Terralaboris asbl

Chômage et travail pour son propre compte : notion d’activité pouvant être intégrée dans le courant des échanges économiques

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 10 janvier 2012, R.G. 2010/AB/756 et 2010/AB/800

Mis en ligne le jeudi 12 avril 2012


Cour du travail de Bruxelles, le 10 janvier 2012, R.G. n° 2010/AB/756 & 2010/AB/800

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 10 janvier 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle qu’il faut entendre par ’travail effectué pour compte propre’ au sens de la réglementation chômage, l’activité qui peut être intégrée dans le courant des échanges économiques de biens et de services et qui n’est pas limitée à la gestion normale des biens propres : cette activité doit être prise en compte même si elle s’intègre dans des circuits économiques parallèles ou illégaux.

Les faits

Un bénéficiaire d’allocations de chômage, auditionné par la police, déclare vendre des voitures sans registre de commerce au titre de ’dépannage’.

Il est ensuite entendu par l’ONEm et explique ne jamais avoir exercé cette activité à but commercial ou professionnel, n’ayant pas de registre de commerce ni de numéro de T.V.A et ne disposant pas de structure commerciale ou de garage. Il ne nie cependant pas avoir vendu des véhicules.

Il fait, en conséquence, l’objet d’une décision d’exclusion et de récupération (pour une période de trois années). Le montant réclamé au titre d’indu est de l’ordre de 36.000€.

Un recours est introduit devant le tribunal du travail.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 16 juillet 2010, le tribunal du travail fait droit à la demande, concluant que n’est pas établie la preuve de l’activité pour compte propre. Le tribunal considère cependant que l’intéressé n’est pas involontairement privé de travail et de rémunération au sens de l’article 44 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991. L’exclusion est maintenue. Le tribunal réserve à statuer sur la sanction administrative.

Les deux parties interjettent appel du jugement.

Position des parties en appel

L’ONEm demande que le jugement soit réformé et que la décision soit rétablie en toutes ses dispositions.

Quant à l’intéressé, il demande l’annulation de la décision, ainsi que de la sanction d’exclusion (26 semaines).

Décision de la cour du travail

La cour rappelle la notion de travail, au sens des articles 44 et 45, alinéa 1, 1° de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 : est un travail pour compte propre l’activité effectuée qui peut être intégrée dans le courant des échanges économiques de biens et de services et qui n’est pas limitée à la gestion normale des biens propres. Mais c’est sur le type d’activité que la cour insiste, étant que la même disposition précise que seule peut être considérée comme activité limitée à la gestion normale des biens propres (i) l’activité qui n’est pas réellement intégrée dans le courant des échanges économiques des biens et des services et n’est pas exercée dans un but lucratif, (ii) celle qui ne permet que de conserver ou d’accroître modérément la valeur des biens et (iii) celle qui de par son ampleur ne compromet ni la recherche ni l’exercice d’un emploi.

Ces conditions sont cumulatives.

En conséquence, pour la cour, n’est pas uniquement visée l’activité licite et toute activité dépassant la gestion normale des biens propres et pouvant être intégrée dans le courant des échanges économiques est de nature à faire obstacle à l’octroi des allocations, et ce même s’il s’agit de circuits économiques parallèles ou illégaux.

En ce qui concerne en l’espèce l’activité de vente de voitures, l’intéressé n’a pas nié l’exercer depuis le début du chômage, et même s’il en a minimisé l’importance, il s’avère néanmoins qu’il a admis qu’elle permettait ’d’arrondir ses fins de mois’. Pour la cour, ceci indique à suffisance qu’il y a intégration dans le courant des échanges économiques.

Les éléments invoqués, à savoir l’absence de registre de commerce ou de structure permanente n’ont pas pour effet de rendre ladite activité compatible avec les allocations de chômage. Dès lors que la matérialité de l’activité est acquise, les conditions dans lesquelles celle-ci a été exercée sont sans incidence.

En conséquence, la cour réforme le jugement considérant par ailleurs que, même si quelques démarches ont été entreprises en vue de rechercher un emploi, ceci n’a pas d’incidence sur les conclusions à tirer de cette situation, l’activité ayant été exercée sans biffure de la carte de contrôle.

La cour du travail va cependant faire remonter la période d’exclusion du bénéfice des allocations à la première date à laquelle l’activité a pu être repérée. Vu, par ailleurs, la longueur de la période en cause (trois ans) la cour considère que la sanction d’exclusion, fixée par l’ONEm à 26 semaines, est justifiée.

Intérêt de la décision

Dans cet arrêt, la cour du travail procède à un examen en fait des données de l’espèce, pour conclure à l’exercice effectif d’une activité. Peu importent les conditions d’exercice de celle-ci, dans la mesure où elle n’est pas niée par l’auteur et qu’elle ne répond pas aux conditions cumulatives fixées à l’article 45 pour être considérée comme correspondant à la gestion normale du patrimoine propre : il y a activité interdite. Le respect ou non de la réglementation en matière d’exercice légal d’une telle activité est sans incidence.


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