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Maladie rare et intervention du Fonds spécial de solidarité de l’INAMI : conditions

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 1er décembre 2011, R.G. 2004/AB/45.090

Mis en ligne le jeudi 12 avril 2012


Cour du travail de Bruxelles, 1er décembre 2011, R.G. 2004/AB/45.090

Dans un arrêt du 1er décembre 2011, la cour du travail de Bruxelles rappelle les critères d’intervention du Fonds spécial de solidarité et particulièrement ce qu’il faut entendre par maladie rare susceptible de donner lieu à la prise en charge de soins.

L’objet du litige

La cour doit examiner les conditions d’intervention de l’INAMI dans un ’stent’ (tuteur coronarien), implanté chez un patient avant l’inscription de cet appareil dans la nomenclature. Actuellement, le remboursement de celui-ci est autorisé à des conditions strictes (A.R. du 24 mars 1998) mais, en l’occurrence, s’agissant d’une implantation antérieure, seule l’intervention du Fonds spécial de solidarité peut être demandée.

L’appareil a coûté, à l’époque (soit en 1996) un montant de l’ordre de 1.500 €, non couvert par l’INAMI.

La décision du tribunal du travail

Le tribunal du travail désigne un expert aux fins de déterminer particulièrement, parmi les conditions d’intervention requises par l’article 25, § 1er de la loi INAMI (6 conditions), s’il s’agit d’une maladie rare.

L’expert va répondre par la négative : il ne s’agit pas d’une maladie rare, mais celle-ci peut porter atteinte aux fonctions vitales du bénéficiaire.

Les deux conditions étant toutes deux exigées au sens du §1er, 2° de l’article 25, la demande est rejetée.

Position des parties devant la cour du travail

Les parties appelantes (ayants droit du demandeur originaire, décédé) font essentiellement valoir que l’expert n’a pas motivé son avis selon lequel il ne s’agissait pas d’une maladie rare et que le Collège des médecins-directeurs a très souvent accordé son intervention, admettant ainsi le caractère rare de la maladie.

C’est sur le terme ’rare’ qu’elles axent essentiellement leur argumentation. Elles considèrent que ce terme doit être compris dans son sens commun, étant ’qui se rencontre peu souvent’ et non dans son acception médicale ’affection exceptionnelle ou rarissime’ ou’ maladie orpheline’ pour les affections très rares.

Elles demandent également à ne pas être traitées de manière discriminatoire par rapport aux autres patients, qui ont pu bénéficier d’un remboursement et sollicitent, enfin, que l’INAMI communique toutes informations pertinentes à cet égard, au motif que, s’agissant d’un organisme de droit public, il est tenu de respecter un devoir de loyauté et de bonne foi par rapport aux assurés sociaux.

L’INAMI se réfère aux termes de l’article 25, § 1er, 2°, étant que les conditions légales et réglementaires ne sont en l’occurrence pas réunies : l’intervention en l’espèce n’est ni rare ni exceptionnelle. Il considère par ailleurs qu’il n’y a pas de lien entre le caractère de maladie rare et le nombre de demandes de prise et charge (et d’accords donnés en ce sens).

La décision de la cour du travail

Après avoir rappelé les 6 conditions de l’article 25, § 1er, parmi lesquelles le 2° (« viser une affection rare et portant atteinte aux fonctions vitales du bénéficiaire »), la cour constate que la notion de ’affection rare’ n’est pas définie dans la loi. Il faut dès lors lui donner son sens habituel à l’époque litigieuse (1996), et ce sans avoir égard à des définitions ultérieures.

Si la pose d’un tel appareil n’est pas un geste médical rare, il s’avère cependant que le Fonds intervenait dans des cas particuliers, relevant d’une certaine rareté. La cour constate que les cas visés étaient à l’époque admis de manière officieuse (nécessité d’un pontage urgent, correction d’un échec, sténose récidivante). Il en découle que, face à une affection non rare en soi, la pathologie était considérée comme affection rare dans certaines situations.

La cour renvoie à une question parlementaire posée au Ministre des Affaires sociales (Doc. Sén., Ann., 1-135, 23 octobre 1997), à propos de cette question précise, où le Ministre reprit ces trois cas, expliquant en outre que dans ceux-ci les demandes de remboursement étaient traitées par le Fonds spécial de solidarité, et ce afin de garantir à la fois l’uniformité des décisions et le respect des limites budgétaires.

Reprenant les constatations de l’expert quant aux circonstances médicales en l’espèce, la cour conclut que la pose du ’stent’ constituait une indication rare – même si la maladie elle-même ne l’est pas. La demande introduite répond dès lors à l’ensemble des conditions cumulatives exigées par la réglementation.

En ce qui concerne le montant de l’intervention, la cour rappelle que la demande doit être justifiée par un devis circonstancié ou une facture détaillée (A.R. 23 mars 1990, art 1er, § 1er, 2°) et que ce montant est fixé par le Collège dans les limites des moyens financiers du Fonds. Ce montant est fixé de manière discrétionnaire sous le contrôle des juridictions du travail. Or, aucune décision n’est intervenue sur ce montant. Aussi, le litige est-il renvoyé vers le Fonds afin qu’une décision soit prise à cet égard.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la cour du travail de Bruxelles a le mérite de relever que le terme ’affection rare’, dont question à la disposition légale litigieuse et qui n’est pas défini dans la loi, peut signifier ’acte médical rare’ dans une affection qui ne l’est pas nécessairement elle-même. La cour s’appuie ici sur la réponse donnée à une question posée au Ministre des Affaires sociales en son temps, sur cette question précise. Dès lors que, dans l’hypothèse d’une maladie qui n’est pas rare, le Fonds intervenait régulièrement, selon des critères officieux mais clairs dans des cas déterminés (trois cas admis), la condition légale est remplie.


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