cour du travail de Mons relève qu’il s’agit d’un cas de figure identique à celui qui lui est soumis. Dans cet arrêt, la Cour constitutionnelle a relevé que l’article 10, alinéa 8 peut s’interpréter de deux manières : s’il ne permet pas de déléguer le pouvoir d’agir devant les juridictions du travail, il y a différence de traitement incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution mais s’il signifie que pour tous les litiges portant sur des droits en matière de chômage une délégation de pouvoir de représentation est possible pour les litiges introduits devant les juridictions du travail, il n’y a pas violation des articles 10 et 11. La Cour constitutionnelle se fonde ici sur la circonstance que c’est en vertu du Code judiciaire (article 580, 2°) que compétence a été donnée aux tribunaux du travail pour connaître des contestations en la matière.

Pour la cour du travail, il résulte de l’enseignement de cet arrêt de la Cour constitutionnelle qu’il n’y a pas lieu de limiter aux seules juridictions administratives la possibilité offerte par l’article 10, alinéa 8 et que les juridictions du travail peuvent être visées. Cependant l’accord du Comité de gestion de l’ONEm est requis et, revenant au document produit, la cour retient que, celui-ci étant pris en exécution de l’article 10, alinéa 6, il est étranger aux actions judiciaires, ne visant que les actes de gestion journalière.

Le secrétaire d’administration qui a introduit l’appel ne pouvait dès lors agir en justice au nom et pour compte de l’administrateur général de l’ONEm.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Mons rappelle l’interprétation donnée par la Cour constitutionnelle à l’article 10, alinéa 8 de la loi du 25 avril 1963 sur la gestion des organismes d’intérêt public et de prévoyance sociale, qui conditionne la recevabilité d’un acte d’appel introduit par une institution de sécurité sociale, sans avoir recours à un avocat.


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