Terralaboris asbl

Accident de la circulation survenu lors du retour d’une pause de midi : gare au détour !

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 29 septembre 2011, R.G. 2010/AB/415

Mis en ligne le jeudi 23 février 2012


Cour du travail de Bruxelles, 29 septembre 2011, R.G. n° 2010/AB/415

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 29 septembre 2011, la Cour du travail de Bruxelles rappelle qu’un détour effectué lors du chemin du retour vers l’entreprise après un déjeuner au restaurant peut entraîner la non-application de la loi sur les accidents du travail.

Les faits

Une employée est victime d’un accident de la circulation survenu peu avant 15 heures aux environs de Lasne. L’intéressée travaille à La Hulpe et est allée au restaurant à Genval.

Elle est entendue, quelques jours plus tard, par l’inspecteur de l’entreprise d’assurances. Elle déclare qu’elle avait participé avec plusieurs collègues à un repas au restaurant à Genval et qu’elle avait prêté sa voiture pour permettre à un collègue, qui était arrivé avec un autre, de rentrer plus tôt que prévu. Elle pouvait par ailleurs retourner en moto avec un autre collègue. Elle déclare également avoir été enchantée à l’idée de monter sur une moto, ce qu’elle n’avait jamais fait.

Suite à l’accident de circulation dont ils furent victime, un dossier répressif fut ouvert et il en ressortit que le conducteur avait déclaré circuler pour son propre compte, qu’il avait une passagère et que tous deux se trouvaient sur une route nationale en direction du centre de Lasne.

L’assureur refusa son intervention.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 23 février 2010, le Tribunal du travail de Bruxelles, saisi de la demande de reconnaissance d’un accident sur le chemin du travail, débouta l’intéressée, au motif que l’accident s’était produit lors d’un détour important, non justifié par la force majeure.

Décision de la cour du travail

La cour constate que l’appel formé contient un moyen nouveau, à savoir que l’accident en cause peut être considéré non seulement comme un accident sur le chemin du travail mais, à défaut, comme un accident du travail.

La cour va rejeter les deux hypothèses.

En ce qui concerne l’accident du travail, qu’elle examine en premier lieu, elle constate que le travailleur doit établir avoir été au moment de l’accident sous l’autorité – effective ou virtuelle – de l’employeur. Sa liberté doit dès lors être limitée en raison de l’exécution du contrat. C’est en l’occurrence l’exécution du contrat qui est le critère et pas uniquement l’exécution du travail.

La cour constate, à partir des éléments de fait, que l’accident n’est pas survenu dans le cours de cette exécution. Le déjeuner de midi, dont les circonstances ont été décrites par les intéressés, avait été décidé par plusieurs collègues de travail, l’heure de midi étant libre. Les participants n’étaient dès lors pas tenus d’être présents. Même si l’expression « déjeuner de travail » a été utilisé par l’intéressée, ceci ne signifie pas qu’il y avait autorité de l’employeur à ce moment mais uniquement qu’il y avait un déjeuner entre collègues de travail. A supposer que parmi les participants figure un supérieur hiérarchique, cette circonstance est indifférente, dans la mesure où au moment des faits il n’était pas mandataire de l’employeur exerçant l’autorité de celui-ci. L’employée était dès lors, au moment de l’accident, libre de son temps ainsi que de tout acte lié à l’exécution du contrat. Elle ne se trouvait pas sous l’autorité de l’employeur.

En ce qui concerne l’accident sur le chemin du travail, la cour constate que les deux collègues circulant à moto étaient supposés rentrer à l’entreprise mais que les circonstances de lieu ne coà¯ncident pas avec ce trajet, puisqu’ils roulaient dans la direction opposée.

Il y a donc un détour effectué et la cour rappelle que le détour est ici important, au regard de la durée. Il est en effet de trois fois le temps nécessaire pour rentrer au siège de la société. En outre, depuis le restaurant, une distance de 8 kms a été parcourue dans le sens opposé à celui menant à l’entreprise.

S’agissant d’un détour important, il doit être justifié par une force majeure et la cour ne retient pas les explications (d’ailleurs fort peu précises) selon lesquelles, ayant prêté sa voiture à un collègue de travail, l’intéressée était contrainte de rentrer en moto avec son supérieur hiérarchique.

Pour la cour, la victime est en défaut de prouver qu’elle n’avait pas d’autre choix que d’accepter de rentrer en moto. Si ce comportement ne constitue pas une faute, la force majeure n’est cependant pas établie.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la cour du travail aborde la question de l’accident survenant pendant la pause de midi sous l’angle de l’accident du travail au sens strict, rappelant ainsi la notion spécifique d’autorité dans cette matière, et comme accident sur le chemin du travail, avec les exigences relatives au détour (ou à l’interruption).


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