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Dans quelles conditions les ayants droit peuvent-ils prétendre à des arrérages en cas de décès d’une personne handicapée ?

Commentaire de C. trav. Liège, 13 février 2012, R.G. 2008/AL/35.339

Mis en ligne le lundi 7 mai 2012


Cour du travail de Liège, 13 février 2012, R.G. n° 2008/AL/35.339

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 13 février, la Cour du travail de Liège rappelle la distinction entre les conditions d’une reprise d’instance et le droit à des arrérages d’allocations en cas de décès d’une personne handicapée.

Les faits

Le Tribunal du travail de Liège rend un jugement en janvier 1993, jugement contre lequel appel est interjeté par le Service dans les délais. L’intimée est entre-temps décédée, en janvier 1994 et l’affaire est omise du rôle en 1998.

En 2008, les parents déposent une requête de reprise d’instance, poursuivant, ainsi, l’action de leur fille, qui tendait à se voir reconnaître le droit aux allocations à partir du 1er mars 1992, soit, vu le décès, aux allocations sur une période de 22 mois.

Décision de la cour du travail

La cour est ainsi amenée à examiner dans quelles conditions les ayants droit peuvent poursuivre ce type d’action, et ce eu égard au fait, que, en l’espèce, la reprise d’instance a été déposée 14 ans après le décès.

La cour va faire la distinction entre les conditions de la recevabilité d’une reprise d’instance et celles, particulières, au droit aux arriérés d’allocations en cas de décès.

Outre les règles générales en matière de reprise d’instance (article 816, alinéa 1er du Code judiciaire), la cour rappelle que, en matière d’allocations aux personnes handicapées, la loi du 27 février 1987 a confié au Roi la question de déterminer l’ordre de dévolution en cas de décès du bénéficiaire des arrérages, ainsi que les formalités à observer et le délai d’introduction de la demande. Ainsi, l’arrêté royal du 22 mai 2003 (arrêté royal relatif à la procédure concernant le traitement des dossiers en matière d’allocations aux personnes handicapées) détermine en son article 34 cet ordre de dévolution. Les termes échus et non payés sont ainsi payés d’office au conjoint ou à la personne avec qui la personne handicapée était établie en ménage. A défaut, un ordre précis est prévu, visant (i) les enfants cohabitants, (ii) les père et mère cohabitants, (iii) toute autre personne cohabitante, (iv) la personne intervenue dans les frais d’hospitalisation et (v) la personne qui a acquitté les frais funéraires.

La cour rappelle qu’en matière de sécurité sociale, les arrérages constituent un droit personnel non transmissible, ce qui explique la désignation des personnes physiques pouvant en cas de décès percevoir ceux-ci. Il s’agit, par ce pouvoir donné au Roi, d’une dérogation aux règles de la dévolution successorale qui s’oppose, par exemple, à des dispositions testamentaires contraires. Il en découle également que seules les personnes habilitées à réclamer ces arrérages peuvent agir en justice pour faire valoir leurs droits. En conséquence, seules celles-ci peuvent reprendre l’instance. Ce n’est donc pas les héritiers légaux ou le légataire universel qui pourraient le faire mais la personne venant en premier dans l’ordre fixé dans l’arrêté royal, et ce qu’elle soit héritière ou non du défunt (la cour renvoie ici à une importante jurisprudence). Il en découle encore que, en cas de renonciation à la succession, ceci ne fait pas obstacle à une demande de versement d’arriérés. La cour en conclut que la reprise d’instance est recevable et qu’il n’y a d’ailleurs pas de délai fixé pour celle-ci.

Il s’impose cependant d’examiner les règles spécifiques au délai contenues dans le même article 34 de l’arrêté royal en ce qui concerne le versement des termes échus et non payés à un bénéficiaire décédé. Ceux-ci sont payés d’office au conjoint ou à la personne avec laquelle il était établi en ménage. En ce qui concerne les autres ayants droit, il y a lieu d’introduire une demande, dont les conditions et exigences sont rappelées par la cour. La disposition prévoit notamment que sous peine de forclusion les demandes de paiement d’arrérages doivent être introduites dans un délai de six mois à partir du jour du décès du bénéficiaire ou du jour de l’envoi de la notification de la décision si celle-ci a été adressée après le décès.

En conséquence, la personne visée dans l’ordre de dévolution des droits à l’article 34 doit non seulement rentrer dans les conditions prévues mais également faire la demande et agir dans le délai prévu (sauf si le droit est automatique, le versement des arrérages étant effectué d’office). La cour retient que la demande est donc absolument nécessaire et qu’elle doit être impérativement introduite dans le délai visé et selon un modèle prescrit.

Elle précise que, s’il a pu être admis en jurisprudence que cette demande peut valablement résulter d’une reprise d’instance elle-même, il est plus prudent d’introduire celle-ci selon les formes prescrites. En tout état de cause le délai de forclusion ne peut être contourné par le biais, comme en l’espèce, d’une reprise d’instance pendante entre la personne handicapée décédée et le Service. Dans cette hypothèse, la reprise d’instance aurait dû impérativement être formée dans les six mois, si elle devait être assimilée à la demande visée à l’article 34.

La cour cite cependant une jurisprudence (Trib. trav. Charleroi, 4 septembre 2001, R.G. n° 55.362/R et Trib. trav. Charleroi, 26 juin 2007, R.G. n° 64.567/R) selon laquelle le délai de six mois ne s’applique pas si le décès survient après l’introduction du recours et le droit aux arriérés n’est pas né vu qu’il dépendrait du résultat d’une expertise. Pour la cour du travail, dès que le recours introduit vise l’octroi d’allocations, la demande porte sur une somme d’argent et, au moment du décès, celle-ci représente des arrérages. Il n’y a pas lieu de faire une distinction selon que la personne handicapée bénéficiait, au moment du décès, d’une allocation qui n’a pas été versée ou qu’elle a introduit un recours pour en bénéficier. Dans les deux hypothèses, il s’agit d’arrérages clichés au jour du décès et ce droit, non transmissible, doit être exercé conformément aux dispositions ci-dessus.

Intérêt de la décision

La Cour du travail de Liège rappelle, dans cette espèce, les conditions auxquelles des arriérés d’allocations peuvent être versés et à qui elles peuvent l’être, ainsi que les conditions mises selon la qualité de la personne qui peut y prétendre. La cour du travail considère, dans cet arrêt, en outre, qu’il n’y a pas lieu de faire une distinction dans ces règles en cas de procédure pendante au moment du décès.


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