Terralaboris asbl

Les provisions demandées par l’expert doivent être consignées au greffe du tribunal

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 19 décembre 2011, R.G. 2011/AB/925

Mis en ligne le lundi 16 avril 2012


Cour du travail de Bruxelles, 19 décembre 2011, R.G. n° 2011/AB/925

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 19 décembre 2011, la Cour du travail de Bruxelles rappelle deux règles importantes en matière d’expertise judiciaire : obligation de consigner au greffe la provision de l’expert et irrecevabilité dans le chef de ce dernier d’un appel contre un jugement ordonnant son remplacement.

Les faits

Un expert judiciaire est désigné en matière d’accident du travail par jugement du Tribunal du travail de Bruxelles du 7 décembre 2010. Huit mois plus tard, la victime demande le remplacement de l’expert. Celui-ci a, dès réception de la notification du jugement, indiqué qu’il acceptait sa mission. Après le dépôt de la requête en remplacement, il a fait un deuxième courrier indiquant qu’il ne pouvait commencer sa mission, au motif de la non-communication des dossiers.

Par jugement du 13 septembre 2011, l’expert est déchargé de sa mission et est condamné à rembourser sans délai la provision versée dans le cadre de sa décision – inopérante.

Il interjette appel de cette décision.

Position des parties devant la cour

L’expert judiciaire demande de mettre à néant le jugement du 13 septembre 2011 et de déclarer la demande en remplacement non fondée. Il demande que soit dit pour droit qu’il n’y a pas lieu à remboursement de la provision et que soit ordonné à la partie demanderesse originaire de communiquer son dossier médical.

La victime demande la confirmation du jugement, ainsi que la condamnation de l’expert judiciaire au paiement d’une indemnité de 300 €, au motif d’appel téméraire et vexatoire.

La décision de la cour

La cour statue, dans un premier temps, sur la recevabilité de l’appel. Elle est ainsi amenée à rappeler que l’appel est irrecevable, dans la mesure où il vise le remplacement de l’expert, une telle décision n’étant pas susceptible d’appel par l’expert lui-même. En effet, pour pouvoir interjeter appel d’une décision judiciaire, il faut avoir été partie au procès en première instance. L’expert judiciaire étant un auxiliaire de justice, il n’est pas partie à la cause et ne doit d’ailleurs pas être convoqué pour être entendu lorsque son remplacement est demandé. Il n’a pas d’intérêt personnel à sa mission et n’a pas de droit à être désigné. Il ne peut davantage prétendre au droit au maintien de sa mission d’auxiliaire de justice. La cour précise que l’on peut comparer son statut à celui d’autres auxiliaires de justice, qui ne peuvent s’opposer à la décision du juge de les remplacer. Ils ne peuvent dès lors interjeter appel du jugement. La cour renvoie à l’ensemble de la doctrine sur la question, qui conclut que la décision de remplacer un expert n’est pas appelable.

Cependant, la cour fait la distinction avec les procédures mettant en cause les droits de l’expert, ainsi la procédure de taxation des honoraires ou la réclamation de dommages et intérêts dirigée contre un expert, décisions à propos desquelles il peut interjeter appel. Il en découle que l’appel contre la condamnation à rembourser la provision versée est recevable. Sur le fond de celle-ci, la cour constate que les travaux d’expertise n’ont pas débuté et ne débuteront – dès lors du fait du remplacement – jamais.

En conséquence, la provision versée est sans cause et sans objet et doit être remboursée. La cour fait encore un rappel exprès d’un principe admis depuis la réforme de l’expertise judiciaire par les lois du 15 mai 2007 et du 30 décembre 2009, à savoir que le paiement d’une provision par une partie entre les mains de l’expert est strictement interdit. Dès lors qu’une provision a été fixée par le juge, elle doit être consignée au greffe par la partie et ne peut être libérée entre les mains de l’expert que par le greffe sur décision du magistrat (article 987 du Code judiciaire). La cour en conclut que la provision a été payée illégalement entre les mains de l’expert judiciaire.

Enfin, la cour va débouter le demandeur originaire de sa demande de condamnation à des dommages et intérêts. L’expert donne des explications diverses (non-communication des dossiers, obligation de postposer la première réunion d’expertise, problèmes internes), dont la cour relève qu’elles sont plausibles. La cour retient également que l’appel n’a pas un caractère abusif et que se tromper quant au caractère recevable ou non ou quant au fondement d’un appel n’est pas en soi un abus de droit.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la cour du travail contient deux enseignements importants, étant d’une part le rappel de l’irrecevabilité d’un appel formé par un expert d’un jugement ordonnant son remplacement et, ensuite, l’interdiction, depuis la réforme du droit de l’expertise, de verser une provision entre les mains de l’expert. Le Code judiciaire est clair à cet égard : la provision doit être consignée au greffe et ne peut être libérée que sur décision du juge.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be