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Travailleuse enceinte : conditions d’indemnisation pour écartement

Commentaire de C. trav. Liège, 7 novembre 2011, R.G. 2011/AL/197

Mis en ligne le mercredi 8 février 2012


Cour du travail de Liège, 7 novembre 2011, R.G. 2011/AL/197

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 7 novembre 2011, la Cour du travail de Liège rappelle les conditions auxquelles un écartement pour exposition à un risque de maladie professionnelle peut être indemnisé, dans le chef d’une travailleuse enceinte.

Les faits

Une technicienne de surface en maison de repos et de soins tombe enceinte et ses prestations sont suspendues suite à la décision du médecin du travail, au motif du risque d’exposition à trois maladies figurant sur la liste (1.404.01, 02 et 03).

L’intéressée demande une indemnisation pour écartement du milieu nocif de travail et la réponse faite par le F.M.P. est négative.

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Verviers, qui, par jugement du 17 mars 2011, déboute l’intéressée.

Celle-ci interjette appel.

La décision de la cour du travail

La cour du travail rappelle, dans un premier temps, la législation et la réglementation applicables. Elle répond, ensuite, aux questions lui posées quant à l’exposition au risque.

La cour constate ainsi que l’intéressée se fonde sur l’article 37 des lois coordonnées du 3 juin 1970 relatives à la réparation des maladies professionnelles, disposition qui a été modifiée par une loi du 27 mars 2009 (avec effet au 1er janvier 2010). La période visée est antérieure à cette disposition légale et la cour retient qu’en application du mécanisme ainsi mis en place, le Fonds peut, s’il le juge nécessaire, proposer à toute personne atteinte ou menacée par une maladie professionnelle de s’abstenir (temporairement ou définitivement) de toute activité susceptible de l’exposer au risque de cette maladie et de cesser (temporairement ou définitivement) cette activité. Est visé le travailleur chez qui l’on constate une prédisposition à la maladie professionnelle ou l’apparition des premiers symptômes.

Dans l’hypothèse d’une cessation temporaire, un travail adapté peut être attribué, avec maintien des indemnités prévues par la loi. A défaut de travail adapté, le travailleur sera également indemnisé mais différemment.

La disposition supprimée par la loi du 27 mars 2009 visait précisément les travailleuses enceintes, pour qui le droit aux allocations était limité à la période s’écoulant entre le début de la grossesse et le début des 6 semaines préalables à la date présumée de l’accouchement (ou 8 semaines en cas de naissance multiple). Pour la cour, la lecture de ces dispositions implique que l’indemnisation en cas d’écartement temporaire ne pourrait intervenir qu’à la condition que le F.M.P. ait proposé celui-ci et que la mesure ait été acceptée par le travailleur concerné. Mais, au-delà de cette disposition, il est admis que, pour les travailleuses enceintes, l’indemnisation vaut également en cas d’écartement sans intervention préalable du F.M.P., ainsi, en exécution des articles 41 et suivants de la loi ou des articles 7 et suivants de l’arrêté royal du 2 mai 1995 concernant la protection de la maternité. Mais d’autres conditions, contenues à l’article 37, sont également posées, étant des conditions propres au domaine des maladies professionnelles et qui ne se confondent pas avec les conditions vues ci-dessus.

Il faut en réalité que (i) le travailleur soit atteint ou menacé par une maladie professionnelle et (ii) que l’activité du travailleur l’expose au risque professionnel de la maladie. Rappelant la doctrine (J. JACQMAIN, « L’écartement préventif des enseignantes enceintes », obs. sub. T.T. Charleroi, 22 mars 2005, C.D.S., 2007, p. 224), la cour retient qu’en matière de protection de la maternité, l’écartement préventif ne peut entraîner l’indemnisation que si la cause de l’écartement coà¯ncide avec un risque de maladie professionnelle, et ceci n’est pas toujours le cas.

La notion d’exposition au risque professionnel est contenue à l’article 32, alinéa 2 des lois coordonnées : cette condition n’est pas identique à la condition que le travailleur soit menacé par la maladie professionnelle. La définition de l’article 32, alinéa 2 exige en effet qu’existe une influence nocive inhérente à l’exercice de la profession (condition externe à l’organisme de la victime) et qu’existe une prédisposition de la victime à la maladie professionnelle (condition interne à l’organisme). De cette dernière, découle l’exclusion de la procédure et de l’indemnisation du travailleur personnellement immunisé contre le risque. Ainsi, en cas de vaccination contre une maladie infectieuse.

Enfin, pour la cour, il y a encore une distinction à respecter, étant, d’une part, les dispositions qui vont spécifiquement protéger la maternité et, d’autre part, le dispositif de l’article 37 des lois coordonnées, qui organise l’écartement du travail nocif dans le souci principal d’éviter que le travailleur voie une maladie professionnelle dont il serait atteint s’aggraver ou contracte celle-ci, vu le risque. En sus, pour la travailleuse enceinte, l’article 37 protège l’enfant (contre le risque de contamination ou d’affection eu égard à la maladie professionnelle dont sa mère serait atteinte).

Complémentairement à l’ensemble de ces règles, il faut également avoir égard à l’article 30 des lois coordonnées, ainsi qu’à l’arrêté royal du 28 mars 1969 qui dresse la liste des maladies professionnelles donnant lieu à réparation et au fait que de la jurisprudence admet que l’article 37 concerne pareillement les maladies visées par l’article 30bis, étant celles pouvant être contractées dans le système « hors liste ».

Quoi qu’il en soit, c’est ici une maladie de la liste qui est visée, étant, selon le code retenu, les « autres maladies infectieuses du personnel s’occupant de prévention, soins, assistance à domicile ou travaux de laboratoire et autres activités professionnelles dans des institutions de soins où un risque accru d’affection existe ». Ce sont les termes du Code 1.404.03.

La cour souligne certains éléments de cette définition et notamment le fait qu’il faut un risque accru d’infection pouvant être contractée par le personnel occupé dans ces établissements, et ce quelle que soit leur fonction. Elle insiste encore sur la distinction entre le risque accru d’infection, ce qui n’équivaut pas au risque accru de maladie : il suffit qu’il y ait exposition au risque professionnel de la maladie sans se soucier de savoir si le risque est accru ou non.

En conséquence, des questions se posent quant à l’existence d’un risque accru d’infection, à la menace de contracter une maladie infectieuse et à l’exposition au risque professionnel tel que défini par l’article 32, alinéa 2.

La cour va dès lors ordonner une expertise aux fins d’être éclairée sur l’ensemble de ces questions.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Liège reprend une question importante, dans le mécanisme de la protection de maternité, étant que le recours aux dispositions des lois coordonnées relatives à l’écartement préventif ne peut permettre l’indemnisation que si la cause d’écartement coà¯ncide avec un risque de maladie professionnelle (ou un risque professionnel de contracter une maladie), ce qui n’est pas toujours le cas.


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