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Accident du travail et décision de guérison sans séquelles : validité de la notification de la décision

Commentaire de C. trav. Mons, 28 février 2012, R.G. 2011/AM/89

Mis en ligne le mercredi 13 juin 2012


Cour du travail de Mons, 28 février 2012, R.G. n° 2011/AM/89

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 28 février 2012, la Cour du travail de Mons rappelle que, en cas de décision de guérison sans séquelles, l’arrêté royal du 9 octobre 2003, qui porte exécution de l’article 24 de la loi du 10 avril 1971, n’exige pas le recours à l’envoi recommandé, le juge devant, en conséquence, trancher la question de la preuve de l’envoi, et ce par le recours aux présomptions, au besoin.

Les faits

Un travailleur est victime d’un accident du travail le 7 février 2005.

Il connaît deux périodes d’incapacité de travail, la première suivant immédiatement l’accident et étant d’une durée de quatre mois, la seconde intervenant l’année suivante et étant justifiée par l’enlèvement d’un matériel d’ostéosynthèse.

Il introduit une procédure devant le tribunal du travail en 2009.

Décision du tribunal du travail

Le tribunal du travail considère que l’action est tardive.

Il suit l’assureur loi, qui déclare avoir notifié une décision de guérison sans séquelles le 16 août 2005, cette notification étant intervenue envers l’intéressé, son employeur ainsi que son organisme assureur. La décision elle-même serait datée du 7 juin.

Position des parties devant la cour du travail

La cour est saisie de l’appel de la victime, qui fait grief au premier juge d’avoir admis l’existence de la notification de la décision de guérison sans séquelles. Il fait également valoir que l’article 72 de la loi du 10 avril 1971 prévoit la possibilité d’introduire deux demandes, dans l’hypothèse d’une décision de guérison sans séquelles, étant une demande de revision et une action en contestation. La première est fondée sur une modification de la perte de capacité de la victime (ou son décès dû aux conséquences de l’accident), tandis que la seconde consiste dans la contestation de la décision elle-même.

L’intéressé considère que l’action qu’il a introduite est une action en contestation de la décision de guérison, action qui porte également sur le paiement des indemnités.

L’assureur fait valoir que l’action visée à l’article 72, alinéa 2 (action en contestation) doit être introduite dans un délai préfix de trois ans, celui-ci débutant à la notification de la décision de guérison dans séquelles. S’agissant d’un délai préfix, celui-ci n’est pas susceptible de suspension ou d’interruption.

Décision de la cour du travail

La cour rappelle les principes, étant que, en cas de contestation de la décision de la guérison sans séquelles, le délai de trois ans a fait l’objet d’un arrêt de la Cour constitutionnelle (C. const. 18 juin 2009, Bull. Ass., 2010, 52), qui a mis fin au débat relatif à sa nature. Il s’agit d’un délai de prescription, contrairement au délai prévu à l’article 72, aliéna 1er (revision), qui est un délai préfix.

Dès lors que l’on ne se trouve pas dans l’hypothèse d’une demande de revision, l’action est ici soumise à un délai de prescription.

La cour relève que cette mise au point ne permet pas de solutionner le litige, dès lors que, en l’espèce, c’est la prise de cours du délai qui est en cause et, s’agissant d’une décision de guérison sans séquelles, se pose la question de la notification de celle-ci.

La cour renvoie à l’article 24, alinéa 1er de la loi du 10 avril 1971, qui règle la question : lorsque l’assureur estime qu’il y a guérison sans incapacité permanente (l’incapacité temporaire ayant cependant duré plus de sept jours), l’entreprise d’assurances notifie sa décision selon les modalités définies par arrêté royal. Dès lors qu’il y a incapacité de plus de trente jours la décision de l’entreprise d’assurances doit être justifiée soit par un certificat médical émanant du médecin consulté par la victime ou du médecin-conseil de l’assureur.

L’article 24 a été exécuté par l’arrêté royal du 9 octobre 2003, qui prévoit, en cas d’incapacité de plus de sept jours, que la notification se fait par lettre distincte et que la date figurant sur la lettre vaut date de prise de cours du délai visé à l’article 72. Dans l’hypothèse d’une incapacité de travail supérieure à trente jours, un certificat médical de guérison est rédigé (selon modèle). Dans les deux cas, les notifications doivent être envoyées à la résidence principale de la victime, étant celle retenue dans le cadre du Registre des personnes physiques.

La cour relève que l’arrêté royal n’exige donc pas la formalité du recommandé.

Examinant les éléments de l’espèce, la cour constate que l’assureur produit une lettre du 16 août 2005 accompagnée du certificat de guérison établi par son médecin-conseil, ainsi que les autres lettres du même jour envoyées à l’employeur et à l’organisme assureur.

Se pose dès lors la question de savoir si l’assureur apporte la preuve de la notification. La cour retient qu’elle peut recourir aux présomptions de l’article 1349 du Code civil. Elle constate que, peu après la date litigieuse, l’intéressé a consulté son médecin et que ce dernier a fait un rapport circonstancié. Pour la cour ce rapport s’inscrit manifestement dans le cadre d’une contestation d’une décision que l’intéressé venait de recevoir.

La cour en conclut que, de l’ensemble de ces éléments, la preuve par présomption est ainsi rapportée.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Mons rappelle le mécanisme de l’article 72 de la loi du 10 avril 1971 combiné au dispositif de l’article 24.

L’arrêt de la Cour constitutionnelle du 18 juin 2009, dont référence dans l’arrêt, a, effectivement, mis un terme à une controverse quant à la nature du délai visé à l’article 72, alinéa 2 de la loi (action en contestation), celui prévu à l’article 72, alinéa 1 (revision) n’ayant quant à lui jamais été contesté.


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