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Demande de réparation d’une maladie ayant une origine professionnelle : quelles sont les exigences en matière de causalité ?

Commentaire de C. trav. Liège, sect. de Liège, 27 janvier 2012, R.G. 2011/AL/273

Mis en ligne le mardi 8 mai 2012


Cour du travail de Liège, sect. de Liège, 27 janvier 2012, R.G. n° 2011/AL/273

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 27 janvier 2012, la Cour du travail de Liège rappelle ce qu’il faut entendre par cause directe et déterminante, en cas de demande de réparation d’une maladie professionnelle dans le système ouvert.

Les faits

Un travailleur a introduit une demande auprès du Fonds de Maladies Professionnelles concernant la réparation d’une affection ne se trouvant pas sur la liste des maladies professionnelles reconnues. Il s’agit d’une gonarthrose bilatérale. L’intéressé a été exposé au risque vibratoire et est déjà indemnisé pour une affection lombaire et des membres supérieurs (maladie existant dans le système fermé).

Etant par ailleurs exposé à l’obligation de manipuler de lourdes charges (montées et descentes d’escaliers, d’échelles) et étant soumis à l’obligation de travailler en position accroupie ou agenouillée, il présente des problèmes de genoux. Un travail adapté lui a d’ailleurs été confié, sur recommandation du médecin du travail.

La demande fait l’objet d’une décision de rejet, au motif que la maladie pour laquelle réparation est demandée ne trouve pas sa cause déterminante et directe dans l’exercice de la profession.

Un recours est dès lors introduit devant le Tribunal du travail de Liège.

Décision du tribunal du travail

Le tribunal du travail désigne un expert, chargé de donner un avis sur deux questions, étant d’une part l’éventuelle indemnisation dans le système ouvert pour gonarthrose bilatérale et d’autre part un éventuel écartement définitif.

L’avis de l’expert est que l’intéressé présente bien la maladie pour laquelle il a sollicité une réparation. L’expert conclut que la maladie ne peut être étrangère à l’exercice de la profession mais qu’il est impossible d’affirmer qu’elle trouve sa source directe et déterminante dans cet exercice.

Le tribunal va dès lors, dans un second jugement, inviter l’expert à déposer un rapport complémentaire, dans lequel il devra dire si, en fonction des connaissances médicales du moment, il existe un haut degré de certitude pour affirmer que les lésions constatées sont dues uniquement à d’autres facteurs (une fracture, une chondrocalcinose ainsi que l’évolution due à l’âge). Le tribunal demande également à l’expert de préciser s’il existe un haut degré de certitude médicale pour dire que, si l’intéressé n’avait pas exercé lesdites activités professionnelles, les affections constatées auraient existé dans la même mesure.

Position des parties en appel

Le FMP interjette appel, contestant la mission complémentaire confiée à l’expert.

Décision de la cour du travail

La cour rappelle les principes et renvoie essentiellement à sa propre jurisprudence en ce qui concerne la notion de relation causale dans le cadre de l’article 30bis. Elle cite un arrêt rendu le 28 juin 2000 (C. trav. Liège, 28 juin 2000, R.G. 99/28.084), où elle a jugé que la relation causale entre l’exercice de la profession et la maladie professionnelle hors liste doit être directe, c’est-à-dire sans détours ni facteurs intermédiaires et également déterminante, étant que la cause doit être réelle et manifeste sans devoir cependant être exclusive ni même principale. Dans cet arrêt du 28 juin 2000, la cour du travail avait relevé le caractère pléonastique de l’expression.

Elle renvoie également à un arrêt de la Cour du travail de Mons du 20 septembre 2005 (R.G. n° 18.905) qui avait rappelé que n’est pas exigée la mono-causalité, dans le cadre de l’article 30bis, à savoir que la profession devait être la cause exclusive de la maladie.

Enfin, citant le premier juge, la cour renvoie à la définition courante, étant que l’adjectif ’déterminant’ a sur le plan sémantique deux sens, étant qu’il s’agit de déterminer une action ou d’être décisif. En néerlandais, le terme ’determinerende’ a été retenu par le législateur, la cour soulignant qu’il s’agit ici d’exprimer une action et non du sens ’déterminant’ (qui serait ’determinant’) ni encore de ’décisif’ (qui serait ’beslissend’).

En conclusion, pour la cour, le lien causal est prouvé lorsque la victime établit que l’exercice de la profession a, parmi d’autres facteurs, causé la maladie ou encore qu’elle l’a aggravée.

La cour revient, sur la base de ces principes, aux conclusions de l’expert mais ne les considère pas suffisamment claires pour juger. Elle désigne, dès lors, un autre expert à qui elle confie une mission tout à fait spécifique, dans laquelle elle précise que le lien de causalité prévu par l’article 30bis entre l’exercice de la profession et la maladie ne requiert pas que cet exercice soit la cause exclusive de celle-ci et que la disposition légale n’exclut pas une prédisposition. Elle n’impose pas davantage au demandeur d’établir l’importance de l’influence exercée par la prédisposition.

Intérêt de la décision

Dans ce bel arrêt, la Cour du travail de Liège redéfinit, de manière claire, les éléments de la causalité légale exigée par l’article 30bis dans le cadre d’une demande de réparation dans le système ouvert. Elle rappelle non seulement que la pluri-causalité est admise mais que la victime – qui a la charge de la preuve – ne doit pas établir l’importance de l’incidence d’une prédisposition sur la maladie professionnelle.


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