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Organisme assureur : étendue de l’obligation de poursuivre le recouvrement de l’indu

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 20 octobre 2011, R.G. 2006/AB/48.558

Mis en ligne le vendredi 24 février 2012


Cour du travail de Bruxelles, 20 octobre 2011, R.G. n° 2006/AB/48.558

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 20 octobre 2011, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que l’obligation dans le chef d’un organisme assureur de poursuivre le recouvrement d’un indu par toutes voies de droit est une obligation de moyen. Elle donne des précisions sur la portée de celle-ci.

Les faits

Un assuré social bénéficie indument de prestations de soins de santé pour un montant de l’ordre de 10.000€. Il y a falsification d’attestations de soins. Suite au décès de l’intéressé, un seul héritier accepte la succession, sous bénéfice d’inventaire, les autres y renonçant. Cet héritier est condamné par arrêt de la Cour du travail de Liège à rembourser. Dans le même temps, l’organisme assureur demande à l’INAMI que le montant de la dette ne soit pas mis à charge de ses frais d’administration. Il fait valoir l’insolvabilité de l’héritier, ainsi que l’impossibilité de récupérer la créance dans le délai de l’article 326 de l’arrêté royal du 3 juillet 1996.

L’INAMI rejette la demande, considérant que l’organisme assureur n’a pas poursuivi le recouvrement par toutes voies (dont la voie judiciaire) et que des éléments d’information sont manquants notamment quant à la vente d’un immeuble et au disponible pour les créanciers chirographaires.

L’organisme assureur introduit dès lors un recours devant le Tribunal du travail de Bruxelles. Ce recours est rejeté par jugement du 14 octobre 2005.

Position des parties en appel

La mutuelle considère avoir usé de toute la diligence nécessaire au cas. Elle rappelle les procédures qui ont été poursuivies, le suivi de la succession chez le notaire, l’impossibilité de retarder la demande de dispense (au risque de déchéance du droit) ainsi que l’impossibilité d’attendre plus avant la vente de l’immeuble. En ce qui concerne un éventuel manquement à l’obligation de diligence, elle renvoie à l’arrêt du 26 mai 2008 de la Cour de cassation (S.070083.F) et fait valoir qu’un manquement à l’obligation de diligence ne peut aboutir à un refus de dispense que si ce manquement a pu influencer la récupération de l’indu. Eu égard, par ailleurs, à l’actif de la succession ainsi qu’à l’ampleur du passif privilégié, elle considère pouvoir bénéficier de la présomption fondée sur le caractère aléatoire du recouvrement et considère que c’est à juste titre qu’elle n’a pas exposé des frais d’exécution considérables.

Pour l’INAMI, la saisie exécution immobilière avait été suggérée par le notaire plusieurs années auparavant et selon lui la créance n’était pas totalement aléatoire. Il rappelle notamment à cet égard que les frais de vente publique sont remboursés au créancier poursuivant, et ce avant tout paiement d’un autre créancier - même privilégié.

Décision de la Cour

La cour rappelle que les dépenses entraînées par l’application de la loi coordonnée le 14 juillet 1994 sont des frais d’administration à charge de l’organisme assureur. Dans le cas d’un indu qui n’a pas été récupéré dans les deux ans de sa constatation, il y a lieu d’amortir celui-ci en frais d’administration dans les trois mois suivant l’échéance de ce délai. Ceci à la condition cependant que le paiement indu ne résulte pas d’une faute, d’une erreur ou d’une négligence de l’organisme assureur et que celui-ci en ait poursuivi le recouvrement par toutes voies de droit en ce compris la voie judiciaire. Dans l’hypothèse où le recouvrement est considéré comme aléatoire ou si des frais afférents à l’exécution de la décision judiciaire définitive excèdent le montant à récupérer, cette condition est réputée remplie.

Pour la Cour du travail, il appartient à l’organisme assureur d’établir qu’il remplit les conditions d’octroi de la dispense sollicitée. Ne s’agissant pas, en l’espèce, d’un indu résultant d’une faute (ou erreur ou négligence) de l’organisme assureur, c’est la question des moyens mis en œuvre pour recouvrer l’indu qui est examinée de près par la cour. Celle-ci rappelle que l’obligation de diligence est une obligation de moyen. Elle cite à cet égard diverses décisions rendues, qui concluent à une appréciation raisonnable de l’étendue de cette obligation : il ne peut être exigé d’un organisme assureur qu’il épuise des recours qu’il sait aléatoires ou qu’il engage des frais sans proportion avec l’indu. Ce ne sont pas les résultats obtenus qui sont pris en compte mais les efforts accomplis pour tenter d’aboutir à la récupération. La question de savoir si cette obligation a été respectée doit s’apprécier en fonction du montant en cause, ainsi que d’autres paramètres, dont les possibilités d’action et d’exécution et encore de la diligence dont l’organisme assureur a fait preuve.

La cour va, en l’espèce, constater que la diligence voulue a été apportée au traitement du dossier jusqu’à la décision de la Cour du travail de Liège qui condamne l’héritier au paiement de la dette mais la cour constate que la mutuelle aurait pu à ce moment diligenter une saisie exécution immobilière et que, à défaut de l’avoir fait, la mutuelle ne démontre pas avoir poursuivi le recouvrement par toutes voies de droit. La cour constate, enfin, que le caractère aléatoire du recouvrement était signalé dès le début de l’ouverture de la succession mais que la créance n’était pas totalement irrécupérable. La cour considère, en conséquence, devoir confirmer le jugement et suivre la thèse de l’INAMI.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles est très clair sur la nature de l’obligation de diligence à charge de l’organisme assureur : c’est une obligation de moyen mais son respect va s’apprécier en fonction des données de la cause et la cour y confirme le contrôle strict exercé sur les initiatives prises par l’organisme assureur en vue de recouvrer l’indu. Il s’agit pour l’organisme assureur de prouver toutes les démarches qu’il a effectuées à cette fin.


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